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Micheline Phankim (Éditeur scientifique)Anne-Élisabeth Halpern (Éditeur scientifique)
EAN : 9782715220225
144 pages
Le Mercure de France (14/01/1997)
4.3/5   10 notes
Résumé :
Henri Michaux ( 1899-1984) a laisé peu de poèmes inédits. Réunis ici avec des textes déjà parus en revue, ils jalonnent , de 1922 à 1984, tout le parcours du poète.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Échappé, arpenteur, rêveur, hanté, philosophe explorateur , sapeur, habitant habité, voyageur voyagé, inventif, traversé traversant , hardi, évadé, Poète libérant libéré !
On se déferlutte  de grande langue. Voilà l'« Illustre et modeste odeur de paille de l'enfance ».
Un peu de grand Michaux pour faire dégueunillette à nos petits jours de peine.
« Leger comme une plume Madame » !
Léger mais profond, aussi profond que cet étang à qui le poète et l'enfant ont donné une âme.
« Ciel à tête », c'est un bonheur !
« Le monde revient, le monde remonte ».
Et nous traversons, à distance, et nous rebondissons d'un texte dans l'autre, emportés, étonnés...
Nous respirons ! Sonnez clairon ! Sonnez à la conscience du monde .
«  Je crache à la bouche de la foule ».
Le poète, cet animal sans oeillères, sans paupières, fait pile à la beauté et face aux douleurs de notre Mal.
Et il convoque les mots :
« Une fois de plus, venez
venez, mots misérables encore
pour exprimer le tombé, le dévasté, le méconnaissable
le trois fois plus redoutable qui dans l'ombre se prépare »…
redoutable comme l' « homme se croit une civilisation » .
voilà «  le même » ,
voilà «  quelqu'un », voilà tous nos pareil à la pelle même.
160 visages, comme une bande dessinée.
A tous ces semblables fleurissant…
des mots toupie, des mots portes fenêtres , des mots cheminée , des mots volutes cendres brumes et regard à ces lieux lointains ,
« Ici est la patrie de ceux qui n'ont pas trouvé de patrie, cheveux de l'âme flottant librement. »
Mais il faut également redouter , car le poète nous le conte : si nous redoutons les lions, craignons bien plus la férocité des chiens.
Le lion nous blesse, le chien nous dévore.Voilà la vérité à crue.
Ouvrons l'oeil et colorons le trou noir de nos espaces !
Chassons la noirceur du silence !
Il faut armer son coeur contre les escadrilles du malheur qui font tomber les oiseaux du ciel, qui arrachent les branches des arbres.
« il n'est pas permis à être au monde de commettre l'imprudence d'avoir confiance ».
L'innocence n'entame en rien la vigilance, ni la conscience du poète.
Conscience au portes grandes ouvertes, battantes.
Il faut bien cela pour assister la naissance du monde !
« L'époque abonde – L'époque met au monde- Elle n'est pas encore signée. ».
Garder la capacité de Voir.
«  Dans l'adversité la beauté de l'existence n'est pas absente. »
Alors «  sur la toile du monde il va faire quelque chose », « prendre conseil d'un arbre , d'un arbre pour qui sucer entre le dur gravier c'est déjà la vie en rose ».
Etre capable, capable d'essentiel.
Voilà donc le rôle de l'oiseau. L'oiseau qui ne devrait jamais « laisser à la révolte son nid de duvet ».
Et puis dans un ultime moment, être capable, capable « dans l'amitié du silence «  de s'enfoncer seul dans la nuit immense ».
Ne pas être complice de l'Un,ne pas en être objet, ne pas sautiller dans l'image, ne pas être observé, ne pas être observant, ne pas être observateur.
Etre opérateur de son propre voyage.
Alors rester voyant, ne pas se perdre dans « une poussière de pouvoirs » .
Chercher toujours la lumière et en plein jour, être capable d'attendre le lever du soleil.
L'espace n'est pas rien, n'est pas néant.
Il est une étoffe, faite de plein qui répondent aux vides, tout est pluriel, divers. Correspondances.
« Paysages sans site, abstraits par réserve par vérité, par recul ».
Le peintre explore il entre dans les fibres, dans d »indécis cotonneux territoires », là où, plus exactement, à travers quoi «  l'immuable se forme, se reforme sans formes, l'existence, la résistance, la commune connaissance ».
« Sous les yeux » est la naissance. « l'amas , la masse, le reste, l'oeuf ».
Mais hâtons nous, il faut mouvementé , secoué, l'espace, « Il faut se hâter , L Histoire va fermer »…
Mais, « l'aube de l'oublie qui la voit ? »
Alors «  Il faut repartir / le squelette a enterré le cadavre ».
aller d Ailleurs, se vouloir méconnaissable dans la multitude des regards, éviter cette nappe qui se fraie une terreur dans l' âme, cette « nappe qui ne conduit nulle part vient de partout ».
Pays où l'on se noie, maladie des ensembles qui nivelle, villes, bruits, murs, qui ensevelissent , pays où « le plus petit prodige est un tic »…
s'échapper, sauver ses os, traverser, passer, au dehors de l'anéantissement.
Une vague qui élevera une grande poussière. La désintégration, l'« infinisation »,
Ce moment.. «  le moment de la paille touchant à la paille ».
Il ne met pas le feu au poudre, ni de poudre à nos yeux.
Non, il est l'urgence de son propre voyage.
Il faut nourrir sa terre, encrer chaque sillon, un sillon comme un paysage, une ligne, une onde, une lame, un visage, une jachère.
« de toute façon s'en aller
de n'importe quelle façon,
s'en aller. »
Mais toujours veiller en corps, à chevet.
Au chevet de l'enfant visage « enfant sans main, sans pied, ne quittant pas le lit ».
l'enfant visage « rêve à l'élémentaire », cet enfant porté à la fenêtre des îles.
À ces pays d'ailleurs . Téké , « tes narines sentent au loin »
« à coups redoublés, la liberté, à gros bouillons, à tue-tête, à tire d'aile. le continent sombre cassera la roue, cassera les chaînes, retrouvera ses filles multicolores, son flambant neuf et son retour de flammes ».
Teké ! , il te faut partir.
« Téké marche sans demain, creuse ta tombe homme d'usine ».
«  traversés plafonds, planchers et finies dissipées les répulsions ».
….« Parfois la tête , c'est un oiseau ».
Se libérer des mots, faire gestes plus que signes, s'en aller au hasard, ne jamais le provoquer, éclater plutôt que former. Percer, écartelé de demain, «  cherchant la sortie du terrier ».
Prendre le risque de s'effacer, et « sur sa vie soudain elle passe le buvard » , retirer l'espace, «  le temps a corrigé », prendre distance, et comprendre sa liberté.
Fuir les labyrinthes, fuir leur ville, leur règne, leur méchantes pensées. Être «  extrêmement infiniment distant ». « pour ressortir d'aventure de toute aventure où la boue ne s'attache pas où la poussière ne se pose pas », et cela sans mesure.
Se liquéfier, s'éparpiller, de dissiper, se dissoudre. Peu importe, il lui faudra vivre toute traversée.
Devenir « forme non fermée indéfiniment reformée ».
Comme des volutes de fumée.
«  Libérée du poids de la Terre des remontrances de la Terre, des réseaux /Là où les têtes commandantes n'ont plus accès ».
« Informe, peu informé, le corps n'a pas encore de plein, n'a pas de membres.Un fil, un simple fil, un fil entoure le vide de l'être.Enveloppe seulement. Poussée vient. Des bras sortent, de la tête de n'importe où, pour s'étirer, pour se détendre, pour davantage s'étendre, à l'aventure, bras de fortune sans savoir où déboucher, essais d'enfants, dessins d'enfants ».
« Cerveau d'enfant, cerceau d'enfant, cercles, cercles... »
« Vie comme un livre ouvert, en évidence sur une table, et qui seul compte, devant lequel sans le lire on passerait sans s'arrêter, sans y songer, sans le pouvoir ». Alors à travers page, à distance, « s'en aller de n'importe quelle façon, s'en aller. » et traverser.


Toi qui lira cette correspondance , qui regarde une partie de mon âme , toi qui sais le voyage, sache maintenant que l'histoire va bientôt se refermer, alors hâte toi, traverse le livre passage !

Astrid Shriqui Garain
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
“Ne t’agite pas, mon être, ne te lamente pas, ne me brise pas
Souvenons-nous de nous retenir
Dans l’amitié du silence
enfonçons seuls dans la nuit immense”
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Le solitaire est dans la grotte
La grotte est dans le nez
son nez est dans sa face
et sa face est ouverte péniblement

Sa face est dans la tristesse
la tristesse est dedans
dedans, dedans ; dedans le désespoir
et le désespoir est dans son élément

Le désespoir est dans son fond
son fond, son tréfonds, son grand fond
se défont, se refont, sont arides
et les rides s'y rangent en grand nombre.

Et Mort ! Et puis encore Mort !
Et dans le dehors, Mort ! Mort ! Mort !
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À distance
 
Reste à distance, toi
à distance
à distance
 
sans pouvoir lancer jusqu’ici la longue lance téléphonique
 
à distance
 
neutralisée
paralysée
 
Que mon nom s’efface en toi
que mes traits s’embrouillent en toi
que ma personne se dérobe en toi
 
en toi, appelant, éperdue
appelant à la cantonade
appelant des numéros faux
des numéros impossibles
des numéros qui ne répondent pas
qui ne répondent à rien
qui n’existent plus
des numéros dans des quartiers abandonnés
 
appelant toujours, folle comme la douleur d’une jambe cassée dans un déraillement
appelle, appelle, sous l’essieu qui l’écrase
qui est bien arrêté dessus
et toi aussi bien arrêtée
 
loin de moi
loin de moi qui respire ici un air parfait
un air plein de poussière
mais si pur à mes poumons soulagés
hors d’atteinte
hors d’atteinte des clous de tes doigts
des clous de tes desseins sur moi
 
Que mal entre en toi, masse idiote
flamme vineuse
 
Que mal entre en toi
troublée de fumée
éparpillant des clameurs
renversée par des buffles !
 
Braise sur ta bouche avide
braise sur tes lettres radoteuses
à grands jambages, à grands départs, à grandes écharpes !
 
Pieuvre sur tes seins trop lourds
anfractuosités sur ta joue
maillet sur tes doigts froids
maillet sur ton allant horripilant
à cent faces, à cent trappes, à cent petits fracas !
 
Machines sur toi à dévaster
à rompre
à étendre
à abattre
à affoler
machines incoercibles, infatigables
à assommer la plus assommante !
 
Tonneaux roulants sous ton front afin que tu ne dormes plus
éboulements et chantiers sous ton front afin que tu ne dormes plus
fourmis trotteuses, soucis, soucis
chars de Lilliput sous ton front afin que tu ne dormes plus
fronde tournoyante, arc tendu à tes oreilles
afin que tu n’entendes plus !
 
Hurlements dans ton cou
hurlements sur les songes qui t’applaudissent
sur les bêtas que tu ébahis
sur ta mémoire qui se délabre
sur le manchon de ton moi dorloté !
 
Que les culs-de-jatte te prennent pour trottoir
que les babouins arracheurs de rameaux te prennent pour cocotier
que ton interminable langue
devenue encore plus longue immensément étirée
serve dans les usines de courroie de transmission
serve dans les grues à haler les marchandises
serve dans le port à élinguer bailles et barriques !
 
Felouque affolée mère de nains
rire à matelots
 
à distance
à distance
à distance !
 
À distance tu gravis des monts sans fin
tu tombes dans une forêt de cordes
tu es emportée par un onagre
par un troupeau de bisons
par un rhinocéros furieux
par n’importe quoi
n’importe quoi
n’importe qui
 
passant du monde de la passion au monde de l’horreur
de l’infection
de la putréfaction
de la dissociation
 
par viduité
par bouchage
par glaciation
 
par tremblement indéfiniment répété
 
à distance
à distance
à distance
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Mulal
 
Un jour que Mulal allait être dévoré par un lion, il eut un sursaut d’énergie et, malgré son épouvante, lutta, lutta follement. La nuit passa et le lion aussi. Mais le soir suivant, le lion revint. Son rugissement, avant même les mâchoires, s’empara de Mulal et de nouveau il lutta et de nouveau il semblait prêt à être dévoré. Mais non, il y avait quelque chose que le lion n’arrivait pas à trancher. Ainsi le lion se retira, mais le lendemain il était de nouveau là et dès lors il devint évident, puisqu’il restait toujours en Mulal quelque chose que le lion ne pouvait trancher, il devint évident qu’il y aurait un quatrième soir, un cinquième soir et un sixième soir et des soirs à n’en plus finir. Mais un chien arriva et, flairant l’homme blessé, il acheva celui que le lion n’avait fait qu’entamer.
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Chaude encore est ici
la nuit de l'ignorance

Peuple au pagne troué
La lune leur apparaît
couverte d'images
couverte d'orages
lançant des menaces
faisant signe
parlant d'avenir
COMMUNIQUANT
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