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Citations sur Comment rêvent les morts ? (7)

Globalement, il avait rarement à rendre des comptes et les conflits étaient exceptionnels. Au début de son adolescence, il avait souvent été frappé par la bonne volonté avec laquelle les gens se laissaient plumer – par la facilité, presque la gratitude, avec laquelle ils cédaient leurs biens. Dans son quartier en tout cas, où les femmes au foyer se ruinaient pour leur coiffure et où sa mère était la seule catholique, ses nombreuses bonnes actions semblaient offrir une agréable alternative au centre commercial ou au salon de coiffure. Presque chaque mois, il collectait de l’argent pour des organisations comme United Way, YMCA, les Boy Scouts d’Amérique, ou parfois un groupe de missionnaires se consacrant aux pauvres et aux déshérités. Il versait toujours une partie de ses revenus à la cause concernée : si ses efforts n’étaient pas entièrement désintéressés, ils produisaient malgré tout ce qu’il aimait appeler un « résultat positif ».
Et tel était le langage qu’il utilisait au confessionnal, auquel il se rendait de temps à autre pour faire plaisir à sa mère. Son père, après s’être remis d’une période brève et intense de spiritualité au moment de son mariage, avait refusé de remettre le pied dans une église. Cela semblait attrister sa mère et T. sentait qu’il lui fallait reprendre le flambeau. Il n’hésitait pas à dévoiler toutes ses activités ; car après tout, raisonnait-il, le prêtre était obligé de respecter le secret de la confession et devait être lui-même un homme d’affaires averti puisque le diocèse local possédait des biens se chiffrant à des centaines de millions de dollars. Il était d’ailleurs surpris que le prêtre ne lui fasse pas de compliments pour ses plans.
« Je n’arrive pas à croire que vous me punissiez. Mes activités économiques produisent un effet global positif sur la communauté entière, répétait-il résolument lorsqu’on le sanctionnait sévèrement de dix Notre Père et de dix Je vous salue Marie.
– Elles auraient un « effet net » plus important si tu te dispensais de mentir et de voler, Thomas », lui répondait doucement le prêtre.
T. secouait la tête. « C’est l’histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide. »
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C'était une erreur de penser que parce qu'une personne était déchue blessée, malade ou imparfaitement complète, vous lui donniez davantage par votre présence qu'elle ne pouvait elle-même vous offrir.
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Il la tua sur le chemin de Las Vegas, après un arrêt dans un restaurant routier et quelques bouchées d’un sandwich à la dinde servi par une femme aux ongles recourbés et voyants ; après un détour par des toilettes minables aux effluves de désodorisant mentholé qui le firent rebrousser chemin avec dégoût. Il était toujours sous le coup de l’écœurement quand il sortit du restaurant pour se retrouver dans le crépuscule. Puis cette sensation s’estompa : il y avait à l’est une ombre obscure, une lueur sombre et violette qui semblait adoucir jusqu’à l’asphalte.
Prenant la bretelle d’accès à l’autoroute, il alluma la radio et retrouva la souplesse du cuir de son siège contre ses cuisses. Il était satisfait ; il commençait à se détendre. Puis une silhouette floue se précipita sur la droite et il la heurta. La voiture cahota dessus et dévia de la chaussée pour se retrouver sur le bas-côté. Il appuya à fond sur la pédale de frein et resta sur son siège, secoué de tremblements.
De la poussière s’élevait en nuages derrière et à côté de lui, et ses deux roues droites ne touchaient plus le macadam. Il regarda par la fenêtre arrière pour voir si d’autres voitures arrivaient. Qu’y avait-il sur la route ? Qu’avait-il touché ?
Il voyait une sorte de monticule couché sur le côté, les pattes étendues. Ses propres jambes tremblaient de peur à retardement, mais une ribambelle de phares se rapprochaient déjà de l’animal. Pas de temps à perdre. Il ouvrit sa porte et se précipita vers l’arrière, l’estomac retourné et le visage en feu. Il avait un goût de poussière et de fer sur la langue.
Un coyote. Les gens disaient qu’il s’agissait de bêtes nuisibles. Ils chapardaient des animaux domestiques dans les cours des banlieues et s’enfuyaient avec les chatons des enfants.
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Sa première idole fut Andrew Jackson. Il connaissait bien le sillon vertical entre les sourcils, le menton proéminent, la bouche étroite ; il connaissait bien les cheveux balayés par le vent et perchés au sommet du front du grand homme, tel un nid d’oiseau sur un rocher escarpé au milieu de nulle part. Le visage de Jackson était figé en une expression plutôt neutre, et T. passait de longues heures à essayer de déterminer si elle suggérait de vaines spéculations ou une légère contrariété.
Faisant courir ses doigts le long de la lithographie grise jaunie par le temps, il imagina l’ancien président déconcerté par un spectacle légèrement déplaisant, quelques instants avant que le portraitiste ne saisisse son allure générale : la vision d’un cheval, par exemple, rejetant lentement et délibérément de petits tas de crottin devant un bâtiment du gouvernement, ou d’un valet se mettant les doigts dans le nez. Mais l’opinion qu’il avait de Jackson ne souffrait pas de cette image : bien au contraire, il admirait le grand homme pour le calme qu’il affichait face à la vulgarité. Aucun affront passager ne pouvait le forcer à montrer de l’émotion.
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Il avait besoin de Casey, pensa-t-il, parce qu’il aimait sa compagnie, parce que sa présence le rendait plus complet, mais il ne pouvait nier qu’au départ il avait également pensé lui faire une faveur. Voilà où s’était située son arrogance. C’était une erreur de penser que parce qu’une personne était déchue, blessée, malade ou imparfaitement complète, vous lui donniez davantage par votre présence qu’elle ne pouvait elle-même vous offrir. C’était une triste erreur.
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Il avait besoin de Casey, pensa-t-il, parce qu’il aimait sa compagnie, parce que sa présence le rendait plus complet, mais il ne pouvait nier qu’au départ il avait également pensé lui faire une faveur. Voilà où s’était située son arrogance. C’était une erreur de penser que parce qu’une personne était déchue, blessée, malade ou imparfaitement complète, vous lui donniez davantage par votre présence qu’elle ne pouvait elle-même vous offrir. C’était une triste erreur.
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Pendant toutes ces années, je ne me suis jamais réveillé une seule fois. Rien n'était réel pour moi. Tu sais qui tu voyais pendant toute ton enfance et ton adolescence? Un fantôme. Je n'étais pas vraiment là. Je ne sais pas comment te dire... c'est comme si j'étais entré par erreur dans la vie d'une autre type.
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