L’alcool rend généralement compliquée l’identification catégorique d’un visage.
Il réfléchit. Il a mal. Le simple fait de réfléchir lui fait mal, compte tenu de l’alcool, des comprimés et des orgasmes simulés. Mais il a encore plus de mal à trouver une seule chose à répondre à cette fille. Quel que soit son putain de prénom. Et plus le silence se prolonge, plus elle voit rouge. Elle le regarde fixement, avec toute la sincérité dont peut faire preuve une femme nue aux seins chirurgicalement gonflés.
Certes, elle apprécie le fait de ne pas avoir à payer quoi que ce soit. Toutes ces belles choses. Elle aime ces petits cadeaux qui rendent sa vie spéciale. Mais merde, il faut tout de même qu’il y ait un minimum de respect … juste un peu. Elle mérite bien ça. Coucher avec quelqu’un qu’on n’aime pas vraiment n’est pas aussi facile qu’il y paraît.
Il donne un dernier coup de reins, ajoute un soubresaut pour la forme, doublé d’un grognement plus ou moins convaincant. Puis reste immobile, espérant avoir été crédible. Elle cesse de rebondir, un peu perplexe et incertaine de l’attitude à adopter.
La plupart des gens tueraient la moitié de leur famille – voire la totalité – pour habiter là. Le top du top, assorti d’une vue sur la ville à couper le souffle. L’appartement est spacieux et rempli de choses coûteuses, mais il dégage une impression de vide, un néant profond.
Remo connaît sa vie. Il ne la déteste pas nécessairement. Ne l’aime pas particulièrement non plus. C’est comme ça. C’est bien ce que les gens répondent, non, quand ils ne peuvent pas, ou ne veulent pas expliquer un élément dans leur vie ?
Toutes ces réflexions alimentent le feu d’artifice synaptique qui explose sous son crâne tandis qu’il arpente la ville d’un pas trébuchant, traversant les foules, et les heures qui se fondent et se brouillent jusqu’à l’entraîner à Gramercy Park. Il observe les enfants qui s’amusent, courent comme des bolides, une armée de mômes sans l’ombre d’un souci au monde.
L’air s’emplit du silence angoissant qui suit un accident de voiture. Cette libération brutale et soudaine d’énergie en une fraction de seconde, qui vous laisse avec un amas de dévastation et de séquelles permanentes. Certes, la plupart des accidents de voiture ne sont pas causés par un fou de Jésus fraîchement sorti de prison étouffant le conducteur avec un sac plastique, mais le résultat ne diffère pas beaucoup de ceux provoqués par une mère de famille grillant un feu parce qu’elle discutait de ses nouvelles chaussures au téléphone – c’est une galère indésirable.
Les gens sains connaissent généralement un moment de lucidité cathartique. Ils arrêtent les médocs et la bouteille.
Savoir combiner alcool et cachet représente un véritable exercice d’orfèvre, mais Remo est passé maître à ce dosage. Il le fait descendre d’une gorgée de Johnnie Blue. Se ressert. Il préfère ne pas divulguer ses raisons.
Règle numéro 2 : n’utilisez pas d’armes semi-automatiques quand vous faites une banque. Ni aucune autre qui crache des indices comme un distributeur Pez. Toutes ces douilles qui rebondissent sur le sol, ça claque sur grand écran. Les Glock qui dézinguent à tout va, les bastos qui volent au ralenti. Mais dans la vraie vie – le monde de Dutch –, ça crée juste des indices supplémentaires que les flics peuvent ranger dans un sachet et faire parler.