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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
William McIlvanney et son détective Jack Laidlaw faisaient partie de mes projets de lecture depuis longtemps. Allez savoir pourquoi, je différais sans arrêt cette lecture, les couvertures de la collection Rivages/Noir, leur graphisme éteint, le parti pris de tout écrire en capitales d'imprimerie, le papier des livres avec son apparence «plus recyclé que loi tu meurs», les format des livres, trop petit, la fonte des caractères minuscules, des tas de raison à chier qui m'ont servi d'alibi pendant des mois, jusqu'à ce que ce mois d'août, la pénurie de livres à lire me mettent face à Etranges Loyautés. Ce n'est peut-être pas celui par lequel il faut commencer, mais c'est le seul que j'avais sous la main à ce moment là.
Ecrit en 1991, il y a donc 24 ans, le livre date un peu. Dans le genre on a eu l'occasion de lire des choses assez sublimes dans ces 24 dernières années, mais j'étais lancé, je ne pouvais plus reculer.
Jack Laidlaw est flic. A Glasgow. Un bon détective. Catalogué «Franc tireur» par sa hiérarchie. Classique. Il hait les juges et les autres flics. Il éprouve une compassion certaine pour les délinquants qu'il est obligé de déférer devant la justice. Il dénie la capacité des magistrats à comprendre les êtres humains que lui arrête et que eux doivent punir.
«Sous ces perruques, quelles cervelles étranges se confisaient dans le Porto, quels crânes se conservaient au vinaigre de leurs préjugés ?»
D'ailleurs précise-t-il ces gens-là ne connaissent pas le formulaire UB-40 :
«Un formulaire pour les allocations de chômage ? Et qu'est-ce donc que cela ?» (Page 17)
(Je rappelle, à toutes fins utiles que UB-40 est le nom d'un groupe de reggae célèbre fondé en 1978 http://ub40.global/)
l'entrée dans le roman n'est pas évidente, mais l'écriture, les formules de MCilvanney et la curiosité pousse le lecteur à continuer.
Celui-ci comprend vite que Jack se laisse aller. Il a divorcé de Ena qui a la garde de leurs trois filles, Moya, Sandra et Jackie.
Son frère cadet, Scott est mort dans un accident de voiture. Il a une compagne occasionnelle, Jan, avec laquelle il pourrait se marier :
«Les femmes me sidèrent toujours par leur clairvoyance. Elles sont capables de faire un futur du présent, d'un simple baiser, une relation, d'un enlacement, un avenir. Jan voyait en nous deux un avenir, elle persistait à voir cet avenir malgré tout, même si j'en étais incapable.» (Page 40)
Son collègue Brain Harckness et sa femme Morag sont toujours là pour lui remonter le moral.
Profil classique donc, de flic irascible et torturé, mais bon professionnel, à l'image d'un Harry Hole, d'un Wallander, d'un Montalbano, d'un Carvalho, ou d'un Mario Conde, sauf qu'ici, le contexte a un arrière goût de tourbe et de vieux whisky, de l'Antiquary, d'eau des lochs, et de pubs où des gens chantent, de ciel gris mais complice.
« Elle offre donc comme presque tout ce qui est écossais, une nature double. Elle est à la fois rugueuse et lisse, dure et gentille. Il est possible que les visiteurs soient obligés de découvrir ses côtés durs. Sa gentillesse sera toujours plus directement accessible. Au point qu'on pourrait pardonner au touriste de passage de se demander si on n'y a pas appris aux mouettes à faire dans le pot.» (Page 76)
Jack souffre de la mort de son frère Scott. Il en endosse la responsabilité, et en assume une culpabilité (qui l'amène, contre l'avis de ses proches, à ouvrir une enquête privée pour laquelle il prend une semaine de congés :
«C'était une mort qu'il me fallait sonder, fouiller, mais non pour des raisons de police, bien que par le biais éventuel de méthodes de police.» (Page 21)
Bien entendu, on comprend vite que Jack a raison. Même si au fonds la mort de Scott reste un banal accident, Jack veut remonte la chaîne des événements qui ont précédé cet accident, et dont la motivation remonte loin dans le passé du petit frère...
La dernière fois qu'ils se sont vus, Jack préférant entrainer son frère cadet dans une mémorable tournée de pubs, n'a pas prêté attention à la seule phrase importante prononcée par Scott : «Je quitte Anna psalmodia-t-il avant de s'étendre à nouveau et de s'endormir.»
Ce souvenir lancinant le hante, et c'est à partir de ce petit rien, et c'est peu, qu'il a entendu mais n'a pas écouté, que Jack va lancer son enquête.
« Ce fut là mon dernier véritable souvenir de lui vivant, un souvenir à vrai dire pas si mauvais. Libre à ceux qui croient que le vie se mesure à ces convenances de souhaiter de derniers souvenirs plus gentillets que ceux qu'ils aiment.» (Page 47)

A Graithnock il recherche les traces de son frère, auprès de ses collègues, de sa veuve et de ses amis.
Là, il découvre une image de Scott peu conforme à celle du petit frère cadet, l'artiste brillant, qui lui était familière.
Autour d'un tableau peint par son frère, La cène des cinq, et retrouvé dans le garage de la maison vide, abandonnée et mise en vente par Anna, il recompose ce qu'avait été la vie et le passé étudiant de Scott.

Etranges loyautés interroge la capacité que nous avons à oublier ou à nous souvenir. Sommes nous comptables de ce que les autres ont été ou ont représentés pour nous à un moment donné de leur vie, et avons-nous le droit de surgir du passé en leur demandant de rendre des comptes.

Le sujet est passionnant. Tout au long des 460 pages du roman, Jack Laidlaw se débat dans ce questionnement qui pour lui signifie beaucoup et se traduit par un marché de dupes qu'il veut passer avec lui même : suis-je dans le passé de mon frère ou dans mon présent avec ceux que j'aime ?

Jack Laidlaw est un torturé, il ne comprendra jamais pourquoi sa compagne Jan et son collègue Brian le dissuadent de se lancer dans cette enquête qui laissera des traces. Lui pense qu'il est toujours préférable de ne pas se voiler la face et d'affronter la vie.
Eux pensent que le courage est de vivre dans le présent avec toutes les lacunes, les renoncements et les lâchetés, selon l'éthique de Jack, que cela sous-entend.

Accessoirement, l'enquête sur Scott permet à Jack de résoudre une affaire criminelle qui implique des personnes appartenant au passé de Scott.

Un roman dont la lecture s'avère difficile au début, mais qui entraîne le lecteur, avec Jack, dans une recherche désespérée de la vérité.

La force de l'écriture de McIlvanney est de faire monter en puissance la pugnacité obsessionnelle de Jack et et l'incompréhension qu'elle suscite chez ses proches.

J'avoue, en fermant ce livre, sur la phrase « Je regrettai de ne plus avoir de whisky.» ne pas avoir regretté de l'avoir ouvert un jour.

A lire absolument
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« Cette pensée fut les funérailles que je lui offris dans l'instant. »

Quel plaisir de retrouver Jack Laidlaw. J'aime ce personnage, flic malheureux et amateur de philosophie « Unamuno dit quelque chose comme : lorsqu'un homme perd la perception de sa propre continuité, c'est fichu pour lui. Il a le cul qui pend à la fenêtre. Désolé, Miguel, si je ne te cite pas très exactement. ».

Dans ce roman, son frère Scott est décédé dans un accident, passé sous les roues d'un véhicule. Laidlaw sombre, sans pour autant perdre son sens de l'humour et son collègue pour le soutenir.

« - Seigneur, je me fais de la bile pour toi. (...)
- Brian, dis-je. Pourquoi n'as-tu pas revêtu une belle robe ample et fleurie ?
- Quoi ?
- Si tu veux jouer à ma mère au moins, habille-toi pour le rôle.
- Va te faire voir, et pour une fois dans ta vie, écoute, tu veux bien ?
- Ma mam-mam, elle a jamais parlé comme ça. »

« Vers la fin Scott était passé maître dans l'art du mépris de soi. » Laidlaw ne comprend pas. Il sombre jusqu'à ce qu'il se décide à savoir ce qui s'est passé dans la tête de son frère. Il se décide à rencontrer toutes les personnes qui ont pu côtoyer Scott dans les derniers temps. Une femme, une bagarre dans un bar, de l'alcool, des peintures... Il découvre des pans de vie et un autre accident, un homme que Scott connaissait, a été écrasé par une voiture voici quelques temps. Étrange... Laidlaw remontera le fil pour découvrir la vérité et un morceau de lui, aussi. Étranges loyautés.

« Oh ! Que de mensonges nous nous disons à la lumière du jour sur ce que nous sommes dans l'obscurité. »
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Une véritable découverte après avoir lu Harkness d'antonio Pereira. Tous les Laidlaw, j'adore ! L'auteur est plein d'esprit et d'humanité. Envie d'aller à Glasgow !
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