Eux : "C'est un garçon ou une fille ?"
Nous : "Oh, on a préféré ne pas savoir."
Je déteste mentir, mais je ne dirai à personne ce qu'on sait. Parce que je vis dans un drôle de pays où, pour une raison inconnue, les magasins élisent une couleur pour les petits êtres humains dotés d'une zézette et en élisent une autre pour les petits humains dotés d'un zizi. Est-ce qu'ils font des économies et achètent la teinture en gros ? Ça doit être ça. Je ne vois pas d'autres explication à leur étrange obsession. Je n'ai rien contre le rose pâle, je ne voulais tout simplement pas que ce soit la seule couleur de l'appartement, ni la principale teinte que mon bébé verra quand il partira à la découverte du monde et de la place qui est la sienne.
L'accouchement s'est bien passé, j'en ai conscience et j'en suis ultra-reconnaissante. La sage-femme était en or, je n'aurais pas pu rêver de prise en charge plus sereine, Dee était génial et tout va bien. Mais quand le médecin est arrivé après l'accouchement et qu'il a coché la case intitulée "Normal/sans complication" du formulaire de l’hôpital, j'ai eu envie de lui mettre une droite. Sans complication, tu crois ça, putain ? Essaie un peu qu'on rigole. Ils devraient modifier la formulation sur leurs registres. Au moins ajouter un "Bon travail" ou autre commentaire dans ce goût-là.
Il ne ressent peut être plus d'amour pour moi, mais il en à déjà pour son enfant.Ce n'est pas l'amour qui manque ici.
J'ai envie de couvrir sa peau
de baisers boucliers
de la protéger du monde
au-delà des fleurs et des fées
de grimper dans les arbres
de nous promener sous les étoiles
Personne ne m'a dit que je ne pourrais pas utiliser du papier toilette
Personne ne m'a dit que j'allais saigner
Personne ne m'a dit que j'aurais sans doute besoin d'un lieu secret pour crier
Les entreprises exploitent les émotions comme autant d'"achats indispensables"
tandis que des milliers sont dépensés par culpabilité, peur de l'inconnu et désespoir
tandis que cent ventres lourds déambulent dans les rayons, accablés d'avis
et que tout a un prix un enfant à naître y compris
Les parents inquiets remplissent leurs caddies,
les brevets dopent les prix, vantant
les produits pour femmes enceintes, comprenez
Achetez ça, ou votre bébé sera foiré
Les marges de bénéfices augmentent chaque année
Encaissant l'argent de l'anxiété
L'amour vendu en emballage papier
Vestes à pois de grands couturiers
Je suis une mère, debout devant l'école, à la sortie des classes. C'es un peu surréaliste. Je suis véritablement une mère. En vrai. Ton sourire est magique. Tout s'est bien passé. Je suis soulagée.
Moi : "Alors, c'était comment la maternelle ? Ça t'a plu ? Tu t'es bien amusée ?" (question tendancieuse).
Petite Chérie : "Oui, maman, c'était super bien."
Moi : "Oh, génial, je suis vraiment contente."
Je suis ravie. Main dans la main, nous trottons lentement en direction de la maison.
Petite Chérie : "Ouais. Mais je ne suis pas sûre d'y retourner."
Et je me rends compte que j'ai oublié de lui dire que cela n'avait rien de ponctuel. Je suis partie du principe qu'elle le saurait.
Merde.
Décidément, je ne suis pas très douée.
À la naissance du bébé, Je ne pense pas avoir pleuré d'un amour maternel bouleversant. J'ai plutôt pleuré parce qu'on avait arrêté de me demander d'expulser une boule de bowling par le cul, et qu'enfin je n'avais plus peur que mes côtes cassent, que mes poumons éclatent et que mon visage explose. En gros, l'accouchement est terminé et tout le monde est vivant.
J'approche à peine la trentaine et j'entends déjà des gens de mon âge dire qu'ils sont trop vieux pour se lancer dans un nouveau domaine, pour apprendre ou pour démarrer un nouveau passe-temps.
Personne ne m'a dit que j'aurais besoin d'un lieu secret pour crier.