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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Encore une fois, me voilà à remercier Babelio et sa Masse Critique ainsi que les éditions Babel pour cette découverte.

L'esprit de l'ivresse ou l'âge des désillusions, des rêves qui nous abandonnent, de la réelle brutalité de la vie qui nous frappe de plein fouet, de cet individualisme qui fera de notre futur un autre aujourd'hui. L'esprit de l'ivresse où cette nuit basculera, prise de conscience, solidarité, humanité, l'espace d'un instant, avant que chacun reprenne sa place, rejoigne sa caste et son rôle de fourmi, de brave petite fourmi. L'esprit de l'ivresse, qui n'a rien d'une thèse sociologique, ce premier roman, ce constat criant, non, hurlant de vérité.

Loïc Merle cet auteur digne d'Hugo et de Zola, cet auteur à l'écriture sans équivoque, délicate, raffinée et riche, au phrasé à vous couper le souffle.

Standing Ovation
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« J'ai imaginé les conséquences que pourraient avoir en France des émeutes de grande ampleur si elles débouchaient sur une révolte généralisée, pendant laquelle quelques personnages apprennent de leur ivresse ou de celle des autres, tentent de se délivrer de leurs addictions pour en acquérir d'autres, meilleures, en tout cas plus conformes aux temps nouveaux qu'ils entrevoient, cernés par de grandes limites : l'attachement à leurs origines, le rôle qu'ils ont tenu pendant toute leur vie ; la mort ; la fidélité à leurs convictions, à la révolte, à la contre-révolte ; la mort. Je crois que mon roman essaie d'être honnêtement ivre…»

Voici les mots de l'auteur pour parler de ce livre, son premier roman, qui sort chez Actes Sud le 21 août, et sera, à n'en pas douter, de ceux que l'on remarquera. Et pour cause ! Il s'agit de l'un de ses premiers romans qui font littéralement exploser le talent d'un auteur, vous mettant au faîte dès le départ, d'une vérité simple : Loïc Merle est un auteur avec lequel il va falloir compter désormais, et en tout cas on l'espère vraiment.

Sur la quatrième de couv' on peut lire qu'il s'agit d'un roman « à l'ampleur et aux ambitions rares » et j'avoue que je ne trouverais pas de meilleure formule pour en résumer la teneur.

L'action se situe d'abord aux Iris , cité parisienne qui cristallise en elle tout ce que l'époque actuelle porte de frustrations,d'injustices, de préjugés – individuels et collectifs- ,et qui va être le point de départ de ce qui deviendra :

« La Grande Révolte ».

Dans cette cité vit Youssef Chalaoui : une vie passée d'espoirs déchus, d'illusions, de rêves, de petits bonheurs, d'incompréhensions. Un contrôle d'identité, délit de faciès d'un homme qui perd la tête et dont la mort fera de lui un véritable martyr. Cette vie s'achèvera de façon tragique et va devenir un symbole. L'auteur use d'un lyrisme et d'une puissance littéraire qui nous acquis alors complètement aux faits et causes de ce vieil homme au fond tellement ancré de le monde d'aujourd'hui.

Comme cette révolte qui traverse les lieux et se déplace, l'auteur nous emmène ensuite dans les sphères parisiennes, avec Clara, égérie plus ou moins légitime d'un mouvement féministe, lui-même conséquence de la révolte qui se propage.

Clara qui se débat avec sa condition de femme, avec celle de fille des banlieues, qu'elle semble être pour ces jolies parisiennes révoltées mais hors des réalités, et celle de fille pas tout à fait de la banlieue qu'on lui prête aux Iris. Un entre deux à l'image de la complexité humaine de cette femme entre intelligence aigüe et colère inaltérable.

Le prisme de cette révolte sans précédent s'achève sur un dernier personnage : Henri Dumont. Président de la République. La tête du pays qui après la prise de l'Elysée, fuit, lamentablement, dans sa berline noire. Il fuit son pays, son échec, sa vie, ses obligations, et ce sentiment diffus d'avoir donné son énergie et sa vie à tenter de sauver quelque chose, qui n'était de toute façon pas sauvable. Un troisième acte dont la force est de nous faire entrer complètement dans le personnage au point de se dire que cela finira un jour par arriver.

La force indéniable de ce premier roman, réside en un fait assez simple : au-delà du roman social (et donc forcément teinté de politique), Loïc Merle explore les sentiments de chacun, les relations humaines en tout ce qu'elles ont de plus complexe, de plus beau, de plus laid.

S'inspirant on l'imagine des émeutes, bien réelles cette fois-ci, de la banlieue parisienne en 2005, cet ancien prof, enseignant à Argenteuil, a le mérite (assez rare pour être souligné) de ne pas faire de cet état de fait, ni un gage de bravoure, ni une raison légitime de s'attaquer à un tel sujet, il en tire seulement une espèce de crédibilité et surtout une compréhension véritable de ce qu'engendre et induit une émeute. Dans le premier acte du roman ( qui en comporte quatre ), il décrit avec lenteur, précision, et un maniement des mots quasi parfait, ce qui peut faire d'une réaction populaire à un fait divers, une émeute, avec tout ce qu'elle amène de CRS plus ou moins conformes à l'idée qu'on s'en fait, de gaz lacrymogène et de dommages collatéraux.

L'ivresse dont il s'agit n'a rien à voir avec une quelconque addiction, il s'agit de l'ivresse d'un peuple entier, de l'ivresse d'être humain que la colère populaire (ou simplement la tournure du monde) amène à se poser de véritables questions existentielles, au sens le plus noble que puisse avoir ce terme. Loin d'écrire un roman socialo-politico-engagé de plus, Loïc Merle a l'immense intelligence de ne pas se lancer dans une farce élitiste adressée à des sphères politiques plus ou moins concernées.

Et de faire de cette espèce d'uchronie d'un réalisme puissant, un grand roman.
Lien : http://vagabondssolitaires.w..
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Ce roman évoque un sujet rarement abordé: une (future) insurrection des banlieues sensibles, en France. Elle a comme point de départ une bavure presque banale de la police. Ensuite, ce mouvement aura toute l'ampleur de Mai '68: il atteindra Paris et investira même l'Elysée. Toutefois le lecteur n'aura jamais une vue d'ensemble, ni une chronologie claire de ces événements bouleversant la France. Le contexte social, ethnique et religieux de la banlieue est pratiquement passé sous silence; il n'y a pas de mot d'ordre bien défini dans cette insurrection. Tout reste dans le flou: l'auteur ne se réfère jamais à des entités bien connues du lecteur, comme des partis politiques, des syndicats ou des associations clairement identifiées.

Ce qui est remarquable dans le début du roman, c'est le parti-pris de l'auteur: il choisit de ne pas centrer son récit sur des individus en particulier; personne n'est présenté comme héros. L'action est décrite d'une manière presque abstraite, sans dialogues, sans détail réaliste, sans décrire précisément la progression de la colère populaire. Cette première partie s'achève en queue de poisson, sans que la suite des événements soit précisée. Ma lecture a été laborieuse et je me suis parfois senti irrité en raison du style surprenant de L. Merle, mais aussi de ma difficulté à le suivre dans son récit. Cependant, il y a souvent une justesse de ton: par exemple, quand les "olvidados" de banlieue manifestent spontanément, l'auteur écrit des phrases qui nous font bien comprendre qu'un point de non-retour a été atteint: « Une anxiété passe de proche en proche, mais c'est une anxiété nouvelle, qui ne ressemble pas à celle des jours travaillés, de la rentrée des classes; les gens ne la reconnaissent pas et aucune comparaison ne leur vient, ils sont à court de mots plutôt que volontairement silencieux (…) Ils attendent la suite, de plus en plus nombreux et gauches et timides, et si rien ne se passe encore, ils craignent malgré tout le moment où il leur faudra se disperser (…) »: ici, la dynamique collective me semble exactement suggérée.
La seconde partie du roman met en scène une femme faisant partie d'un groupuscule féminin révolutionnaire, Clara. On y retrouve le même souffle, les mêmes qualités et défauts que précédemment, mais avec peut-être plus de lyrisme. L. Merle donne souvent libre cours à sa verve: c'est une logorrhée assez somptueuse. Mais, là encore, on doit souvent relire le passage lu pour essayer de saisir ce qu'il y est écrit. Dans cette partie, l'auteur met en scène les groupes extrémistes qui poussent les banlieues à la confrontation finale. L'auteur évoque très vaguement les bouleversements apportés à la société française par la jeune révolution triomphante: peut-être une forme d'anarchie, l'ostracisme à l'égard de l'argent, le refus de la consommation...
La troisième partie, qui arrive sans transition, m'a beaucoup déçu: je n'ai pas été sensible au vécu personnel du Président de la République alors qu'il est confronté à une révolution !
La dernière partie est un long épilogue: l'action se situe dix années après la révolte. Tout a fini par se tasser, sans qu'on sache de quelle manière. On retrouve Clara, maintenant réduite au statut d'ouvrière misérable. Un soir, rentrant dans son taudis, « elle se mit à chanter à mi-voix, sans paroles ni air connus, elle semblait chanter douloureusement à la gloire de sa propre déchéance, trois ou quatre notes lamentables, qui la faisaient frissonner et charriaient plaisamment les larmes jusqu'à ses yeux ». Elle revoit sa vie passée: elle a été en prison pour ses activités politiques, elle a eu un enfant de Hakim (avec lequel Clara a rompu depuis longtemps), puis l'enfant a été confié à ses parents à elle. Mais, un jour, Clara apprend la mort de Hakim et réclame à ses parents son fils âgé maintenant de 9 ans. Elle obtient la garde de Youssef; elle l'aime mais elle ne parvient pas à établir une vraie complicité avec lui. Un jour, reprise par ses pulsions de révolte, elle participe à une manifestation et son fils la découvre sous un jour nouveau: il s'adresse à elle en l'appelant « Maman » (et non « Clara ») mais, dans le bruit, elle ne l'entend pas... le livre s'achève brusquement là.

Cet ouvrage entrelace des destins individuels (celui de Clara, surtout) et un destin collectif (celui de la France en crise). Comme dans un rêve bizarre, l'histoire contée nous parait à la fois prégnante et irréaliste, son développement échappe à l'esprit rationnel. Il délivre un message que nous peinons à saisir. Peut-être s'agit-il de cet avertissement: braves gens, faites bien attention aujourd'hui à la réalité des habitants des banlieues sensibles, marginalisés dans notre pays; car, dans un avenir plus ou moins proche, ces hommes et ces femmes vous surprendront par leur irruption violente au coeur même de la société française. le lecteur peut souscrire à cette intuition ou non, mais ce n'est pas le problème de l'écrivain.
A mon avis, pour que le lecteur apprécie ce livre, il serait préférable qu'il en connaisse mieux l'histoire. Si, dans sa lecture, il reste en attente des péripéties et du dénouement du récit, il pourra difficilement fixer son attention sur l'écriture du roman. Il risque d'être déçu, car l'auteur a fait le nécessaire pour que le récit échappe au "suspense" et à une logique romanesque. Même si on évite cet écueil, il faut être très concentré pour suivre l'auteur dans son étrange voyage au sein de ce monde virtuel et pour "se brancher" sur son style bien particulier: l'écriture de L. Merle a une densité presque étouffante, qui donne souvent au lecteur moyen (que je suis) la velléité de décrocher - alors même qu'il voudrait en apprécier la richesse.
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Emeute, révolte, révolution. Un premier roman cherche au plus près du terrain le sens de ces mots.

Premier roman de l'auteur, publié en août 2013 chez Actes Sud, "L'esprit de l'ivresse" explore, au plus près du terrain, et de la vie réelle de ses protagonistes "non politisés", le sens que peuvent avoir aujourd'hui en France des mots tels qu'émeute, révolte, ou - bien que jamais cité - révolution.

Si l'exercice comporte quelques menues maladresses (la partie nettement surjouée autour de "l'enfance d'un chef", en l'espèce le président de la République mis inopportunément en fuite par l'émeute-phare du roman, née d'une enième bavure stupide, tout particulièrement), il reste un texte profondément intéressant dans sa capacité à saisir et à reproduire les interrogations, les déclics, les vides et interstices existants entre l'ordre établi, les innombrables insatisfactions, frustrations et fureurs rentrées, qui ne disent pas toujours leur nom, et la manière dont des politiciens professionnels ou amateurs peuvent s'efforcer de capter ces énergies latentes... pour le meilleur et pour le pire. Un thème ancien comme la politique révolutionnaire donc, mais qui trouve ici, catalysé par la crise des banlieues de 2005 (ces "banlieues" qui sont peut-être le véritble héros du roman), une nouvelle actualité, tout en restant à distance des prophéties noires d'un Thierry Jonquet ("Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte", 2006) et des magnifiques cynismes d'un Alexis Jenni ("L'art français de la guerre", 2011).

Appelant à un salutaire exercice de pensée malgré quelques longueurs, un livre captivant.


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