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Citations sur L'État-providence (5)

La notion française d’État-providence.

Si la notion d’État-providence est passée dans le langage commun avec une connotation positive, elle est, à l’origine, assortie d’un sens critique et négatif qu’elle tend à retrouver aujourd’hui. Pour ses inventeurs, réformateurs sociaux ou opposants français au Second Empire, dont Émile Ollivier est la figure emblématique, l’État-providence est l’enfant monstrueux de la Révolution française. Parce que la Révolution française et les régimes qui lui ont succédé ont supprimé tous les corps intermédiaires entre l’individu et l’État, supprimé les corporations, interdit les syndicats, contrôlé les organisations de secours mutuels, l’État a été obligé de devenir la providence des malheureux.
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La naissance de l’État-providence marque la rupture avec la conception libérale de l’État comme État gendarme ou État « gardien de nuit ». L’État gendarme ou État gardien de nuit accorde un rôle minimal à l’État ; en revanche, l’État-providence donne à l’État un rôle important dans la vie sociale et économique au nom d’impératifs sociaux.

Aujourd’hui, le terme peut être pris dans deux sens. Au sens large, adopté par ceux qui critiquent la place trop importante prise par l’État, la notion désigne l’État interventionniste qui s’institutionnalise après la Seconde Guerre mondiale. Au sens restreint, que nous adoptons ici, l’État-providence est celui qui intervient pour assurer la prise en charge collective des fonctions de solidarité.
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La notion d’État-providence n’est pas dénuée d’ambiguïté. Au sens strict, la notion d’État-providence signifie la monopolisation par l’État des fonctions de solidarité sociale. Or, dans aucun pays, l’État ne monopolise les fonctions de solidarité. L’État-providence est toujours une réalisation partielle. Dans une perspective internationale, il existe des degrés très variables de l’étatisation de la solidarité et de la reconnaissance des droits sociaux. La solidarité face aux risques sociaux est toujours le résultat de l’intervention de plusieurs instances : la famille, la collectivité de travail, les associations volontaires, les institutions religieuses, les entreprises, les compagnies d’assurances, les collectivités locales, les organismes spécialisés et, enfin, l’État. En effet, même dans le domaine des solidarités organisées et réglementées par l’État, celui-ci tient souvent un rôle direct assez faible et se limite à une fonction de réglementation. Le poids de chacune de ces instances dépend du degré de développement économique, de la démographie, des relations entre les groupes sociaux, du degré d’individualisation des rapports sociaux et des valeurs qui imprègnent la société. L’État-providence est une création historique dans laquelle se mêlent innovations nationales et internationales, transferts d’idées, mimétisme institutionnel et traditions réinterprétées. Le terme lui-même ne fait pas l’unanimité. Les francophones utilisent la notion d’État-providence ou, plus rarement, celle d’État social, quand les Anglo-Saxons utilisent la notion de Welfare State qui ne désigne pas exactement les mêmes réalités.
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L’originalité des États-providence modernes ne réside pas en ce qu’ils offrent une protection à des populations autrefois livrées à l’insécurité sociale, elle ne réside pas non plus seulement en ce que l’État prenne en charge une protection assurée auparavant par d’autres instances. Ce qui est protégé est non un individu particulier, mais des droits par le biais de lois universelles. En d’autres termes, alors que dans les sociétés dépourvues de droits sociaux les citoyens restent dépendants du sens de la solidarité des autres (réciprocité, charité ou solidarité volontaire), dans l’État social il faut et il suffit d’entrer dans des catégories reconnues (malade, invalide, retraité, chômeur, pauvre) pour bénéficier du droit aux prestations ou aux allocations. Ainsi aujourd’hui, dans la quasi-totalité des pays occidentaux, les citoyens bénéficient d’une couverture sociale plus ou moins étendue en cas de chômage, de retraite ou de maladie. Ces droits peuvent être la résultante de contributions sociales versées, ou de leur statut de citoyen, ou de l’examen de leurs besoins. Très souvent ils peuvent bénéficier d’aides complémentaires dans le domaine du logement, de l’éducation, de la famille pour des problèmes spécifiques. L’ensemble de ces droits dessine la figure emblématique de l’État-providence moderne cherchant à mettre en œuvre, selon l’analyse du sociologue Gøsta Esping-Andersen, la démarchandisation de l’homme au sein des sociétés capitalistes. L’État-providence correspond à une forme de « capitalisme à visage humain » dans lequel l’homme perçoit des revenus de substitution lorsqu’il se trouve hors du marché du travail (maladie, vieillesse, chômage) ou lorsque ses revenus ne lui permettent pas de faire face à ses besoins. Il a, en outre, accès à des services sociaux et de santé à un coût très inférieur à celui du marché. Cette distinction a une portée considérable. Elle permet de distinguer fondamentalement, dans l’histoire de la protection sociale, ce qui relève de la philanthropie, du paternalisme ou du clientélisme sociétal ou encore de l’assistance libérale, et ce qui relève de la reconnaissance de droits dans l’État-providence démocratique.
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La notion d’État-providence évoque clairement l’une des nouvelles fonctions de l’État moderne : s’occuper du bien-être social des citoyens, et non plus seulement de la police, de battre monnaie, de gérer ses relations internationales ou de faire la guerre. En second lieu, elle suggère la rationalisation et l’objectivation du droit au secours que constitue le passage d’une solidarité subjective (en mon âme et conscience) à une solidarité objective fondée sur des droits des citoyens et/ou des travailleurs. Elle met en évidence enfin le fait que dans les États-providence, lorsque les solidarités primaires sont défaillantes, les citoyens (et parfois les résidents) peuvent compter sur la puissance publique, émanation de la solidarité nationale. Dans les termes de Polanyi, la naissance de l’État-providence signifie que la redistribution étatique prend la place de la réciprocité et du marché. Dans les sens de Polanyi, le principe de réciprocité suppose la communauté de destin. La définition de la communauté de référence peut varier selon les sociétés et leurs modes de configurations sociales. La famille, le lignage, la corporation, le village, la communauté ethnique peuvent tour à tour constituer les sources majeures de la solidarité entre égaux. Dans les sociétés à base communautaire, l’aide mutuelle est constamment renforcée par le code d’honneur qui impose de venir en aide à ses proches. En revanche, elle cesse de s’imposer dès lors qu’elle met en relation des individus extérieurs au groupe de référence. Elle participe de la recréation permanente du lien social et est mise en difficulté lorsque le lien social est brisé à l’issue de circonstances exceptionnelles comme les guerres, les pandémies, l’éclatement des communautés. Par opposition, la distribution renvoie à une protection sociale organisée du haut vers le bas : des riches, des puissants, des institutions ou encore de l’État vers les pauvres ou les personnes en difficulté. Les sociétés africaines contemporaines décrites par Robert Vuarin (2000) reflètent encore assez bien le recours à ces deux formes d’aide et d’entraide.
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