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Critique de mh17


Dans toute l'oeuvre de Yukio Mishima et dans son suicide spectaculaire, la mort explose comme un soleil. L'origine du roman le Pavillon d'Or ( Kinkakuji, 1956) est un événement réel, qui choqua les Japonais. le 1er juillet 1950 Hayashi Shôken, bonze novice de vingt et un ans laid et bègue, provoque l'incendie d'un chef d'oeuvre architectural de Kyoto, jusque là miraculeusement épargné des typhons et des bombardements. Mishima s'empare du sujet, de quelques particularités d'Hayashi Shôken et imagine le processus intérieur qui conduira un jeune novice à la destruction du Pavillon d'Or. Et en même temps il développe ses propres préoccupations esthétiques et philosophiques. L'écriture est limpide, précise et les descriptions saisissantes.

Mishima est un très bon conteur qui prend au piège son lecteur. On s'attache d'emblée à Mizogushi, le narrateur. Ce jeune homme, bègue et laid, moqué et mal aimé est émerveillé depuis son enfance par ce que lui raconte son père, un obscur prêtre de campagne aux mains sales, au sujet du Pavillon d'Or. La réalité le déçoit évidemment : c'est un vulgaire pavillon noirâtre. Son père meurt et Mizogushi n'éprouve rien. Il est détaché de la réalité. Il devient novice au temple du Pavillon d'Or. Il ne l'idéalise plus même si le Pavillon demeure sacré. Cependant il se remet à l'aimer passionnément quand le Pavillon est sur le point de finir en cendres dans les bombardements ou d'être balayé par le typhon. Mizogushi est seul à garder le Temple et fait corps avec lui, souhaitant ardemment sa destruction. Il éprouve alors un rare moment de paix et de volupté. Mais le Pavillon d'Or ne cède pas, il semble au contraire immortel et lui renvoie sa laideur physique et morale ainsi que son impuissance à la figure. Mizogushi a deux amis. le premier lui semble un modèle de beauté, de gentillesse et de pureté. le second Kashiwagi est plus intéressant, plus ambigu. Il est laid et a un pied bot. Il s'adapte à la réalité et sait se faire apprécier des femmes. Il cerne parfaitement la personnalité de Mizogushi, l'entraîne dans la débauche avec l'intention de l'arracher au Pavillon d'Or, comme l'explicite son interprétation de l'énigme zen de « NANSEN TUE UN CHAT »*. En vain. Mizogushi est trop orgueilleux. Il imagine alors se venger cruellement de tous ceux et de toutes celles qui le méprisent. La vengeance d'abord fantasmée se réalise dans une scène explicitement sadique. En même temps il veut posséder jalousement le Pavillon d'Or et le défendre des souillures, de la vulgarité en particulier celles de l'occupant et des touristes. Il a pensé à remplacer un jour le Prieur mais son ambition est sapée par son orgueil démesuré et sa mauvaise conduite. Il est seul. le Pavillon d'or est devenue sa prison, un lieu de Beauté, de Pureté qui l'empêche de vivre. Et qu'il lui faut détruire.

Mishima plonge très profondément dans les pensées et les émotions les plus obscures de son personnage avec une rare intensité. le lecteur éprouve de plus en plus de répulsion devant sa cruauté. A un certain stade, l'identification me semble impossible, surtout si on est une femme, et il faut prendre du recul pour admirer le chef d'oeuvre.

*Tuer le chat, c'était arracher la dent qui fait mal, extirper la Beauté à la gouge. Était-ce bien résoudre le problème ? Je ne sais pas. Les racines du Beau n'en étaient point, pour autant tranchées ; morte la bête, sa beauté ne l'était peut-être pas. Et c'est pour se moquer de cette solution trop commode que Chôshu met ses sandales sur sa tête. Il savait, pour ainsi dire, qu'il n'est pas d'autre solution que d'endurer le mal de dents.
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