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Citations sur Un peu profond ruisseau… (6)

Pendant les longs mois où j'étais occupée par ma mère, je lisais "La cérémonie des adieux" de Simone de Beauvoir, et relisais "Les derniers jours d'Emmanuel Kant" de Thomas De Quincey, qui est le grand chef-d’œuvre du déclin, où l'humour et le tragique se côtoient. Mais c'est surtout Beckett qui m'a retenue, en particulier sa correspondance, dont j'ai passé des mois à lire et relire les quatre volumes, ainsi que sa biographie par James Knowlson. Une vie exemplaire sur la voie de la simplification à laquelle toute vie devrait tendre, me disais-je.
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(A propos de sa mère très âgée)

Je ne cesse de me demander quelle est cette étrange pulsion de vie qui la tient, dans la diminution de toutes ses capacités, la réduction à presque rien de sa vie. Cet amenuisement, me dis-je, est peut-être une concentration. L'entièreté de sa vie resserrée, ramassée en un point, sur l'ici et maintenant, sur l'instant présent, est une forme de plénitude. La réduction à l'élémentaire dégage la pure essence, l'irréductible du désir de vivre. Être vivant est un absolu qui ne requiert ni comment ni pourquoi. J'en viens à me dire que la grande vieillesse, la sénilité même, est une sorte d'ascèse, non éloignée de ce qui m'a captivée chez les mystique.
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Le fait d'être nue sous le regard de deux hommes en avait perdu toute signification érotique et leurs gestes prenaient pour moi le sens d'un acte d'humanité envers le prochain démuni que j'étais devenue : une œuvre de miséricorde, qui me rappelait le tableau de Caravage, au Pio Monte de Naples, que j'avais longuement contemplé autrefois avec Paola. C'était réconfortant et doux, et me donnait un sentiment de gratitude. Ce sentiment, d'ailleurs, je devais l'éprouver durant toute mon hospitalisation.
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Kant et avant lui Burke ont développé, avec la notion de sublime, ce paradoxe du plaisir que nous prenons à la contemplation de ce qui peut nous détruire. Kant parle, à ce propos, de "plaisir négatif" et Burke propose le terme "delight". Tous deux notent que plus le spectacle est effrayant, plus le plaisir est grand, mais à condition d'être à l'abri, comme le disait déjà Lucrèce.
Sublime est, ainsi, le spectacle des éléments déchaînés. (...)
Plus encore que Kant, Burke est sensible au malin plaisir que recèle le sublime. Selon lui, "il n'est guère de spectacle que nous recherchions avec plus d'avidité qu'une calamité extraordinaire et rigoureuse." Il se dit même "convaincu que les malheurs et les douleurs d'autrui nous procurent du délice (delight) et qu'il n'est pas de faible intensité. (...)
Une "horreur délicieuse", telle est la meilleure définition du sublime.
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Impossible de me souvenir d'autre chose que ces trois semaines d'intubation, mais j'en gardai l"impression d'avoir été l'objet d'un certain sadisme médical, d'ailleurs assez courant. (...) Je n'avais jamais réfléchi aux fameuses directives anticipées, qui me semblaient relever de la vanité de prétendre contrôler l'incontrôlable. Je m'étais remise aux mains des autres, comme on s'en remet à la volonté divine. Mme Guyon m'avait appris que Dieu peut prendre le visage de quiconque.
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« La mort n’a jamais tenu une grande place dans ma vie consciente. Je n’y pense guère et m’en préoccupe encore moins. Mourir au dernier moment, comme disait Céline, avec le courage et la dignité que j’ai vus aux bêtes, avec leur simplicité, voilà ce que je souhaite. »

On peut mourir chez soi, dans son jardin, un matin d’été en mangeant un croissant après avoir cueilli une framboise, c’est parfait, ou à l’hôpital, c’est plus fréquent, mais au fond peu importe, puisque le Christ prend toujours le visage du dernier venu, qu’il s’agisse d’un ou d’une aimé(e), d’un voisin de chambre, d’un infirmier, d’une interne, d’un agent de salle, d’un pompier, d’un urgentiste.

L’écrivain et psychanalyste Catherine Millot a failli mourir du Coronavirus, je ne le savais pas, et, même si nous ne nous sommes vus que quelquefois, j’aurais éprouvé à sa brusque disparition beaucoup de peine.

Je l’ai donc remerciée d’être en vie, et d’avoir écrit le si beau récit de sa confrontation avec la mort, c’est-à-dire aussi avec le désir de vie au plus intime de soi, Un peu profond ruisseau…

Ce titre mallarméen – « Un peu profond ruisseau calomnié par la mort. » – donne au petit ruisseau qu’est la vie la valeur d’un absolu.

Soudain, le confort se brise, il faut appeler SOS Médecin, il n’y a que le temps de jeter quelques livres dans son sac (des Dostoïevski traduits par André Markowicz), le réel frappe toujours à la porte d’une façon impérieuse.

Il faut partir,, à l’hôpital Cochin par exemple, qui, en ces débuts de pandémie en France, n’est pas encore saturé.

« La décision fut prise de m’admettre dans un service de réanimation afin d’être proche d’un respirateur en cas d’aggravation. »

Il faut alors penser concrètement à la mort, aux directives anticipées, à tout ce bazar assommant des fins de vie.

« Je me retrouvai seule, confie Catherine Millot, avec l’idée que j’allais peut-être mourir, qui me laissait étrangement sereine. Il était deux heures du matin. Je regardais le local exigu dans lequel je me trouvais et me disais qu’il y avait, certes, des lieux plus « sexy » pour mourir. »

Oui, ce n’est pas faux, mais qui a fréquenté lors d’assez longs moments les hôpitaux leur trouve un air aussi désespérant qu’étrangement vrai dans leur banalité aseptisée.

Voilà la loi, et seule compte désormais la force spirituelle qu’il nous reste.

Mourir est peut-être plus facile lorsqu’on a lu comme l’auteure les stoïciens, et médité intensément les mystiques (Madame Guyon, Etty Hillesum…) mais chaque chose en son temps, et trop se précipiter manquerait d’élégance.

« Portée par la grande égalité de tous devant la mort, je vivais en paix, au cœur de cette nuit, dans le vide qui s’ouvre devant soi quand on n’a plus d’avenir. »

Une pandémie virale ravage la planète, on ne meurt pas tout à fait seul, l’un est l’autre dans la vie nue du vaisseau fantôme qu’est l’hôpital aux heures les plus angoissantes de la nuit.

Les médecins ne sont pas toujours délicats, qui sont devenus des techniciens, mais il y a des exceptions, des douceurs incroyables, des regards, des gestes, des paroles, qui sauvent tout, et font ressentir une immense gratitude envers le personnel soignant.

Pour Catherine Millot, la tâche de vivre devient épuisante, chaque acte demandant des efforts démesurés, fors la lecture et l’envoi de textos aux proches, à l’aimée.

Peu à peu, la force de vie grandit de nouveau, tapie au fond du gouffre comme une barque de secours.

Le corps possède des ressources que nous expérimentons peu, préférant quelquefois, souvent, déléguer notre capacité d’auto-guérison à des puissances extérieures.
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