Sur la route de Key West

Les événements s'enchaînaient , se précipitaient , se bousculaient - je me sentais dépassé, emporté, avec une certitude toutefois: c'était loin d'être fini.

Il paraît qu'il faut être fort, qu'il faut rester stoïque face au malheur. Laissez-moi vous dire que tout ça, c'est des conneries. Ne me parlez pas du chagrin et n'employez surtout pas ce mot à la mode :"résilience". Ne me parlez pas de l'oubli et du temps qui passe. Je ne veux pas oublier. Pleurez. Pleurez tout votre soûl, pleurez autant qu'il vous plaira. Vous avez le droit de pleurer, vous avez le droit d'avoir mal, parce que la vie fait mal, qu'elle a des dents et que, tôt ou tard, croyez-moi, elle vous fera payer d'une manière ou d'une autre tous les petits instants de bonheur qu'elle vous a octroyés.

Je contemplai l'écran, sonné, la peau hérissé et le cœur tapant. Je ne doutais pas un instant qu'il s'agît d'une sinistre plaisanterie, mais qui pouvait vouloir me faire une blague aussi cruelle ? Après trois ans, pourquoi m'infliger ça ?

- Byron Woodruff, c'est mon nom, dit-il. Et c'est tout ce que vous avez besoin de savoir, mon jeune ami. N'essayez pas de me chercher sur ce putain de Google-Big-Brother-de-mes-deux, vous ne me trouverez nulle part sur les sataniques réseaux de cette putain de saloperie d'Empire galactique. Je passe sous les radars d'Internet, moi, monsieur. J'e****e Dark Vador Zuckerberg, Voldemort Besos, Hannibal Musk et toute leur clique.

La tempête se calma en fin de journée et je sortis le paddle. Debout sur ma planche, je pagayai tranquillement le long de la côte jusqu'à atteindre la mangrove, de l'autre côté de l'île. Le crépuscule incendiaire le fouillis inextricable de la végétation. Un flamboiement qui illuminait les raisiniers, les pistachiers lentisques, la masse tordue des figuiers étrangleurs, les troncs, les lianes, les grosses racines émergeant de l'eau d'un embrasement cuivré, comme si la mangrove était en feu. De temps en temps, je glissais devant une plage de coquillages brisés ou une vasière qui dessinait une trouée dans la forêt. On se serait cru aux premiers matins du monde - quand l'homme n'y avait pas encore posé un orteil.

Elle me lança un regard dévasté. Ses beaux yeux verts étaient pleins d’une douleur telle que, pendant une fraction de seconde, je fus tenté de lui pardonner, de la prendre dans mes bras, de la serrer contre moi. Elle attendait un geste de ma part, de toute évidence. Jamais je n’avais vu une femme aussi séduisante et aussi triste à la fois.