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Critique de The_Noir


C'est avec un dessin surprenant que l'on aborde ce nouvel inventaire, un visage à la Willem de Kooning, dans toute son aspérité, squelette ou vivant, les deux sans doute ou aucun, la bouche ouverte sur un cri.

C'est aussi un inventaire à la Prévert mais, cette fois, à propos du manque de communication, de la fatigue, du désespoir, des blessures jamais refermées, de l'apathie ambiante, inventaire des cris de la misère du monde. Tous, ces cris qu'on n'entend mais auxquels on ne s'habitue jamais. Elle le fait dire à un de ses personnages :

"L'habitude ça n'existe plus !"

Violence, guerre, accidents, noyades, suicides et turpitudes du quotidien qui n'en finit pas de quotidienner... Il y a aussi cette antique sagesse qui fait entendre sa voix dans nos rues; il y a même ce cri très logique d'Antigone qui adopte un sans-abri pour vivre son destin.

Et ceux de l'écrivain (personnage du livre) qui se met lui même en scène, les cris enfin de l'autrice Christina Mirjol qui les endosse et les consigne, les met en scène, traduit la laideur en beauté comme le fait cet autre personnage avec l'horreur de sa soeur morte d'épuisement en apportant l'eau :
"Quand je chante aujourd'hui et qu'il pleut sur la ville, je suis content. Je raconte à l'eau ce que je fais ici. Je dis ce qu'il y a de sec qu'il faudrait irriguer. Ce qui est trop mouillé. Ce qui est trop pourri."

Une suite de cris à lire avec parcimonie car leur intensité émeut, blesse parfois. Une suite de cris, pourtant, qui se répondent, qu'il faut lire ensemble car elle forme un écheveau de destins qui se croisent, croisent leurs souvenirs, leurs désespoir et engendrent leur descendance... Aussi souvent faut-il même revenir en arrière, réécouter les cris plus anciens pour comprendre les plus récents car ce sont bien des récits ou plutôt de vraies vies qui se tissent dans les pages.

Parmi tous ces cris, les plus silencieux ne sont-ils pas les pires tels ceux de ces personnages à la Beckett traînant leur paillasson au travers d'une scène imaginaire symbolisant pourtant ce qu'il y a de plus authentique dans notre vécu ? Ne sommes-nous pas tous des cris plus ou moins silencieux ?

Chaque cri est un poème, une sphère où s'ouvre un monde entier; chaque cri invente le suivant, l'appelle, chaque cri complète le précédent, l'explique tout en le niant, tous ces cri, tous ces cris, l'humanité s'y cherche-t-elle pour au moins respecter un moment de silence.

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