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Citations sur Les Silences de Dunkelblum (11)

La vérité tout entière, comme son nom l'indique, est connue de l'ensemble des gens concernés. C'est la raison pour laquelle, par la suite, on ne réussit plus à la reconstituer correctement. Car parmi tous ceux qui en ont détenu une portion, il y en a toujours quelques-uns qui sont déjà morts.. Ou qui mentent, ou dont la mémoire est défaillante.
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Parfois, il suffit d’une minuscule décision individuelle : Que serait-il arrivé si huit ou neuf ans auparavant le chancelier fédéral Schuschnigg, homme faible et indécis, avait tout de même donné l’ordre d’opposer aux frontières de l’Autriche une résistance armée ?
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À Dunkelblum, fleur obscure qui porte bien son nom, les murs ont des oreilles, les fleurs dans les jardins ont des yeux, elles tournent leurs petites têtes de tous côtés pour que rien ne leur échappe, et l’herbe, de ses vibrisses, enregistre le moindre pas. Quant aux humains, ils ont toujours du flair. Dans le village, les rideaux bougent, comme poussés par une légère brise, inspirer, expirer, c’est vital. Chaque fois que Dieu plonge son regard dans ces maisons de poupée, comme si elles n’avaient pas de toit, qu’il regarde à l’intérieur, contemple cette bourgade miniature édifiée avec l’aide du diable pour mettre en garde tous ses habitants, il voit presque partout des personnes postées aux fenêtres, derrière les rideaux, épiant ce qui se passe au-dehors. Parfois, souvent, ils sont deux ou même trois, répartis dans différentes pièces et se cachant les uns des autres. On souhaiterait à Dieu que son regard ne pénètre que dans les maisons, pas dans les cœurs.

À Dunkelblum, les habitants savent tout les uns des autres, et les quelques broutilles qu’ils ignorent ou ne peuvent inventer ni simplement laisser tomber, elles ne sont pas indifférentes, mais bien au contraire essentielles : ce qui n’est pas connu de tous est déterminant comme une malédiction. Les autres, ceux qui viennent d’ailleurs ou se sont installés ici après leur mariage, ne savent pas grand-chose. Ils savent que le château a brûlé, que les descendants du comte vivent maintenant dispersés dans plusieurs pays éloignés, mais que, suivant la coutume, ils reviennent célébrer leurs noces et leurs baptêmes, occasions de grandes fêtes pour toute la région. Les enfants cueillent des fleurs dans les jardins des paysans et tressent des guirlandes, les vieilles exhument leurs costumes régionaux centenaires, et tous se postent au long de la Herrengasse, la rue des Seigneurs, tous agitent les mains. Les fiancées étrangères notent avec un petit rire pointu qu’ici, alors que la République a depuis longtemps pris le pouvoir, on peut encore, au moins à chaque fête carillonnée, se fier à ses sujets.
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Quant au médecin généraliste, le docteur Sterkowitz, il buvait, certes, mais avec modération, et seulement parce qu’ici c’était l’usage. Ailleurs, il aurait chiqué ou grignoté des sucreries, il accordait plus d’importance à une coexistence harmonieuse qu’il n’était d’usage à Dunkelblum. Sterkowitz passait le plus clair de son temps dans sa voiture, actuellement un modèle japonais d’un orange criard, et faisait des visites à domicile. Il n’en démordait pas, elles lui offraient davantage de souplesse et lui permettaient, en passant plus de temps auprès des patients alités, d’écarter les malades imaginaires ou les hypocondriaques. De ce fait, les consultations sur rendez-vous qu’il était obligé de proposer trois matinées par semaine, en dépit de ses visites à domicile, se déroulaient de manière plus chaotique encore que si son emploi du temps avait été structuré régulièrement. Des enfants attendant leur vaccin pleurnichaient, des vieux fébriles faisaient des malaises, et plus d’une fois il lui arriva de récupérer in extremis une infection pulmonaire grâce à un cocktail d’antibiotiques parce que certains ignoraient encore, au bout de plusieurs décennies, que le docteur Sterkowitz privilégiait les visites à domicile et ne les réservait pas aux urgences, ou qu’ils préféraient se déplacer eux-mêmes plutôt que voir arriver devant leurs maisons individuelles à moitié finies ou devant leurs fermes décrépites son véhicule tape-à-l’œil. Sterkowitz ne se laissait pas détourner de sa conception du service au patient. En vérité, il aimait être par monts et par vaux. Peut-être appréciait-il tant la voiture parce qu’il ne se plaisait pas dans des espaces clos, qui sait. Partout où il arrivait, il ouvrait grand les fenêtres. Il faut respirer, ronchonnait-il, les malades ont besoin d’air pur, on a plus vite fait d’étouffer que de mourir de froid. Mais ici, chez nous, tout le monde semble préférer macérer dans son jus !
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Liste des personnages
Personnages principaux
Lowetz (35 ans), a hérité de la maison de ses parents à l’été 1989 et revient à Dunkelblum
Lowetz, Eszter, sa mère, morte subitement peu avant, travaillait avec Rehberg à la chronique locale
Kalmar, Fritz (45 ans), voisin de la famille Lowetz, menuisier, pendant la guerre, était tout petit lorsqu’il a été blessé à la tête, s’exprime difficilement
Kalmar, Agnes (69 ans), mère de Fritz et amie d’Eszter, souffre depuis la fin de la guerre de troubles psychiques à répétition
Malnitz, Flocke (23 ans), institutrice, fille de Toni et Leonore Malnitz, s’intéresse au travail de mémoire et à la chronique locale, était l’amie d’Eszter Lowetz et a hérité de son Opel Corsa
Malnitz, Leonore (56 ans), sa beauté en fait la « reine de Dunkelblum », épouse de Toni, mère de quatre filles dont Flocke. Née à Kirschenstein, installée à Dunkelblum seulement après la guerre
Malnitz, Toni (56 ans), son mari, viticulteur primé car il a su prendre à temps le tournant de l’agriculture biologique, père de Flocke
Rehberg (49 ans), propriétaire de l’agence de voyages et féru d’histoire locale, neveu de la défunte Elly Rehberg
Gellért, Alexander, professeur (69 ans), touriste, loue à l’été 1989 une chambre à l’hôtel Tüffer et s’engage dans diverses enquêtes dont certaines aux côtés de Flocke Malnitz
Grün, Antal (67 ans), épicier installé au 9 Tempelgasse, sa mère Gisella et lui sont les seuls Juifs revenus à Dunkelblum après la guerre, locataires d’Agnes Kalmar jusqu’au moment où ils sont parvenus à racheter leur maison
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parce que les humains, au contraire des animaux, sont toujours occupés, ne serait-ce qu’à bricoler leurs habitations, ils se donnent l’impression manifestement vitale d’avancer avec leur temps.
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La nature se donnait du mal afin d’être au moins remarquée. Cette nuit en offrait un exemple. Les humains s’étaient construit des habitations sûres, et pourtant, il y avait des moments où ils étaient bien obligés de douter de leurs petites œuvres laborieuses.
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Est-ce que le mal, sous sa forme pure et autarcique, existe réellement, c’est une question démodée, quasi religieuse et certainement inutile. On peut tout expliquer par l’enfance, par la pauvreté, surtout par la violence qu’on a soi-même subie et qui, ce que savait déjà la Bible, se reproduit elle-même à l’infini. Il faut en tout cas accepter l’idée que dans certains cas rares des circonstances défavorables et des tendances de toute évidence mauvaises convergent de sorte qu’un être surgit telle une arme chargée. Dont la biographie, même examinée à la loupe par la suite, ne présente aucune rupture, aucune période de latence, aucune bifurcation qui aurait pu conduire sinon à la vertu, du moins à des contrées relativement plus inoffensives.
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Un jour, les habitants de Dunkelblum éprouvèrent le besoin d’avoir leur première route asphaltée, et ils l’obtinrent. Bientôt, l’objet de leur désir fut un supermarché, puis un deuxième, pour la concurrence, et enfin une parapharmacie. Depuis qu’ils avaient même une grande surface dédiée au bricolage, ses portes coulissantes électriques étaient grandes ouvertes pour toutes les fautes de goût, et même jusqu’à 17 heures le samedi.
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Il était las des exclamations vantant un lieu paradisiaque que poussaient tous ces gens qui n’y connaissaient rien, ces types de la capitale rasés de près qui donnaient le ton et leurs petites amies aux hanches étroites, et qui considéraient Dunkelblum et ses environs comme la province parfaite parce que facile à atteindre, et dont ils attendaient – c’était un ordre – qu’elle demeure provinciale – au cas parfaitement improbable où ils auraient un jour besoin d’un point de repli. Calme, grands espaces, rien alentour et une nature tranquille. Comme si cela existait. Le calme, les grands espaces, rien dans les têtes et la conscience tranquille.
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