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Critique de Rodin_Marcel


Meyer Deon (1958-) – "La proie" – Gallimard / Folio-policier, 2020 (ISBN 978-2-07-292291-6)
– traduit de l'afrikaans par Georges Lory – titre original "Prooi" cop. 2018

C'est là un roman peu ordinaire, pour tout un tas de raisons qui viennent en vrac.
D'abord par la qualité de l'intrigue, des personnages, des situations : certes, l'auteur a du métier, il a publié une douzaine de romans depuis 2002, il n'en est vraiment pas à son coup d'essai. Raison de plus pour admirer le résultat : l'auteur ne s'endort pas sur ses lauriers.

Et puisque toute une partie de l'intrigue policière consiste à chercher ce qu'il n'y a pas, ce qui manque (une idée creusée ici avec originalité), je m'en vais souligner ce qu'il n'y a pas dans ce roman, ces omissions qui ajoutent grandement à sa qualité. Il n'y a pas la moindre de ces scènes de violence abondamment et complaisamment décrites par bon nombre d'auteurs d'aujourd'hui. Il n'y a pas non plus de scènes érotico-pornographiques, bien au contraire l'auteur mobilise le fil rouge d'une délicate demande en mariage ainsi que d'un honneur à sauver aux yeux d'un galopin de douze ans. Pas non plus de ces tirades de "profonde psychologie des profondeurs", même pas l'ombre de l'une de ces "profileuses" devenues l'un des pires lieux communs des polars de ces dernières années. Il en manque des choses !
Et pourtant, le roman noircit pas moins de 562 pages, on ne s'y ennuie jamais, je l'ai même relu deux fois.

C'est que l'auteur sait glisser discrètement des considérations sensées sur des domaines autrement plus originaux que la énième séance de tortures ou de jambes en l'air.
Il connaît et apprécie visiblement l'ébénisterie, la peinture, la musique (p. 142), la cuisine (p. 202), les paysages et les villes et même le luxe d'un train peu ordinaire. Il insère sans lourdeur ni baratin des allusions à la désastreuse situation de l'Afrique du Sud, un pays dévasté par celles et ceux qui le libérèrent de l'apartheid et entendent maintenant s'en mettre plein les poches (p. 180, 216).
Une fois de plus, la Révolution dévore ses (meilleurs) enfants pour permettre à ses pires éléments de devenir de sanglants dictateurs (les sempiternelles lignées allant de Robespierre à Staline, de Castro aux Khmers rouges, du Nicaragua d'Ortega à la Syrie des Hassad, la liste serait trop longue), et l'Afrique noire détient des records dans ce domaine (Bokassa, Mobutu, Sékou Touré et tant d'autres). Ces "révolutionnaires" étaient formés par l'ex URSS ou la Stasi de RDA (p. 248) – tout comme les terroristes de la Rote Armee Fraktion...
L'Afrique du Sud eut droit aux séides de l'ANC, et le roman se déroule sous la présidence de Jacob Zuma, caractérisée par une corruption généralisée et – surtout – par l'instauration d'un des systèmes économiques les plus inégalitaires au monde, dont l'écrasante majorité de la population noire fait largement les frais.

Autre surprise de taille, pour celles et ceux connaissant bien le monde germanique : voilà un auteur mondialement célèbre qui écrit en afrikaans !!! Avec quelques remarques malicieuses (p. 109, 124-125), sans oublier les autres langues parlées en Afrique du Sud. Existe-t-il un auteur mondialement traduit qui écrive en joual québécois ou en créole des Mascareignes ???

Un roman qui incite à se pencher sur les précédents.

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