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Publié en 1978, « Poteaux d'angle » est une oeuvre tardive d'Henri Michaux, écrivain, poète et peintre belge disparu en 1984. Si cet ouvrage est paru dans la collection « Poésie » de Gallimard, il évoque davantage un recueil d'aphorismes, dont certains évoquent des kōans, qu'un recueil de poésie stricto sensu.

Malgré la diversité des maximes que nous propose l'auteur, une forme de cohérence sous-tend ce court recueil. Henri Michaux nous parle de manière extrêmement directe, en usant tout à la fois de l'impératif et du tutoiement.

« Avec tes défauts, pas de hâte. Ne va pas à la légère les corriger.
Qu'irais-tu mettre à la place ? ».

Le ton est donné, et donne parfois l'impression que l'auteur admoneste son lecteur. Une impression qui offre une fraîcheur étonnante à cet ouvrage acéré, incisif, mordant, caustique, acerbe, acide.

Le recueil s'articule autour de deux axes. le premier est une injonction au dépouillement, au détachement, à la dignité. L'auteur nous enjoint à reconnaître notre finitude, notre vanité, à accepter nos défauts, à cesser enfin de nous mentir à nous-mêmes.

« Non, non, pas acquérir. Voyager pour t'appauvrir. Voilà ce dont tu as besoin. »

« Si tu es un homme appelé à échouer, n'échoue pas toutefois n'importe comment. »

« Quoi qu'il t'arrive ne te laisse jamais aller - faute suprême - à te croire maître, même pas un maître à mal penser. Il te reste beaucoup à faire, énormément, presque tout. La mort cueillera un fruit encore vert. »

Le second axe du recueil est une pensée qui tente de remonter le courant de la rivière des idées reçues. Michaux pense contre. Contre le communément admis. Contre l'évident. Contre ce que nous tenons pour indubitable. Cette contre-pensée iconoclaste offre aux aphorismes de Michaux un souffle roboratif ainsi qu'une force de percussion saisissants.

« On n'est pas allé dans la lune en l'admirant. Sinon, il y a des millénaires qu'on y serait déjà. »

« L'homme qui sait se reposer, le cou sur une ficelle tendue, n'aura que faire des enseignements d'un philosophe qui a besoin d'un lit. »

« Si la souffrance dégageait une énergie importante, directement utilisable, quel technicien hésiterait à ordonner de la capter, et à faire construire à cet effet des installations ?
Avec des mots de « progrès, de promotion, de besoin de la collectivité » il fermerait la bouche aux malheureux et recueillerait l'approbation de ceux qui à travers tout entendent diriger. Tu peux en être certain. »

Le style de Michaux tend vers l'épure d'une estampe japonaise et confère une forme d'âpreté aux aphorismes que nous propose ce recueil. L'auteur écarte le superflu, les mots qui ne disent rien, délaisse le superfétatoire, pour tendre vers une lumière d'une stupéfiante clarté.

« Des critiques examinent les mots les plus fréquents dans un livre et les comptent !
Cherchez plutôt les mots que l'auteur a évités, dont il était tout près, ou décidément éloigné, étranger, ou dont il avait la pudeur, tandis que les autres en manquent. »

J'ai découvert ce recueil à l'âge de vingt ans, cela fait maintenant trente ans que je le relis, et que je cherche ces mots qu'Henri Michaux a évités. Ces mots, je ne les trouve évidemment pas. Je ne pense pas que le passage des ans m'ait permis d'approfondir ma compréhension de ces « Poteaux d'angle », destinés à nous aider à rester droits et dignes, y compris dans la défaite de nos pensées. Je pense que la stupéfiante clarté de cet ouvrage m'avait frappé au coeur dès sa découverte, et que sa relecture a pour objet de rallumer la flamme de la poésie incandescente d'Henri Michaux.

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Henri Michaux dans ce recueil
traque le positif sous le négatif,
réhabilite l'énergie des échecs.

Il se soucie avant tout de ne pas
devenir maître à penser, et
encore moins maître à panser.

Cet éternel poseur de questions
souligne la légèreté de l'apparence,
l'incertitude scientifique, se méfie
du " multiple " et de son contraire
l'" un ".

Trouve les mots pour redorer
la ligne fugace, éphémère, mais
bien réelle de l'énergie vitale
des " passions tristes ".

Quelques exemples au travers
des citations ci-dessous :


" Garde ta mauvaise mémoire. Elle a sa raison d'être,
sans doute.
p.10


" Tu laisses quelqu'un nager en toi, aménager en toi,
faire du plâtre en toi et tu veux encore être toi-
même !
p.11


" Songe aux précédents. Ils ont terni tout ce qu'il ont
compris.
p.11


" Celui qui n'a pas été détesté, il lui manquera toujours
quelque chose, infirmité courante chez les ecclésias-
tiques, les pasteurs et hommes de cette espèce, les-
quels souvent font songer à des veaux. Les anticorps
manquent.
p.13


" intelligence même révoltée saura, pour se tranquil-
liser elle-même, faire de secrets et sages alignements,
petits et rassurants.
Cherche donc, cherche et tâche de détecter au moins
quelques uns de ces alignements qui, sous-jacents,
à tort t'apaisent.
p.15


" Attention ! Accomplir la fonction de refus à l'étage
voulu, sinon ; ah sinon…
p.17


" Arctique par le front. Seulement par le front.
p.17


" Garde ce qu'il faut d'ectoplasme pour paraître " leur "
contemporain.
p.17


" Ce que tu as gâché, que tu as laisser se gâcher et
te gène et te préoccupe, ton échec est pourtant cela
même, qui ne dormant pas, est énergie, énergie sur-
tout. Qu'en fais-tu ?
p.19


" Il plie malaisément les genoux, ses pas ne sont pas
bien grands, mais il reçoit mieux n'importe quel
rayon, celui qui jamais n' été disciple.
p.19


" Si la souffrance dégageait une énergie importante,
directement utilisable, quel technicien hésiterait à
ordonner de la capter, et à faire construire à cet
effet des installations.
Avec des mots de " progrès, de promotion, de besoin
de la collectivité " il fermerait la bouche aux malheu-
reux et recueillerait l'approbation de ceux qui à
travers tout entendent diriger. Tu peux en être cer-
tain.
p.20


" Tu peux être tranquille. Il reste du limpide en toi.
En une seule vie tu n'as pas pu tout souiller.
p.22


" Avec une sensibilité de citerne, ne fraie pas avec une
sensibilité d'effleurement.
p.24


" En te méfiant du multiple, n'oublie pas de te méfier
de son contraire, de son trop facile contraire : l'un.

p.27
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Première approche de ce monument qu'est Henri Michaux. En tant que belge et amateur de poésie, mes attentes étaient probablement ailleurs. Aussi la "mayonnaise" que nous "Belgicains" mettons sur nos frites, la mayonnaise n'a pas pris. le style âpre, comme du papier sablé, le forme en apparence sentencieuse, moralisatrice, le ton souvent désabusé sinon cynique m'ont décontenancé, m'attendant à une écriture teintée de surréalisme ou inspirée de ce réalisme fantastique dont les Belges sont les porte-étendard.
Où la lecture s'est faite passionnante sinon émouvante c'est dans cette volonté de déconstruire notre appartenance au monde - j'ai envie de parler de dysharmonie - ce refus de la métaphore et de la musicalité au profit du repli sur son vécu originaire, ce hiatus, ce fossé que le poète tente avec des mots de creuser pour délimiter son être profond et propre (dans tous les sens du terme), sur cette lutte contre tout ce que la culture, la société ont voulu implanter au coeur de sa pensée et sa perception du monde.
Probablement à relire plus vieux (encore plus vieux qu'aujourd'hui ???).
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Poteaux d'angle est une oeuvre née par vagues successives : un premier ensemble de textes a été publié à l'Herne en 1971. D'autres textes l'ont complété et ce nouveau recueil est sorti en 1978 chez Fata Morgana. S'y ajoutent en 1981, dans l'ouvrage édité chez Gallimard, deux ensembles inédits et un poème final.

Chaque ajout apporte intensité et complexité à ce livre tardif d'Henri Michaux, écrit alors que le poète avait plus de quatre-vingt ans. Quatre mouvements se succèdent avec une logique interne. Quatre mouvements, quatre poteaux d'angle, dessinent un champ de réflexion vaste et intense.

La métaphore du titre, Poteaux d'angle suggère tout à la fois la nécessité d'un support stable pour celui qui cherche à se construire, et le balisage de son espace intérieur.

Dans ce recueil, le précepte, l'aphorisme, le constat aigu - à la deuxième personne du singulier - tendent à culminer.

Jamais encore Michaux n'avait risqué tant de recommandations à méditer par l'homme moderne. Après bien des combats, le voilà parvenu, tout à la fin de sa vie, à une sagesse qu'il consigne. Livre de sagesse donc, qui ressemble à un traité de morale dans le style de l'Antiquité. Mais attention, ici les moralités sont paradoxales : renversement de lieux communs, enseignements contre l'enseignement, anti-sagesse enseignant la sagesse.

Michaux fut avant tout l'homme de la quête ininterrompue, l'homme de la recherche intérieure comme une interminable aventure. L'homme jamais établi, jamais réalisé, jamais arrêté. Sa sagesse et la modernité de son expérience résident justement dans cette volonté de ne pas se tenir pour éclairé.

Un maître, donc, mais un maître sans disciples - chose qu'il aurait eue en horreur, lui qui ne l'a jamais été : "Il plie malaisément les genoux, ses pas ne sont pas bien grands, mais il reçoit mieux n'importe quel rayon, celui qui jamais n'a été disciple". Un maître à vivre et non un maître à penser : "Quoi qu'il t'arrive, ne te laisse jamais aller - faute suprême - à te croire maître, même pas un maître à mal penser. Il te reste beaucoup à faire, énormément, presque tout. La mort cueillera un fruit encore vert."

Dans ces Poteaux d'angle, le poète parle le plus souvent à l'impératif et s'adresse à un interlocuteur ("toi"). le lecteur se trouve aussitôt interpellé, tel un disciple qui écoute et reçoit multiples conseils. Mais en réalité, le lecteur n'est que le miroir d'un intime et troublant face-à-face. C'est à lui-même que Michaux s'adresse et fait la leçon et c'est ce qui permet à chacun de la recevoir.

La quête authentique de Michaux, menée avec persévérance et constance, convie au voyage intérieur. Ne s'étant jamais contenté d'une seule voie ( "Si tu traces une route, attention, tu auras du mal à revenir à l'étendue"), n'ayant cessé d'être en chemin ("La pensée avant d'être oeuvre est trajet"), Michaux appelle son lecteur à refaire personnellement et individuellement les expériences proposées. Chacune de ses phrases est une "incitation à une conduite" selon le mot de Cioran, une incitation à un travail intérieur toujours en cours.

Que nous enseigne Michaux dans ces Poteaux d'angle ?

L'authenticité, avant tout : accepter ses défauts, ses faiblesses, ses erreurs. Par fragments, le poète esquisse l'inventaire de comportements destinés à "mettre en route vers l'homme". Il énonce des valeurs pouvant se concrétiser par des actes : le secret, la lenteur, l'effacement, la rêverie... Mais encore : "...Toujours garde en réserve l'inadaptation". Et puis, apprendre à se rendre insaisissable : "Ne te livre pas comme un paquet ficelé. Ris avec tes cris ; crie avec tes rires." Mais aussi, se méfier du savoir : "N'apprends qu'avec réserve. Toute une vie ne suffit pas pour désapprendre..." "Souviens toi. Celui qui acquiert, chaque fois qu'il acquiert, perd". Ne pas craindre, enfin, de refuser l'aisance et d'apprécier l'insatisfaction : "Plutôt demeure entouré d'horripilant, qu'assoupi dans du satisfaisant." Ne pas hésiter à se battre : "Il faut un obstacle nouveau pour un savoir nouveau."

A cela s'ajoute de multiples questionnements sur l'époque et les relations avec autrui. Michaux s'interroge sur la communication, l'écriture et le livre : "Plus tu auras réussi à écrire... plus éloigné tu seras de l'accomplissement du pur, du fort, originel "désir ", celui, fondamental, de ne pas laisser de trace...". le poète suggère, pour finir, quelques voies privilégiées comme la musique ou les langues - si nécessaires dans notre monde.

Etablie dans les marges de la littérature, l'écriture de Michaux sape les certitudes, rejette tout compromis, détruit les illusions. Elle invite le lecteur à s'arracher au sommeil dans lequel l'humanité s'ensevelit parfois. Elle l'engage à l'insoumission et à la combativité, mais aussi à la sérénité.

Essentielle toujours, cette écriture est tantôt un cri - dont l'écho ne cesse d'être renvoyé par ces Poteaux d'angle -, tantôt un murmure, où s'instaure (émotion troublante) la poésie vraie, la poésie de l'éveil.

Entre le texte et le dessin, entre la souffrance et la sérénité, Michaux chemine, "toujours partagé" comme il le dit lui-même. Cet aventurier de l'esprit explore et expérimente sans cesse de nouveaux domaines afin d'agrandir le champ de la conscience et de débusquer une vérité du monde située au-delà des apparences ; investigateur d'espaces, il questionne et déchiffre tour à tour musique et peinture, drogues, langues, hommes, corps et esprit comme autant de choses signifiantes nourrissant sa "passion de l'exhaustif" selon le mot de Cioran.

A partir des années cinquante, les livres qu'il publie sont de plus en plus petits, serrés, feutrés, traversés d'une lumière intérieure. La parole du poète tend vers une sérénité toujours frôlée, toujours repoussée.

http://www.larevuedesressources.org/
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En dehors d'un texte ou d'un ou deux poèmes glanés ça et là, je n'avais jamais lu Henri Michaux. Cette première rencontre me laisse perplexe. Sa poésie manque de clarté et je n'y suis pas vraiment sensible. Elle ne m'émeut pas... Sans doute est-ce trop intellectuel pour la petite lectrice que je suis.
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Ce petit livre d'aphorismes évoque magnifiquement l'impression d'une liste d'ingrédients pour une recette de vie, mais c'est beaucoup plus complexe que cela bien-sûr, beaucoup plus subtil aussi.

Ces réflexions portent sur la vie en société, ou sur l'homme nageant dans ses profondeurs, et luttant avec ses émotions.

Souvent sentencieuses, graves, mais aussi teintées de délicatesse et d'une grande poésie, elles parlent d'une liberté à acquérir, d'un retour à une certaine quiétude. Souvent, Michaux interpelle les normes établies, et invite à obéir aux nôtres, même si nous nous trompons. Il faut pour lui, avoir le courage d'aller au bout de tout ce que nous entreprenons, de nos envies, et compléter nos initiatives, persister, pour enfin trouver une part de nous-mêmes, ou l'entrevoir.

Cette oeuvre demande un peu de calme si l'on s'y penche, afin de pouvoir y découvrir son côté solaire, car elle est remplie de pépites.
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Pour ainsi dire, "Poteaux d'angle" est une sorte de recueil de citations. Il est fait de proses souvent brèves, sous forme d'aphorismes ou d'exemples porteurs d'une sagesse. Faut-il prendre ces leçons de sagesse au sérieux ? Avec Michaux, il est difficile de se prononcer : oui, on le peut, cum grano salis, sans jamais perdre de vue l'ironie de l'auteur envers lui-même et pour ce qu'il écrit. Je lis "Poteaux d'angle" avec un plaisir d'autant plus grand qu'il donne à la fois un aliment pour la méditation, comme une sorte de poésie gnomique, mais en même temps, le plaisir littéraire de la reconnaissance, de l'allusion, du pastiche des grands genres de la sagesse : fables, maximes, exempla, aphorismes, pensées fragmentaires. Double plaisir : celui de penser et celui de sourire en lettré. Ni l'un ni l'autre, en fin de compte, ne sont à prendre au sérieux.
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Les mots solides du titre, mots d'architecte, surprennent à la lecture de cet examen de conscience immergé dans le doute. Il s'agit d'aphorismes, de quelques récits, notamment un rêve, et finalement d'un poème. Les aphorismes portent sur la manière de vivre une vie incontrôlable : « Le précieux, le véritablement précieux est distribué sans le savoir et reçu sans contrepartie » (p 58). Michaux se veut l'observateur intransigeant de soi-même et des autres, ces hommes qu'on peut imiter par calcul mais dont la sottise, ou l'ignorance, ou la suffisance ne permettent pas d'accepter ou de comprendre. « Les hommes, tu ne les as jamais pénétrés. Tu ne les as pas non plus véritablement observés, ni non plus aimés ou détestés à fond. Tu les as feuilletés. Accepte donc que, par eux semblablement feuilleté, toi aussi ne sois que feuillets, quelques feuillets » (p 16). Loin de Pascal ou Valery, il ne cherche ni conseil — qui serait prise de responsabilité —, ni confidence — qui serait prise à témoin —, ni exemple, ni généralisation. Aucune trace ici d'un système religieux ou moral.

Michaux s'interroge, s'exhorte et se défie. Il se met à distance en employant le « tu », parfois l'impératif, et rarement le « je » ou le « il ». Il recherche l'autonomie, l'indifférence à autrui, évacue le besoin absurde de partager, de se justifier ou de rendre compte. Les autres sont le plus souvent indistincts, parfois nommés — Djatt le philosophe (l'épithète est un démenti), le soldat S. (un homme qui tombe, figure tragique), sa mère (apparue dans un rêve, fugitive, hostile et lointaine) — ou figurés, comme dans la fable, par le tigre, le singe ou l'araignée.

Pourquoi Poésie Gallimard ? le poème final le justifie :
Habiter parmi les secondes, autre monde
si près de soi
du coeur
du souffle
Perpétuel incessant impermanent
train égal vers l'extinction
Passantes
régulièrement dépassées
régulièrement remplacées
passées sans retour
passant sans unir
sobres
pures
une à une descendant le fil de la vie
passant…

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Piquets en coin
Les recommandations que fait Henri Michaux (1899-1984) au lecteur ne sont pas toutes à prendre à la légère. Si certaines sont datées, convenues, voire absconses, d'autres fouettent l'esprit avec ferveur, tranchant et laissent de sévères entailles sur la peau, cette surface que nous avons probablement de plus élargie et de plus profonde en nous : « Si tu traces une route, attention, tu auras du mal à revenir à l'étendue ». Et les pages égrènent les aphorismes, les apophtegmes comme un chapelet une foi en soi, en dépit de ses propres gouffres et de ses faiblesses insondables : « Ne te livre pas comme un paquet ficelé. Ris avec tes cris ; crie avec tes rires ». Michaux tutoie un interlocuteur invisible qui est autant lui-même que le lecteur. le procédé est efficace. le poète, après mûres réflexions et un âge avancé, délivre des messages boomerang dont l'évidence et la clarté effraient. Il existe trois versions du texte, datées de 1971, 1978 et 1981, enrichis de nouveaux développements. Michaux est alors respectivement âgé de 72 ans, 79 ans et 82 ans. D'un abord aisé, l'écriture de Michaux, paradoxalement, ne se livre pas aussi facilement. Elle esquive, feinte et pique quand la garde du lecteur est baissée. Il faut recommencer sans cesse la lecture de Poteaux d'angle car la pensée de l'auteur s'éploie derrière les points de suspension, dans le non-dit. Fine lame des lettres, l'immense poète au regard incandescent délivre sa vision acérée du monde à l'hiver de sa vie quand tout le toc et le clinquant des existences étriquées rutilent en vain et que le grand départ s'annonce : « Non, non, pas acquérir. Voyager pour t'appauvrir. Voilà ce dont tu as besoin. » le songe, l'écoulement des secondes constituent des précieux moments de vie où l'effacement et l'allègement de l'être sont les garants d'une libération de l'esprit : « Habiter parmi les secondes, autre monde/si près de soi/du coeur/du souffle//Perpétuel incessant impermanent/Train égal vers l'extinction//Passantes/Régulièrement dépassées/régulièrement remplacées/passées sans retour/passant sans unir/sobres/pures/une à une descendant le fil de la vie/passant… ».
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sa version vieux sage, et je m'y suis plongée avec le plaisir de trouver exprimée de belle et ferme façon une vision du monde qui me convient, et d'y puiser, un peu en usurpatrice, justifications de mes faiblesses et quelques règles.
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