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Critique de Patsales


Il est curieux que « Les saisons de la nuit » soit le titre français choisi pour traduire « This side of brightness », comme si nuit et luminosité étaient équivalentes. Et si le roman peut être trouvé sous diverses couvertures, elles ont en commun d'être en noir et blanc. Colum McCann écrit un livre de contrastes où s'opposent et se complètent le haut et le bas, le froid et la chaleur, les Blancs et les Noirs, le présent et le passé, la main gauche et la main droite.
Pendant les 75 ans racontés dans cette histoire, New-York grandit, gagnant un métro souterrain et des gratte-ciel, tandis que ceux qui la construisent sont exploités, tués ou ignorés.
Mais ce livre est moins un roman social qu'une tragédie où des hommes oubliés de Dieu font le mal, ou plutôt font mal, par amour.
Tandis que Vannucci s'agrippe à son copain en croyant le sauver, Walker se débat pour vivre: cette scène intense qui raconte comment des ouvriers du métro piégés par un trou où l'air s'engouffre vont miraculeusement survivre donne le ton du roman: ce ne sont pas seulement les conditions de travail qui sèment la mort mais aussi la maladresse des hommes jamais plus dangereux que quand ils aiment.
C'est par amour pour sa mère que Clarence basculera et par amour de son grand-père que Nathan le conduira à la mort.
Est-ce l'humaine condition qui rend l'homme si propre à faire son malheur ou faut-il incriminer le racisme, tache originelle d'une Amérique qui condamne une femme à renier son enfant parce qu'elle et lui n'ont pas la même couleur de peau?
Malheureusement, McCann ne va pas jusqu'au bout du grand roman humaniste qu'il laisse entrevoir et il boulonne son grand oeuvre avec application.
Non que j'aime les romans mal construits. Mais j'apprécie que la construction ne soit pas aussi flagrante.
Thèse: le blanc, le froid, les tunnels, Nathan, le père, le passé . Antithèse : le noir, la chaleur, les gratte-ciel, Clarence, le fils, le présent. Synthèse : Clarence-Nathan, l'échafaudage dans le tunnel, le métis, le passé et le présent qui se rejoignent, le fils en deuil de son grand-père prêt à retrouver sa fille, le héros en quête d'équilibre. Et puis les grues omniprésentes, qu'elles soient de plumes ou de métal.
P. 19: « j'ai pas vu un coucher de soleil depuis qu'chuis descendu là » chantent les ouvriers du métro. le chant est repris p. 313, à quelques lignes de la fin. le roman commence par une résurrection où les hommes, portés par un geyser, jaillissent des profondeurs de la terre vers le ciel. Il se clôt sur ce même mot de « résurrection », quand le SDF quitte sa tanière pour retrouver l'air libre, débarrassé de sa barbe hirsute, Et plus ou moins de ses tocs, redevenu un homme, un vrai.
Cet abus de symétrie met l'histoire à distance, transforme l'empathie en géométrie et la sincérité en calcul.
Et puis, c'était bien la peine d'écrire une belle histoire tragique et troublante si c'est pour la clore sur une morale aussi niaise: du genre allez hop prends-toi en main si on veut on peut demain est un autre jour.
Vous m'en direz tant.
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