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Critique de CorinneCo


Chez Modiano, les écrivains sont souvent des gloires passées, obscures, oubliées, quand ils ne décident pas de tout laisser tomber et de s'enfuir ; Ils sont connus sans l'être, amis de la solitude et de l'absence. Qu'ils soient la figure centrale du roman ou bien une image fugace dans un souvenir évaporé.
Jean Daragane a perdu un carnet d'adresse ; un homme, Gilles Ottolini, lui téléphone pour lui rendre. Cet homme qui semble le sortir d'une solitude volontaire est-il un escroc ? Un réel détective ? Il mène une enquête sur un certain Monsieur Torstel ; en cela, il est aidé par Chantal Grippay, aussi intrigante que son partenaire… Est-il son amant ? Son souteneur ? Son maître-chanteur ? Daragane se trouve englué dans l'histoire de ces deux personnages ; Ils s'immiscent dans son intimité, en même temps omniprésents et lointains ; fantômes inconnus qui errent dans les pièces vides et réveillent des souvenirs oubliés. Monsieur Torstel est dans le carnet d'adresse de Jean Daragane au milieu de noms perdus dans les limbes d'un passé brumeux. Devant « l'amnésie «  de l'écrivain, Ottolini lui transmet « un dossier » pour lui rafraîchir la mémoire. D'un fatras de pages, un nom surgit et telle une flammèche ravive la mémoire de Jean Daragane. Annie Astrand. de ce feu couvant, qu'il souhaiterait éteindre, perce son enfance, sa jeunesse, le visage de sa mère, des hommes mystérieux, peut-être oisifs, peut-être malfrats, souvent de passage.
On retrouve le monde Modianesque ; des enfants seuls, attendant quelque part un père, une mère absents dans des maisons ou des appartements anonymes ; des enfants entourés d'adultes lointains, insaisissables, menant des vies opaques ; peut-être des vies de romans de gare, peut-être des vies monotones où hautement rocambolesques, comment le savoir ? Modiano jette des petits cailloux dans l'eau et espère que les cercles concentriques finiront par toucher leur destinataire. D'où, dans ses romans, ces noms, ces détails, jetés sur le papier ; pêche à la ligne, signaux muets , à celles et ceux qui voudraient s'y reconnaître… Cette mélancolie de châteaux de sable détruits et reconstruits à l'infini...
Ces enfants observent ces adultes en silence, avec patiente et sérieux ; attentifs à leurs réactions et leurs humeurs comme un zoologue scruterait un animal inconnu.
Jean Daragane est un de ces enfants ; il se souvient qu'Annie Astrand le gardait en l'absence de ses parents. Mais est-ce la vérité ? Est-ce cette jeune femme ? Pourquoi l'a-t-elle quitté ? Disparue un jour sans crier gare ? Daragane peut-il se fier à sa mémoire ? N'est-ce pas un fantasme littéraire ? Lui qui semble ne plus trop écrire. Est-ce un désir enfoui de s'être senti, enfant, aimé et protégé ? Ses souvenirs d'enfance sont-ils brouillés par le temps ? Mystères là où il n'y que banalités ? Intrigues là où il n'y a que quotidiens limpides ? Alors il décide de mener sa propre enquête pour que les rives de son enfance et de sa jeunesse ne soient plus, à jamais, inaccessibles. Il rêve de retrouver son Paradis perdu.
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