Citations sur Eau de rose & Soda bread (19)
Si elle était encore dans son pays natal, le lever du jour résonnerait du bruissement du sofresh, le tissu brodé qu'on étalait sur le sol recouvert de tapis et sur lequel on servait tous les repas. Ensuite, on disposait dessus des confitures faites maison - pétales de rose, coings et citrons verts, griottes - ainsi que des bocaux de miel à la fleur d'oranger et des pots de beurre crémeux. A côté des confitures et du miel, on trouvait des fournées toutes fraîches de pain sangak bien doré et fleurant bon les graines de sézame croustillantes. Empilées en une tour vascillante, les galettes de sangak accompagnaient parfaitement les plats de menthe du jardin, de basilic sucré et de féta qu'on venait d'acheter au bazar local.
Tu sais, cinquante ans, c'est un âge crucial pour une femme. Du jour au lendemain, tes hanches grossissent, ta peau a l'air fatiguée et si tu n'as pas de chance, ton mari ressemble à une aubergine que tu aurais envie de jeter au compost, pas de manger.
Si on ne faisait pas attention, sous peu, on serait envahi : des rangées de bouis-bouis puants tenus par des hippies ou des dégénérés, où l'on servait ces trucs aux plantes et ce fléau appelé Marie Wanna qu'ils glissaient dans leur thé et leurs gâteaux.
Partout où mes parents allaient, que ce soit à Buenos Aires, à Miami ou en Australie, la seule chose qui nous permettait de garder la tête hors de l'eau et qui nous rappelait le bon vieux temps en Iran, c'était la nourriture.
La solitude vieillit les gens.
Le passé était peut-être derrière elles, se dit-elle en rentrant au moment où la bruine reprenait.
Après tout, c'était la place du passé , non ?
D'après le savant persan, manger du raisin, des coings sucrés, des poires et des grenades renforçait le ventre et nourrissait la croissance du bébé avec les intentions de la mère. Tandis qu'un régime régulier de pois chiches frits, de haricots verts et de câpres, comme dans un plat de haricots verts aux narcisses, entraînait la perte des responsabilités maternelles.
293. Bahar secoua la tête. - I| faudra autre chose qu'un peu de poésie pour m'impressionner. N'importe quel écolier connaît Rûmî. - Ah, mais tout ce qui est dans le cœur arrive sur la langue. N'est-ce pas ce que disaient les anciens Persans ? Bahar se tut, surprise par la connaissance qu'avait Julian des vieux proverbes. Elle inclina la tête dans l'autre sens, et son visage se froissa. Puis, subitement, sa mine renfrognée céda la place à un sourire détendu. Vous avez faim? demanda-t-elle. Vous voulez un petit-déjeuner? Fromage et barbari?
Pour certains, le curcuma était le safran du pauvre, mais pour Marjan, son rôle n'était pas simplement de donner au riz une teinte jaune. Cette épice, lorsqu'on la cuisinait avec la viande appropriée, apaisait les inflammations qu'on n'avait pas encore détectées et qui, laissées sans soin, pouvaient inaugurer une maladie.
À présent que la rose est fanée
Et le jardin ravagé,
Où trouverons-nous l'essence de la rose ?
Dans l'eau de rose.
- Rûmî