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Critique de colka


"Un bain de lune" dans une baignoire, en pleine nature, à 1600 mètres d'altitude. Une soirée à la belle étoile sur "une vire de vingt mètres carrés accrochée à désert vertical". Une petite séance de slackline sur une sangle tendue entre deux pitons rocheux, face au coucher du soleil. Trois moments de vie intense qui marquent le quotidien de la narratrice dans : le grand jeu de Céline Minard.
Décidée à abandonner pour quelque temps le monde civilisé, elle a acquis deux cents hectares de roches, bois et prés au coeur d'un massif montagneux, sur lesquels elle va accrocher au dessus du vide ce qu'elle appelle "son tube de vie" ou "son tonneau". Et pour cause ! Dans ses bagages, un questionnement existentiel qui la poursuit et qui balaie tout le roman : quel est le fondement de toute relation humaine ? Qu'est-ce qui se joue lorsque nous allons à la rencontre de l'autre ? S'en suivent, des questionnements posés en rafales et qui versent parfois dans l'hyper intellectualisme.
Mais heureusement notre héroïne n'est pas une philosophe désincarnée , c'est aussi une montagnarde aguerrie. Et passionnants sont les passages où elle décrit avec brio le nouveau rapport qu'elle va instaurer avec un environnement totalement "déshumanisé". Retour à des techniques primitives de survie : chasse et pêche. Longues marches à la fois exploratoires et initiatiques. Ses repères au monde basculent et tous ses sens se mettent en éveil pour la mettre en phase avec le monde animal, végétal ou animal. Son corps lui-même devient un moyen de connaissance comme elle le dit si bien : "j'ai senti le fil de mon chemin passer dans mon ventre et se tendre au-delà de mon point de mire jusqu'au sommet que je ne voyais pas".
Mais la rencontre avec l'Autre à laquelle elle voulait momentanément se soustraire va pourtant avoir lieu sous la forme la plus inattendue qui soit : "une boule noire est tombée à mes pieds". C'est ainsi que se présente, celle qu'elle nommera par la suite, dans ses moments de colère "le tas de laine". Une sorte d'ermite, un compromis entre une vieille bergère oubliée dans une cabane, par certains côtés et une yogini pour d'autres. Va s'en suivre entre la narratrice et ce personnage détonnant une vraie querelle de territoire, avec des passages jubilatoires où le comique se marie avec le réalisme le plus cru... Rituels d'intimidation, d'agression ou de bienvenue vont se succéder et ont constitué pour mon plus grand plaisir une sorte de contrepoint parodique des questionnements métaphysiques qui jalonnent le début du roman. La narratrice fait preuve dans ces passages d'un humour décapant avec un sens de la formule qui fait mouche.
L'écriture est d'ailleurs un des points forts du roman. Polyphonique, elle s'adapte à chaque tempo. Précise, méticuleuse lorsqu'il s'agit de décrire au plus près un environnement ou autre, elle devient ample, fougueuse voire houleuse dans les envolées lyriques ou émotionnelles.
Bref, ce court roman a été pour moi un vrai bonheur de lecture.
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