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Critique de dido600


Juif de Tunisie en contact avec les colonisateurs aussi bien qu'avec les colonisés, proche des seconds bien plus que des premiers, Albert Memmi entreprend, démontre qu'ils sont dans une perpétuelle interdépendance, liée au système colonial, qu'ils ne peuvent se définir que les uns par rapport aux autres. Deux parties, étroitement reliées, deux faces d'une même réalité. Pour Memmi, tout colonisateur ne peut être qu'un privilégié, fût-ce relativement, par rapport aux indigènes ; et il est toujours un «usurpateur», puisque ses privilèges ne sont pas légitimes, et il le sait. D'où, d'une part, une mauvaise conscience, qui atteint son paroxysme chez l'homme de gauche. Et, d'autre part, un mépris de soi, du fait de sa médiocrité, consubstantielle au système colonial, qui incite le colonialiste à s'appuyer sur son prétendu patriotisme et sur le prestige de la métropole pour essayer de se justifier à ses propres yeux ; conformément à ce que Memmi appelle le «complexe de Néron», il recourt aussi à tous les stéréotypes racistes, qui sont autant de mystifications visant à naturaliser l'oppression et à dresser des barrières inamovibles entre les races. Ce faisant, il manifeste des tendances fascisantes.

le colonialiste fait du colonisé un portrait mystificateur. Mais le colonisé, dépourvu de tout droit, constamment soumis et humilié, et en état permanent de carence, est souvent amené à se conformer au miroir qu'on lui tend. J-P Sartre écrivait dans la préface de la première édition : «Une impitoyable réciprocité rive le colonisateur au colonisé, son produit et son destin». Certains (colonisés) tentent bien de s'assimiler, et donc de s'aliéner culturellement, mais l'assimilation, refusée par le colonisateur, n'est qu'un mirage. La révolte est donc inévitable. Pour assurer la cohésion du mouvement de révolte, l'élite des colonisés en arrive souvent à la dépasser et à basculer dans la révolution pour tuer totalement «le colonisé». Nationaliste, «parce qu'il devait lutter pour l'émergence et la dignité de sa nation», il ira jusqu'à affirmer les «valeurs refuges», régressives, que sont la tradition, la famille et, plus encore, la religion, ce qui est lourd de dangers, une fois l'indépendance obtenue.

L'Auteur : Ecrivain et philosophe franco-tunisien. Né en décembre 1920 à Tunis de père juif italien et de mère juive sépharade d'ascendance locale. Langue maternelle : l'arabe. Etudes universitaires à Alger puis à la Sorbonne. Enseignant. Une grande oeuvre tournant autour de la difficulté de trouver un équilibre entre Orient et Occident. Fondateur du concept de judéité au début des années 70, comme base de son travail d'exploration de l'être juif. Ce concept, dont il jeta les bases, sera ensuite utilisé par de nombreux philosophes. Plusieurs oeuvres dont un premier roman (largement autobiographique), en 1953, avec une préface de Albert Camus. le «Portrait du colonisé (précédé) du Portrait du colonisateur» a été publié en 1957 (Buchet-Chastel), avec une préface de Jean-Paul Sartre. Il est apparu, à l'époque, comme un soutien aux mouvements indépendantistes.
Avis : «Une grande voix singulière de l'anticolonialisme»... un texte étincelant de vérités, peut-être incompréhensible pour les nouvelles générations car, avec la mondialisation–globalisation (même des pouvoirs politiques) et les Tic, d'autres formes de «colonialisme» sont nées. Il peut, aussi, être mal interprété, par les «anciens», qui vont, peut-être, le mettre (ou mettre certains extraits) au service de leur (s) cause(s).
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