Près de l'entrée, quatre bureaux. Sur un meuble de rangement, une horloge digitale indiquait quinze heures vint-sept... non, vingt huit. Elle devait faire aussi ofice de réveil pour ceux qui passaient la nuit là, ne dormant qu'une heure ou deux : l'alarme était réglée sur deux heures du matin. On devait travailler ici avec des horaires assassins. ici il s'agissait de course contre la montre. Même les grains de poussière qui dansaient dans la lumière semblaient participer à cette activité.
Lorsque je fais une conférence , j'ai coutume de dire : "Avant de déménager à la sauvette, de vous suicider ou d'assasiner qui que se soit, pensez à la déclaration de faillite personnelle !" Ca fait toujours rire. Mais ça n'a rien de risible ! L'ignorance de cette possibilité conduit à l'éclatement des familles, à la perte du travail, parfois à une vie de clandestinité pour les enfants. Les gens sont traqués. Ce sont justement ceux-là qui sont embauchés par des compagnies de sous-traitance, pour des travaux dangereux comme ceux des centrales nucléaires. On dit qu'il y a deux cent mille à trois cent mille laissés- pour-compte de ce genre. On n'a pas le droit de ne rien faire.
La patronne n’avait pas loin de la quarantaine. Un peu ronde, elle avait un double menton. Elle jeta à Honma un regard plus sévère encore que celui avec lequel elle devait scruter le chiffre des kilos sur sa balance.
Il débita tout cela d'une traite. Puis il se tut, mais comme les roues d'une voiture miniature retournée sur le toit continuent à tourner, ses mâchoires continuaient à bouger. Il claquait des dents.
Quels que soient son luxe et sa puissance, une voiture n'est pas faite pour qu'on y vive et quand elle est trop vieille on s'en débarrasse. Tokyo était un peu à cette image. On ne s'enracine que sur un terrain solide. On ne s'attache pas à une "ville natale" jetable.
Mon mari avait coutume de demander pourquoi les serpents muaient. Vous savez pourquoi, vous ?
– La mue c'est…
– Quand on change de peau. Il paraît que c'est une opération tellement épuisante que certains en meurent. Mais alors pourquoi la font – ils quand même ?
– Ce n'est pas pour grandir ? Demanda Tamotsu.
– Non, je vais vous le dire : ils s'imaginent qu'après toutes ses mues, ils auront enfin des pattes. Est – ce que les serpents ont besoin d'avoir des pattes, me direz – vous ? Eh bien, ils s'imaginent qu'ils seraient plus heureux s'ils en avaient. Et dans notre société, il y a beaucoup de serpents qui rêvent d'avoir des pattes mais qui sont trop fatigués ou trop paresseux ou encore qui ne savent comment s'y prendre. Et il y en a de plus intelligents qui leur vendent des miroirs dans lesquels ils se voient avec des pattes. Certains serpents veulent acheter ces miroirs même en s'endettant.
Les yeux sont le miroir de l'âme, dit-on (...).
Honma allait employer le traditionnel "elle s'est sacrifiée" mais devant le regard noir de Kazuya, il se retint. Les yeux sont le miroir de l'âme dit-on mais il arrive qu'ils soient aussi sombres qu'une cave privée de lumière. p19
Sans doute pensa Honma, Shoko n'avait jamais été heureuse, même dans son enfance. Elle recherchait sans cesse une image d'elle-même différente de celle du passé. Simplement elle s'était trompée dans les moyens d'y ressembler : elle avait cherché à se procurer le miroir qui donne "l'image idéale de soi".
Par le biais d'une carte en plastique.
Une personne de moins de deux mètres dont l'ombre atteindrait dix mètres...la cause du développement anormal de l'industrie du crédit réside dans une confiance excessive et aveugle, mais aussi dans l'importance des intérêts et des commissions. C'est là le point crucial. Par exemple, j'ai eu affaire l'année dernière à un salarié de vingt-huit ans qui possédait trente-trois cartes de crédit; son endettement atteignait trente millions de yens pour un salaire mensuel net de deux cent mille yens sans autre source de revenus. Qu'en pensez-vous ?