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Citations sur Oeuvres complètes, tome 1 (231)

PLUME PRÉCÉDÉ DE LOINTAIN INTÉRIEUR

LA RALENTIE

Non, oui, non. Mais oui, je me plains. Même l'eau soupire en tombant.

Je balbutie, je lape la vase à présent. Tantôt l'esprit du mal, tantôt l'événement ... J'écoutais l'ascenseur. Tu te souviens, Lorellou, tu n'arrivais jamais à l'heure.

Forer, forer, étouffer, toujours la glacière-misère. Répit dans la cendre, à peine, à peine; à peine on se souvient.

Entrer dans le noir avec toi, comme c'était doux, Lorellou…

Ces hommes rient. Ils rient.
Ils s'agitent. Au fond ils ne dépassent pas un grand silence.
Ils disent "là". Ils sont toujours "ici".
Pas fagotés pour arriver.
Ils parlent de Dieu, mais c'est avec leurs feuilles.
Ils ont des plaintes. Mais c'est le vent.
Ils ont peur du désert.

… Dans la poche du froid et toujours la route aux pieds.

Plaisirs de l'Arragale, vous succombez ici. En vain tu te courbes, tu te courbes, son de l'olifant, on est plus bas, plus bas…

Dans le souterrain, les oiseaux volèrent après moi, mais je me retournai et dis : "Non. Ici, souterrain. Et la stupeur est son privilège."

Ainsi je m'avançai seule, d'un pas royal.

Autrefois, quand la Terre était solide, je dansais, j'avais confiance. A présent, comment serait-ce possible ? On détache un grain de sable et toute la plage s'effondre, tu sais bien.

Fatiguée on pèle du cerveau et on sait qu'on pèle, c'est le plus triste.

Quand le malheur tire son fil, comme il découd, comme il découd !

(Extrait/8, suite... p. 577-578)
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Parfois on rencontre un immense précipice, mais
au-dessus il y a un peu de terre, sur quoi même on bâtit. À
Quito, il y a ainsi deux longues quebradas, six mètres de
terre superficielle et trente mètres de précipice. Quand il
pleut on arrête les tramways et on regarde la terre qui plie.
Ça tiendra peut-être encore quelque temps.
Parfois dans une rue, vous entendez un bruit lointain
mais net d’eau furieuse ! Vous ne voyez d’abord rien. Vous
êtes près d’un petit trou. Machinalement vous prenez un
petit caillou et vous le lancez. Il faut, pour entendre le
bruit, tellement de secondes que vous préférez partir.
Vous vous sentez pris par le dessous, tous vos pas aus-
cultent, vous murmurez en vous d’un ton terne et bête :
Le plancher des vaches... le plancher des vaches...

p.186
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En marge d'« Épreuves, exorcismes »


On t'a vu, homme, peseur d'étoiles lointaines ;
On a vu tes études, mais c'était pour crocheter les coffres ;
On a vu ton social, mais c'était pour plus avilir ;
On a vu tes religions, mais c'était pour mieux haïr ;
On a vu tes arts, mais c'était pour te chatouiller ;
On a vu ta philosophie, mais c'était pour se lever plus de
poussière.

Fais la paix avec la mort ;
Fais la paix avec toi-même ;
Fais la paix avec la paix, ô homme, à l'amour si semblable
à la haine !
Fais la paix tu en auras besoin.
Et fais-toi les pieds solides, ô homme !
Fais-toi les pieds solides comme les paysans labourant en
terre argileuse ;
Fais-toi les pieds solides, comme le sont les pieds des
paysans, des rhinocéros, des pianos à queue, et ce ne sera pas
de trop.

p.823-824
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PLUME PRÉCÉDÉ DE LOINTAIN INTÉRIEUR

LA RALENTIE

Des trains sous l'océan, quelle souffrance ! Allez, ce n'est plus être au lit, ça.
On est princesse ensuite, on l'a mérité.

Je vous le dis, je vous le dis, vraiment là où je suis, je connais aussi la vie. Je la connais. Le cerveau d'une plaie en sait des choses. Il vous voit aussi, allez, et vous juge tous, tant que vous êtes.

Oui, obscur, obscur, oui inquiétude. Sombre semeur. Quelle offrande ! Les repères s'enfuirent à tire-d'aile. Les repères s'enfuient à perte de vue, pour le délire, pour le flot.

Comme ils s'écartent, les continents, comme ils s'écartent pour nous laisser mourir ! Nos mains chantant l'agonie se desserrèrent, la défaite aux grandes voiles passa lentement.

Juana ! Juana ! Si je me souviens... Tu sais quand tu disais, tu sais, tu le sais pour nous deux, Juana ! Oh ! ce départ ! Mais pourquoi ? Pourquoi ? Vide ? Vide, vide, angoisse ; angoisse, comme un seul grand mât sur la mer.

Hier, hier encore; hier, il y a trois siècles ; hier, croquant ma naïve espérance; hier, sa voix de pitié rasant le désespoir, sa tête soudain rejetée en arrière, comme un hanneton renversé sur les élytres, dans un arbre qui subitement s'ébroue au vent du soir, ses petits bras d'anémone, aimant sans serrer, volonté comme l'eau tombe ...

Hier, tu n'avais qu'à étendre un doigt, Juana ; pour nous deux, pour tous deux, tu n'avais qu'à étendre un doigt.

(Extrait/10, suite et fin... p. 579-580)
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PLUME PRÉCÉDÉ DE LOINTAIN INTÉRIEUR

LA RALENTIE

Mes mains, quelle fumée ! Si tu savais... Plus de paquets, plus porter, plus pouvoir. Plus rien, petite.

Expérience : misère; qu'il est fou le porte-drapeau !

... et il y a toujours le détroit à franchir.

Mes jambes, si tu savais, quelle fumée !

Mais j'ai sans cesse ton visage dans la carriole...

Avec une doublure de canari, ils essaient de me tromper. Mais moi, sans trêve, je disais: Corbeau ! Corbeau ! Ils se sont lassés.

Écoute, je suis plus qu'à moitié dévorée. Je suis trempée comme un égout.

Pas d'année, dit grand-père, pas d'année où je vis tant de mouches. Et il dit la vérité. Il l'a dit sûrement… Riez, riez, petits sots, jamais ne comprendrez que de sanglots il me faut pour chaque mot.

Le vieux cygne n'arrive plus à garder son rang sur l'eau.

Il ne lutte plus. Des apparences de lutte seulement.

(Extrait/7, suite... p. 576/577)
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PLUME PRÉCÉDÉ DE LOINTAIN INTÉRIEUR

LA RALENTIE

On ne travaille plus. Le tricot est là, tout fait, partout.

On a signé sa dernière feuille, c'est le départ des papillons.

On ne rêve plus. On est rêvée. Silence.

On n'est plus pressée de savoir.

C'est la voix de l'étendue qui parle aux ongles et à l'os.

Enfin chez soi, dans le pur, atteinte du dard de la douceur.

On regarde les vagues dans les yeux. Elles ne peuvent plus tromper. Elles se retirent, déçues, du flanc du navire. On sait, on sait les caresser. On sait qu'elles ont honte, elles aussi.

Épuisées, comme on les voit, comme on les voit désemparées.

(Extrait/4, suite... p. 575)
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NUIT DE NOCES

Si, le jour de vos noces, en rentrant, vous mettez votre femme à tremper la nuit dans un puits, elle est abasourdie. Elle a beau avoir toujours eu une vague inquiétude...
"Tiens, tiens, se dit-elle, c'est donc ça, le mariage. C'est pourquoi on en tenait la pratique si secrète. Je me suis laissé prendre en cette affaire."
Mais étant vexée, elle ne dit rien. C'est pourquoi vous pourrez l'y plonger longuement et maintes fois, sans causer aucun scandale dans le voisinage.
Si elle n'a pas compris la première fois, elle a peu de chances de comprendre ultérieurement, et vous avez beaucoup de chances de pouvoir continuer sans incidents (la bronchite exceptée) si toutefois ça vous intéresse.
Quant à moi, ayant encore plus mal dans le corps des autres que dans le mien, j'ai dû y renoncer rapidement.

(La Nuit remue, 1935-1967)
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ANNALES


Alors commença la grande guerre des statues. Ce fut
dans l'année du cheval de feu et il y eut grande immo-
lation. Jeune ni vieux ne pouvait retenir sa vie. Il fallut
la sacrifier.
Pour statue, pour statue immobile.
Tribus du feu écrasèrent tribus du chêne.
Tribus de la flèche écrasèrent pays de la houe.
Le monde était tout spasme. Ce furent les années, où ils
durent vivre leur vie.

p.798
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Mes propriétés

ARTICULATIONS


Et go to go and go
Et garce !
Sarcospèle sur Saricot,
Bourbourane à talico,
Ou te bourdourra le bodogo,
Bodogi.
Croupe, croupe à la Chinon.
Et bourrecul à la misère.

p.507
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PLUME PRÉCÉDÉ DE LOINTAIN INTÉRIEUR

LA RALENTIE

Et je me disais : «Sortirai-je? Sortirai-je? Ou bien ne sortirai-je jamais? jamais? » Les gémissements sont plus forts loin de la mer, comme quand le jeune homme qu'on aime s'éloigne d'un air pincé.

Il est d'une grande importance qu'une femme se couche tôt pour pleurer, sans quoi elle serait trop accablée.
A l'ombre d'un camion pouvoir manger tranquillement.
Je fais mon devoir, tu fais le tien, et d'attroupement nulle part.

Silence !Silence ! Même pas vider une pêche. On est prudente, prudente.

On ne va pas chez le riche. On ne va pas chez le savant. Prudente, lovée dans ses anneaux.

Les maisons sont des obstacles. Les déménageurs sont des obstacles. La fille de l'air est un obstacle.

Rejeter, bousculer, défendre son miel avec son sang, évincer, sacrifier, faire périr... Pet parmi les aromates renverse bien des quilles.

Oh, fatigue, effort de ce monde, fatigue universelle, inimitié !

Lorellou, Lorellou, j'ai peur... Par moments l'obscurité, par moments les bruissements.

Écoute. J'approche des rumeurs de la Mort.

Tu as éteint toutes mes lampes.

L'air est devenu tout vide, Lorellou.

(Extrait/6, suite... p. 576)
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