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Critique de Leponeynoir


Sur le ton de l'autobiographie, Robert Merle retrace l'itinéraire du commandant du camp d'Auschwitz.
Il en ressort un récit très vraisemblable de ce que fut la vie de Rudolf Hoess (rebaptisé en l'occurrence Rudolf Lang).
C'est un récit épuré, réaliste, qui fait écho à l'aridité émotionnelle de son personnage. On y découvre la « psyché » du narrateur, un être conditionné à l'extrême, « éduqué à mort », depuis sa sombre enfance sous la férule d'un père détraqué et psychorigide, jusqu'à la hiérarchie SS, en passant par l'enrôlement précoce dans l'armée du Kaiser.
Des figures marquantes joueront un rôle-clé dans cette existence austère et laborieuse : notamment le dragon Günther, officier impétueux de la Grande Guerre et nationaliste fanatique, et surtout le grivois et tyrannique hobereau von Jeseritz, parfait prototype du Junker prussien tel que l'a décrit William Shirer dans « Le Troisième Reich ».
Incarnant le type de l'allemand consciencieux à l'extrême, austère et spartiate, dur avec lui-même comme envers autrui, Rudolf Lang ne semble posséder qu'une seule véritable crainte : déplaire à ses chefs, se retrouver en disgrâce.
On le voit dans les premiers passages du livre : une expérience d'enfance traumatisante a visiblement déshumanisé la personnalité de Lang qui, après avoir perdu la foi, ne trouvera refuge et sécurité que dans l'obéissance. L'appareil militaire auquel il aspire tant d'appartenir n'est-il pas pour lui un foyer de substitution ?
Quoi qu'il en soit, en tant que lagerkommandant d'Auschwitz, il assistera à toutes les scènes de l'holocauste avec ce regard toujours étonnamment neutre, comme déconnecté, ne se préoccupant que de problèmes logistiques, faisant passer son propre intérêt - et celui sa famille - derrière l' « impératif catégorique ». « C'était un travail ennuyeux », dira t-il finalement à ses juges.
Évidemment, cette biographie amène de multiples questions. Au-delà de celle, souvent posée, des fonctionnaires allemands consciencieux qui participèrent à la solution finale, il y en a aussi une autre : celle du poids des traditions et courants philosophiques qui ont constitué le socle d'un appareil d'état entièrement fonctionnel. On peut penser à Treitschke lorsqu'il s'adressa à ses étudiants en leur déclarant : « Peu importe ce que vous pensez, du moment que vous obéissez ». Certains affirment aussi que le régime nazi a pris ses origines dans la raison (une raison qui ne tolère pas la contradiction), et non dans un mysticisme à connotation païenne. Il y a aussi l'héritage d'un processus d' « automatisation » des êtres inhérent à l'esprit prussien. Tout ces causes trouvant finalement leur manifestation dans un phénomène (l'Holocauste) dont on ne peut nier la modernité.






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