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Critique de Biblioroz


2011, c'était hier, ce peut être encore aujourd'hui dans ce pays où les rêves qui germent dans un corps féminin ont tant de mal à trouver place dans une réalité injuste et cruelle. Ce premier roman de Zineb Mekouar, aux chapitres courts, à l'écriture fluide et pleine de vivacité, fait vivre deux jeunes Marocaines, deux femmes issues de deux milieux différents puisque l'une, Kenza, est la petite-fille de l'ancien gouverneur de Casablanca alors que l'autre, Fatiha, est la fille de la bonne au service de la famille bourgeoise. Notre rencontre, à Casablanca, avec ces deux destins émouvants se fait en plein désarroi, pour l'une comme pour l'autre.

En cette fin d'année 2011, Fatiha a fait confiance à Soufiane, à ses promesses. Il lui faut maintenant supporter la lâcheté et la cruauté de l'homme qui promet, prend son plaisir puis argue que ses parents n'accepteront pas qu'il se marie avec une Fatiha qui n'est plus vierge ! Sofiane se défile, en toute légitimité pour un homme qui se doit de respecter les données de sa religion, et Fatiha va voir une voyante pour faire passer l'enfant.
Kenza, son passeport vert qui la remplit d'amertume à la main, quitte la France et revient à Casablanca avec le regret de ne pas être Européenne, libre. Elle rentre chez elle où l'attendent son grand-père et Milouda, la mère de Fatiha. Ses parents sont décédés il y a bien longtemps et sa grand-mère, sa Mamizou qu'elle adorait, n'est plus là non plus pour lui insuffler optimisme et amour. Dans ses pensées, qu'elle désire refouler, les images de sa vie avec Alexandre.

Entre présent, enfance puis jeunesse, Fatiha et Kenza nous montrent la place qu'elles occupent au Maroc, dans une société qui détermine leur chemin éducatif et professionnel, leurs droits ou plutôt leur absence de droits, leur obligation à garder leur virginité jusqu'au mariage donc leur interdiction d'avoir des rapports alors que les hommes les harcèlent.

Dans leur enfance, main dans la main pour s'endormir, elles étaient déjà sur deux échelons différents de l'échelle, Kenza dans son lit et Fatiha, au pied de celle-ci, sur une couche de fortune. Elles se sentaient, se voulaient comme deux soeurs. Dans leurs jeux, elles étaient soeurs car l'enfance tente de cacher ce qu'elles voyaient, ce qu'elles ressentaient, ce qu'elles comprenaient déjà sans le vouloir. Elles ne fréquentaient pas les mêmes écoles, leurs amies respectives les éloignaient l'une de l'autre, laissant la jalousie traîner dans le sillon de leurs vies.
Leur amitié, distendue par moments, resserrée à d'autres, s'accorde avec réalisme à ce que l'on peut imaginer dans leurs univers si éloignés l'un de l'autre. La France, pourtant loin d'être une terre d'accueil irréprochable, creuse aussi le fossé entre Kenza partie y faire ses études et Fatiha restée au Maroc. Leurs regards diffèrent, l'amour s'en mêle aussi…

Du Maroc, j'ai appris les langues utilisées, les difficultés à apprendre l'arabe classique tandis que de multiples images du pays se dégagent de ce petit roman : les youyous, les tajines, la traditionnelle fête de l'Aïd-el-Kebir et son mouton sacrifié, les volets fermés à la mort d'Hassan II. Quelques incursions politiques, des visions différentes du ramadan. L'exécrable lenteur des droits des femmes qui se heurtent à la politique et la religion.

Vers la fin de cette lecture, le titre, qui m'a intriguée, fait une apparition remarquée et attendrissante. Un joli point supplémentaire pour découvrir ce beau roman.
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