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Critique de Bouteyalamer


Les mots solides du titre, mots d'architecte, surprennent à la lecture de cet examen de conscience immergé dans le doute. Il s'agit d'aphorismes, de quelques récits, notamment un rêve, et finalement d'un poème. Les aphorismes portent sur la manière de vivre une vie incontrôlable : « Le précieux, le véritablement précieux est distribué sans le savoir et reçu sans contrepartie » (p 58). Michaux se veut l'observateur intransigeant de soi-même et des autres, ces hommes qu'on peut imiter par calcul mais dont la sottise, ou l'ignorance, ou la suffisance ne permettent pas d'accepter ou de comprendre. « Les hommes, tu ne les as jamais pénétrés. Tu ne les as pas non plus véritablement observés, ni non plus aimés ou détestés à fond. Tu les as feuilletés. Accepte donc que, par eux semblablement feuilleté, toi aussi ne sois que feuillets, quelques feuillets » (p 16). Loin de Pascal ou Valery, il ne cherche ni conseil — qui serait prise de responsabilité —, ni confidence — qui serait prise à témoin —, ni exemple, ni généralisation. Aucune trace ici d'un système religieux ou moral.

Michaux s'interroge, s'exhorte et se défie. Il se met à distance en employant le « tu », parfois l'impératif, et rarement le « je » ou le « il ». Il recherche l'autonomie, l'indifférence à autrui, évacue le besoin absurde de partager, de se justifier ou de rendre compte. Les autres sont le plus souvent indistincts, parfois nommés — Djatt le philosophe (l'épithète est un démenti), le soldat S. (un homme qui tombe, figure tragique), sa mère (apparue dans un rêve, fugitive, hostile et lointaine) — ou figurés, comme dans la fable, par le tigre, le singe ou l'araignée.

Pourquoi Poésie Gallimard ? le poème final le justifie :
Habiter parmi les secondes, autre monde
si près de soi
du coeur
du souffle
Perpétuel incessant impermanent
train égal vers l'extinction
Passantes
régulièrement dépassées
régulièrement remplacées
passées sans retour
passant sans unir
sobres
pures
une à une descendant le fil de la vie
passant…

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