AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782384062874
336 pages
Editions Douro (01/12/2023)
4.94/5   8 notes
Résumé :
Les cris, nouvel inventaire, fait suite à un premier texte qui comportait quatre-vingt-dix-neuf fragments numérotés. Ce nouvel inventaire ajoute à ces derniers une centaine de nouveaux fragments, soit en totalité, 199 « cris ». Ces « cris » ressemblent à ceux que nous pouvons entendre à deux pas de chez nous, dans la rue, au cœur de notre foyer ou dans les profondeurs de notre imaginaire : le boucher, le bûcheron, un flic, un juge, un voisin sans histoire, deux coll... >Voir plus
Que lire après Les cris, nouvel inventaireVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
La collectionneuse de cris et ses tranches de vie saisissantes !
199 cris, soit 200-1, celui qui surgit en refermant le livre, dans la gorge nouée du lecteur spectateur (impuissant ?).

Le théâtre et la théâtralité occupent une place importante dans la vie et l'oeuvre de Christina Mirjol que je remercie de m'avoir confié son nouveau livre.

Matériellement, c'est très « appétissant » : une couverture élégante et fort à propos qui reprend une peinture de Jacques Cauda, un format agréable à manipuler et une mise en page très aérée.

Sur son site internet, cette admirable femme de lettres a mentionné :
« Les Cris est un ensemble polyphonique numéroté qui se compose de quatre-vingt-dix-neuf fragments. C'est une série ouverte, susceptible à tout moment d'accueillir d'autres “numéros”. Certains nouveaux fragments ont été publiés dans diverses revues et certains autres sont inédits. Il en existe actuellement plus de deux cents. »

Sur mon exemplaire dédicacé, ses cris sont qualifiés de « fragments de voix à lire et à entendre », avec cette importante polysémie du verbe entendre.

J'en sors de nouveau éblouie par le style de Christina Mirjol, qui sait aussi bien mener une réflexion sur la guerre ou/et la condition de l'écrivain, pour ne mentionner que deux des nombreux thèmes présents.
Son sens de la concision est remarquable, comme dans le cri n° 91.
Des portraits forts se tissent de cri en cri et tentent de nous convaincre de joindre notre voix personnelle.
Commenter  J’apprécie          881
Christina Mirjol vient de publier fin 2023 Les cris Nouvel inventaire, qui ajoute à un premier texte, Les cris, comportant quatre-vingt-dix-neuf fragments numérotés, une centaine de nouveaux fragments. Ce livre est constitué donc de cent-quatre-vingt-dix-neuf cris, des cris variés, des cris doux, d'autres plus violents, des cris que l'on n'entend pas parfois ou qu'on ne veut pas entendre, une multitude de cris.
Toutes sortes de cris se font ainsi entendre dans ce recueil, des cris que nous pouvons entendre dans notre sphère proche ou dans la rue, des cris entendus ou imaginés, des cris d'animaux ou même celui des arbres et de leurs branches lorsqu'ils sont abattus, et le cri d'effroi de la forêt qui en découle, en les voyant s'effondrer…
Certains sont déchirants, pas forcément par leur volume mais par l'intensité de ce qu'ils suggèrent, ainsi le cri 151 des enfants du monde tout en retenue mais tellement puissant ou le suivant, ce cri de peur des étrangers, cri d'anticipation, hélas bien actuel…Un cri très fort m'a bouleversée, celui du soldat.
Ce sont des cris d'indignation, des cris de peur, des cris d'incompréhension souvent, des cris brefs mais qui, souvent, dévoilent des situations de longue durée et des pans de vie entiers.
Dans tous ces fragments, Christina Mirjol allie avec talent l'absurde et l'humour dans une forme de poésie fort originale et personnelle.
Je me suis régalée et ai vraiment ri (et pourtant…) avec le cri 49 dans lequel Gérard perd de plus en plus souvent des mots, et n'ai pu m'empêcher de penser au style du grand Raymond Devos.
Des cris, des cris, mais aussi parfois un silence assourdissant plus fort qu'un cri, un silence de peur consécutif à un bruit explosif, un mutisme épouvanté qui s'établit quand la force publique vient chercher une enfant de sept ans…
Pour apprécier pleinement tout ce cortège de clameurs, pour pouvoir bien les entendre et qu'elles ne soient pas étouffées par leur nombre, je les ai dégustées par petites touches afin de les savourer à leur juste valeur. Il faut en effet prendre son temps si l'on veut mieux pénétrer ce théâtre de l'absurde et entrer dans l'intimité de ces êtres errants sans repère avec leur difficulté à communiquer ou leurs rêves ésotériques.
Tous ces fragments de vie, ces éclats de voix parfois imaginaires attendent, j'imagine, avec impatience, de prendre leur envol, et d'être incarnés sur scène par des voix tout aussi talentueuses que la plume de l'autrice l'a été pour les coucher sur le papier.
J'avais eu le privilège de découvrir Un homme, le dernier roman de cette brillante autrice de romans, de nouvelles et de pièces pour le théâtre et j'ai retrouvé dans Les cris, nouvel inventaire, malgré la différence de forme dans l'écriture, un style assez similaire à la fois théâtral et poétique, où tragédie et comédie cohabitent.
À noter la magnifique peinture toute en pastel de la couverture signée Jacques Cauda, créateur d'un nouveau courant pictural, le mouvement surfiguratif, à mi-chemin du visible et de l'invisible, ce peintre dirigeant par ailleurs la collection La Bleu-Turquin des éditions Douro, éditrice de ce récit-théâtre Les cris, nouvel inventaire. Cette oeuvre est à mon sens en parfaite adéquation avec l'écriture de Christina Mirjol et c'est une excellente idée de l'avoir reproduite en noir et blanc pour marquer le passage au centième cri.
Les cris. Nouvel inventaire est un roman sensoriel de l'absurde hors-catégories !
Un grand merci à Christina Mirjol pour m'avoir réitéré sa confiance.
Commenter  J’apprécie          799
C'est avec un dessin surprenant que l'on aborde ce nouvel inventaire, un visage à la Willem de Kooning, dans toute son aspérité, squelette ou vivant, les deux sans doute ou aucun, la bouche ouverte sur un cri.

C'est aussi un inventaire à la Prévert mais, cette fois, à propos du manque de communication, de la fatigue, du désespoir, des blessures jamais refermées, de l'apathie ambiante, inventaire des cris de la misère du monde. Tous, ces cris qu'on n'entend mais auxquels on ne s'habitue jamais. Elle le fait dire à un de ses personnages :

"L'habitude ça n'existe plus !"

Violence, guerre, accidents, noyades, suicides et turpitudes du quotidien qui n'en finit pas de quotidienner... Il y a aussi cette antique sagesse qui fait entendre sa voix dans nos rues; il y a même ce cri très logique d'Antigone qui adopte un sans-abri pour vivre son destin.

Et ceux de l'écrivain (personnage du livre) qui se met lui même en scène, les cris enfin de l'autrice Christina Mirjol qui les endosse et les consigne, les met en scène, traduit la laideur en beauté comme le fait cet autre personnage avec l'horreur de sa soeur morte d'épuisement en apportant l'eau :
"Quand je chante aujourd'hui et qu'il pleut sur la ville, je suis content. Je raconte à l'eau ce que je fais ici. Je dis ce qu'il y a de sec qu'il faudrait irriguer. Ce qui est trop mouillé. Ce qui est trop pourri."

Une suite de cris à lire avec parcimonie car leur intensité émeut, blesse parfois. Une suite de cris, pourtant, qui se répondent, qu'il faut lire ensemble car elle forme un écheveau de destins qui se croisent, croisent leurs souvenirs, leurs désespoir et engendrent leur descendance... Aussi souvent faut-il même revenir en arrière, réécouter les cris plus anciens pour comprendre les plus récents car ce sont bien des récits ou plutôt de vraies vies qui se tissent dans les pages.

Parmi tous ces cris, les plus silencieux ne sont-ils pas les pires tels ceux de ces personnages à la Beckett traînant leur paillasson au travers d'une scène imaginaire symbolisant pourtant ce qu'il y a de plus authentique dans notre vécu ? Ne sommes-nous pas tous des cris plus ou moins silencieux ?

Chaque cri est un poème, une sphère où s'ouvre un monde entier; chaque cri invente le suivant, l'appelle, chaque cri complète le précédent, l'explique tout en le niant, tous ces cri, tous ces cris, l'humanité s'y cherche-t-elle pour au moins respecter un moment de silence.

Commenter  J’apprécie          355
Les Cris, Nouvel inventaire - Christina Mirjol, Editions Douro, Collection le Bleu Turquin, décembre 2023*****
lecture en janvier-février 2024

Des cris, 199 au total, nouvel inventaire numéroté, que nous pouvons entendre, ou pas, tout près de nous, ou comme des plaintes très loin, ou comme des souvenirs dans le brouillard de notre mémoire.
Un cortège long et puissant que l'oreille du lecteur entend à chaque chapitre et dont les héros se font minuscules, sous le poids de leurs cris. Cris brefs, désorientés, souvent hésitants peut-être à la recherche d'un témoin qui pourrait leur donner une confirmation, une justification, une preuve de leur existence ou de leur vie.
D'où viennent-ils? Que cherchent-t-ils ? Eux-mêmes ? Des confrères ? Ou juste à raconter leur histoire, en la criant pour percer l'indifférence du l'air du temps, lui faire mal avec les cris, les cris où la douleur s'est tapie.
Cris courts et secs, cris longs en lamentations infinies, cris haletants, cris en course ou en balade, cris aux lames croisées, bretteurs insolents ou timides, pudiques même, à peine sortis aussitôt rentrés dans les gorges déployées.
Cris forts, répétitifs, un peu bégayants, à cause, peut-être, de leur fragilité, de leur incertitude ou de leur passage éphémère, funambules s'accrochant à leur corde raide au-dessus d'un vide silencieux et devant une scène vide.
L'auteur, Christina Mirjol, marionnettiste habile, tire les ficelles pour garder ses cris, des hors-le-temps, dans une humanité souvent refusée et plus souvent encore oubliée.
« Cri 22. L'écrivain
Il se peut qu'une femme vienne doucement avec une cuvette en émail blanc pleine d'eau et un gant de toilette de la même couleur. Il se peut qu'elle pose la cuvette devant elle, qu'elle prenne le gant et le torde, qu'on entende un filet d'eau. Il se peut que cette femme enfile le gant humide dans sa main et se relève. Il se peut qu'elle se lave la joue d'abord, puis le bras, puis le genou. Qu'elle se lave lentement et de façon cadencée… Puis il se peut que cette femme se mette à chanter :
« Plus fragile que la feuille de l'arbre
La vie
Plus lourde que montagnes au large
La vie
Légère
Comme plume d'outarde
Si
Tu la lies
A une autre vie
Ta vie » (La Vie, chanson de Félix Leclerc) »
Minimaliste, Christina Mirjol va droit aux points névralgiques de notre vie, les points devenus des bleus ou qui ont mal cicatrisé, des creux, des bosses faits par le travail du temps, plasticien de génie et par conséquent souvent détesté, car incompris.
Samuel Beckett aurait aimé te lire, Christina, et voir tes personnages, sosies pour le moins surprenants des siens, dans une attente sans fin, suspendus quelque part dans le temps, quelque part dans l'espace.
« Cri 23
Général Un
Il est mort ?
Soldat
Non, mon Général
Général Un
Qu'est-ce qu'il a ? Il n'est pas debout.
Soldat
Il est blessé, mon Général
Général Deux
Je vois. Il remue un doigt.
Général Un
On ne fait pas la guerre avec un doigt. Il faut l'évacuer.
Soldat
Il y a mon lit, mon Général, mon lit.
Général Un
A chacun sa place, mon gars, tu devrais savoir ça : quand tu tomberas, ton lit, tu en auras besoin…. 
Général Un
Il ne remue qu'un doigt, ce n'est pas assez…
Général Un
Il ne peut pas, ça ne sert à rien qu'on l'évacue. Il est fini, on va le mettre là. Va nous ouvrir, toi, le placard !
Général Deux
Ne reste pas devant, on t'a dit, tu parles trop, il y a là-bas une ville à prendre. Qu'est-ce que tu attends, fous le camp, on te dit, c'est un ordre.
Général Un
Avec ton lit, mon vieux ; Un, deux, un, deux... »
Absurde, absurde et vrai.
Une scène de théâtre la vie, et nous des personnages, le grand Will l'a déjà dit, des personnages sans boussole, les rêves ou le désespoir en guise de guide, affichent un sourire, ou une grimace ou un long cri avec la même bouche, les mêmes lèvres, la même gorge desséchée, le même soleil qui chauffe les uns trouve les autres depuis longtemps refroidis ou paralysés par la faim ou la maladie.
Christina Mirjol les met tous en scène, ils se croisent sans se voir, ils se côtoient sans se parler, leurs yeux des lumières éteintes ou en train de mourir, un dernier éclat avant la nuit « Cri 29 Cependant, devant le placard où les morts s'entassent, c'est aussi une belle journée de printemps : le soleil est très doux et les oiseaux se mettent à chanter. »
Les yeux de Christina Mirjol embrassent, dans un tour panoramique, une immense famille du vivant, arbres, animaux, hommes et femmes, tous des cris, des regards et un souffle. Et les cris se répètent, sans répit, comme les battement du coeur, jusqu'à l'épuisement et l'arrêt, pour recommencer après, car l'écrivaine est présente et à l'écoute, son oeil est témoin, son coeur une mémoire, l'écrivaine est leur porte parole, leur donne sang chair et voix.
Des dizaines de cris, comme dans une ronde, une farandole où les mains se tiennent serrées, tous sur la même scène de la vie, certains se plaignent, d'autres ricanent, d'autres encore parlent des yeux, ou alors s'étonnent de découvrir l'absurde et des caricatures, une tendresse, très rare, de l'humour aussi, toujours bienvenu, une force fragile, timide, souvent cabossée, mais bien présente et qui se soulève après chaque chute grâce à la plume d'un écrivaine à l'écoute, Christina Mirjol.
J'accueille le dernier cri, le 199e, avec sa peur, mais en lui enlevant le masque, je crois découvrir son vrai message de vie.
Mille fois merci, Christina, pour le bonheur que j'ai eu à rencontrer tes personnages et à leur parler, en silence, ils m'ont laissée me joindre à eux, ouverts et généreux, ils m'ont hébergée avec tendresse et cruauté.
Commenter  J’apprécie          191
Avec le cri n° 53 je me suis remémoré cet autre livre de Christina Mirjol, Suzanne ou le récit de la honte. Ici, un dossier disparaît également (le dossier Frites) et l'absurde de la situation est pimenté par un peu plus d'humour noir que dans le récit de la honte.
Et puis, il y a cette institutrice du cri n° 69 qui nous rappelle qu'on « ne meure qu'une seule fois », avec ou sans Requiem (ici on entend mon préféré, celui de Mozart dans le cri n° 11). Il y a des personnages récurrents (comme des soldats avec leur « chorégraphie de la guerre », des vieux et leur inexorable décrépitude, l'écrivain et son paillasson, des chiens de tous horizons) qui multiplient leurs cris toujours différents et pourtant toujours les mêmes.
J'ai eu le sentiment de lire une pièce de Samuel Beckett tant l'absurde des situations est parfois évident.
Il y a au fond, beaucoup de choses fortes et mémorables parmi ces cris, y compris ceux « totalement secondaires alors même qu'ils sont tout à fait effroyables, et eux, absolument réels ».
Au fond, nous sommes potentiellement tous des crieurs en puissance. Christina Mirjol dénonce et inventorie nos cris avec un grand talent, en se gardant bien d'émettre des jugements de valeur.
Commenter  J’apprécie          302

Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Cri n° 72
Un homme, une femme, en voiture

Un bel été. Ce sera un bel été, je te le garantis. Oui. Un bel été...
Tu as vu le ciel ?... Le ciel !... Oh ! le ciel !... Est-ce que tu crois qu’il y aura un seul nuage ?... Pas un. Comment tu as dit tout à l’heure ?... Comment tu as
dit ?... Un ciel... Un ciel...

Un ciel de plomb.

Ah non !

Non ?

Pas de plomb !... Pas de plomb, mon amour. Tu n’as pas dit un ciel de plomb. Pas un ciel de plomb.

Tu crois ?... Je n’ai pas dit de plomb ?

Non, mon amour. Non.

Non ?... Un ciel léger, alors ?... Un ciel léger, mon amour.

Non, mon amour. Non.

Je ne vois pas, mon amour... Un ciel bleu ?... Bleu ?... Un ciel bleu.

Non. Non, mon amour. Tu le fais exprès ! Un ciel... Un ciel... Oh, mais comment est-ce que tu as dit ?... Qu’est-ce que tu as dit ?... Tu l’as même répété. Tu l’as répété, mon amour... Tu as dit... Tu as dit...

J’ai dit un ciel bleu. Bleu comme l’année dernière.

Non.

J’ai dit bleu. Qu’est-ce que j’aurais pu dire d’autre que le ciel est bleu, mon amour ? C’est dément, ces discussions.

DÉMENT !... Dément, voilà ce que tu as dit ! Pas bleu, mon amour, dément !... Tu as dit : Oh ! comme le ciel est dément, cette année !

Ah bon ?

Oui !

Il n’arrête pas de faire beau aussi !

Oui, c’est trop !

Écoute, ça a commencé... non, hein ? ça a commencé en avril cette année... Hein ?... En avril.

Ça a commencé en avril. C’est venu d’un seul coup. Et depuis...

Et depuis ça continue. Le ciel est détraqué.

Oui, d’habitude ça vient progressivement. Il fait chaud normalement. Un peu chaud... Et puis... après...

Très chaud.

Très très chaud, oui. Mais là, d’un coup... chaud... chaud...

Oui, là.

Là. Non non. Chaud... chaud... Une chaleur !... À ne pas sortir de l’ombre. C’est pas compliqué, on s’assoit dans l’ombre, on attend la nuit.

Oui.

On a bien roulé quand même... Hein, mon amour ?

Oui.

On a bien roulé. Impeccable. Hein ?... Tu as dit quelque chose d’ailleurs...

Quand ?

Dans la voiture. Tu as dit quelque chose.

À propos de quoi ?

À propos du fait qu’on roulait tellement bien. Je ne sais plus ce que tu as dit... Tu as dit... Tu as dit...

J’ai dit que ça roulait bien.

Mais non, mon amour. Oui, tu as dit ça roule bien, mais tu as ajouté quelque chose... Oh... qu’est-ce que c’était ?... C’était... Comment c’était ?... C’était bien plus...

Je ne vois pas ce que j’ai pu dire d’autre.

Oh mais si, mon amour, voyons, rappelle-toi...

***

Cri n° 73
L’écrivain

Elle a dit ça roule comme sur un billard, mais ils n’arrivent pas à se le rappeler. Ils n’y arriveront pas. Ils vont chercher longtemps, bien après être arrivés, avoir fermé la porte, parlé à la voisine, avoir quitté le palier, raconté à la gardienne leur périple, ils auront cette impression de vague loupé qu’ils ont chaque fois dans ces cas-là et ça se verra à leurs froncements de sourcils, qu’ils ont raté quelque chose.
Commenter  J’apprécie          150
Cri n°109
Une jeune fille
Voulant acheter pour moi des tulipes ce matin, j'hésite un bon moment devant le magasin : les violettes ou les rouges ?…
Les violettes en bouton ont de longues et belles queues mais qui tirent sur le jaune ; les rouges, elles, les ondes vertes mais courtes !
Tout en imaginant les queues démesurées dans le vase transparent, j'achète à contrecœur les rouges aux petites queues.
La fleuriste à présent étale sur le comptoir les tulipes écarlates et c'est à moi de payer.
Mon regret des violettes est alors à son comble et me rend subitement la vendeuse insupportable…

En arrivant chez moi, je dispose de bouquet au centre de la table. Je ne le regarde plus…

Les fleurs furent équitables. Leurs vaillantes petites queues ne fléchirent pour de bon qu'au bout du sixième jour.

(p. 195)
Commenter  J’apprécie          241
Cri n° 135

Une petite voyageuse
Dans le TGV 805, Paris Bordeaux, 15 heures, une sourde-muette traverse mon wagon et dépose çà et là des stylos en plastique sur les tablettes baissées des voyageurs assis. De minuscules cartons qui expliquent je ne sais quoi accompagnent les stylos... Je trouve ça un peu gros, même un peu culotté, je trouve ça ridicule. Comment une telle combine peut-elle d’ailleurs marcher ? Dans un train !
Les stylos dédaignés par tous dans le wagon confirment ma remarque lorsque la fille repasse. Or, l’un des voyageurs, assis à ma hauteur, tend maintenant sa main et achète le stylo. En payant, il sourit, et la fille remercie dans sa langue de sourde.
Un brin déconcertée, je m’esquive aussitôt du côté de la vitre. Le train roule et plus tard cette scène particulière me revient en mémoire alors que l’homme descend. Son geste me revient. Désintéressé et si simple – un seul dans le wagon.
Commenter  J’apprécie          200
Cri n° 151
Les enfants du monde et le Père Noël

Père Noël, je voudrais un camion et une bouée et une console vidéo et un habit de Zorro et un masque de plongée et un tank et une poupée et des crayons de couleurs et des pinceaux et un aquarium et un vélo et une girafe et un train électrique et une piscine et un habit d’Indien et une locomotive et un lion et une paire de rollers et un Monopoly et un hélicoptère.

Père Noël, je voudrais deux oranges.

Père Noël, je voudrais une orange.

Père Noël, je voudrais quelques graines à planter si tu peux, et de l’eau.

Toi, je t’apporterai tout ce que tu m’as demandé. Toi aussi, l’orange tu l’auras, la deuxième aussi, je t’apporterai deux oranges. Pour toi qui ne veux qu’une seule orange, je verrai ce que je peux faire. Quant à toi, pour les graines, je ne te promets rien pour cette nuit.

P. 257
Commenter  J’apprécie          185
Cri n°156

L'écrivain

Alors qu'il frotte ses pieds un soir sur son palier, un voisin sans histoire assiste malgré lui au drame épouvantable survenu ce soir-là au cinquième de l'immeuble, son étage. La femme de son voisin se jette par la fenêtre. Il la voit se jeter. Or, étant pris à partie en tant qu’unique témoin, le voisin en question, interpellé dans l'heure, devient pour ainsi dire l'otage du mari : un écrivain macabre travaillant jour et nuit sur un texte brûlant et autobiographique. Drôle d'histoire !

(p. 263)
Commenter  J’apprécie          270

Videos de Christina Mirjol (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Christina Mirjol
Vidéo de Christina Mirjol
autres livres classés : théâtreVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (13) Voir plus



Quiz Voir plus

Le Cid (Corneille)

Que signifie "Le Cid" en arabe ?

le seigneur
le voleur
le meurtrier

10 questions
816 lecteurs ont répondu
Thèmes : théâtreCréer un quiz sur ce livre

{* *}