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Critique de LouDeBergh


Et si la beauté résidait là,
Entre les pages de ce roman ?
Coincée entre les os et la lumière,
Au creux de ses mots, au coeur de ses phrases,
Dans l'espace ténu qui se tient le dos droit, entre le bonheur et la douleur ?

Et si la beauté était là, dans cette image ?
Celle d'un homme, installé à la table de sa cuisine,
Se plongeant dans ses souvenirs.
Tous ses souvenirs.

Et s'il y avait bien plus que cela dans ce roman ?
Un monde tout entier coincé dans ses 350 pages ?
Si toute la complexité de l'âme humaine y avait trouvé refuge ?
Et si l'Homme dans ce qu'il avait de plus précieux s'y voyait sublimé ?

Il est midi et les cloches retentissent dans le petit village de Louisburgh, à l'ouest de l'Irlande. Assis devant la table de sa cuisine, Marcus Conway écoute la radio en lisant son journal. Pendant une heure et jusqu'au prochain bulletin d'information, il se plonge dans ses souvenirs depuis l'enfance jusqu'à l'âge adulte. Il désosse son passé comme il observe les ponts, avec autant de minutie que d'émerveillement. Il se rappelle ses premières années d'homme marié, la naissance de ses enfants, les combats quotidiens contre la corruption locale et les dernières folies de son père. Il se souvient de ce jour où, comme une large partie de la population du comté, sa femme est prise de violentes douleurs. Il évoque ce trajet en voiture vers la ville pour lui rapporter des médicaments, et sa vie qui s'est mise à vaciller.

Me voilà bien embêtée, bien empêtrée.
Eblouie.
Difficile de construire une chronique sensée. D'y trouver queue et tête.

Après tout, le dois-je vraiment ?
Cela ne saurait rendre hommage à ce roman, cette lumière.
Lumière dans la nuit. Expression galvaudée.
Mais sciemment utilisée.

Car il aura fallu 350 pages à Mike McCormack pour recouvrir le mot humain de son voile le plus somptueux,
et il me sera bien difficile de ne pas l'ôter en tentant toute analyse un temps soit peu « fouillée ».

Lorsque le regarde les critiques de D'os et de lumière qui peuplent la toile, aussi diverses soient-elles, je trouve le même désarroi que celui auquel je me trouve confrontée.
On se contente de faire un pâle résumé du roman, on aborde sa « forme » si particulière, on en dit tout le bien (ou le mal, mais c'est plus rare) que l'on en a pensé et hop, on passe à autre chose.
Mais il m'est difficile de procéder ainsi.
Je suis bien trop émerveillée pour cela.

Alors certes, la forme est loin d'être conventionnelle. 350 pages, une seule longue phrase, pas de ponctuation (ou si peu), pas de majuscule, pas de point (même pas final), juste des passages à la lignes comme on passe d'une idée à une autre sans être capable de comprendre le cheminement qui fut le nôtre.
Cela en fait bien entendu un roman tout à fait original, un OLNI (objet littéraire non identifié) comme on aime à le dire dans le monde des bloggeurs littéraires, un ouvrage livré en un souffle, suivant à la lettre les circonvolutions de la pensée humaine qui ne s'arrête devant aucune barrière et file avec le courant, tout naturellement.
Et certes, le résumé que l'on peut en faire est on ne peut plus sommaire et il semble difficile de convaincre un lecteur amateur de rebondissements.
mais…

...mais tout ce que je viens d'écrire précédemment est faux.
Partiellement tout du moins.
Infiniment aussi.
Parce que si l'on considère que ce roman est une lumière à l'état pur, une petite source d'énergie fragile et terriblement puissante à la fois,
Si l'on parvient à entrer dans cette danse de souvenirs interminable et passionnelle,
Si l'on accepte de se mouvoir avec Marcus, dans son âme et dans son coeur,
De le suivre sur le chemin de sa pensée complexe et vivante,
Au milieu de l'infinie beauté du quotidien,
On se retrouve au coeur d'une absolue merveille.
Un roman dont l'âme ne se révèle dans toute sa splendeur que dans les derniers paragraphes, un roman un peu magique dans lequel l'âme irlandaise semble résonner avec force.

Une fois refermé, on se dit immédiatement qu'il nous faut le relire. Avec un nouveau prisme. Celui d'une réalité que l'on ne découvre qu'à la fin et qui jette une lumière toute différente sur cette belle narration. On se dit qu'il existe des auteurs capables de te donner des frissons en parlant de choses on ne peut plus quotidiennes, en évoquant les petits bonheurs du jour, l'affaiblissement du manche d'un couteau ou le bord biseauté d'une poignée, en parlant des souffrances communément partagées, de la mort, de la honte, de la peur. On se dit que la magie est un peu partout, et que si l'on y fait un temps soit peu attention, on pourrait se réveiller dans un monde peuplé d'êtres et de choses capables de faire de notre vie un paradis d'émotions non-artificielles.

Et l'on se dit enfin que la Beauté, celle qui nous éblouie ou celle qui se cache au creux du moteur d'un tracteur, est décidément bien installée au coeur D'os et de lumière.
Lien : http://www.mespetiteschroniq..
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