« Le peuplier derrière l’enceinte de la maison
offre-lui un rire à la fenêtre
offre-lui les cordes à linge, les miroirs
Et les pinces à linge de bois. »
Tout ce que je souhaite à mon retour
C'est retrouver le chemin , le trottoir, la vieille maison
Et que l'arbre se souvienne de moi.
Et la terre tourne, tourne et nous fait tourner avec elle
Et nous grandissons
Tout ce que je souhaite à mon retour
C'est retrouver le chemin, le trottoir, la vieille maison
Et que l'arbre se souvienne de moi.
Où que je passe en ce monde
le vent s'attarde dans les arbres
Et les arbres répandent leurs feuilles sur mon chemin
Pour m'accoutumer au chemin, me dis-je
Pour t'accoutumer à l'absence, me disent les arbres.
L’exil, c’est te poser sur une branche sûre
Et emprunter ton ombre à l’Histoire
Où que je passe en ce monde
Le vent s'attarde dans les arbres
Et les arbres répandent leurs feuilles sur mon chemin
Pour m'accoutumer au chemin, me dis-je
Pour t'accoutumer à l'absence, me disent les arbres.
nous nous sommes ceinturés de chansons
Pour revenir chez nous comme bon nous semble.
Les cordes à linge balancent
Elles font sécher les vêtements trempés d'absence.
Un jour il y aura perfection du cercle
Et nous nous réjouirons ensemble sur cette terre.
L'étranger reviendra de son long voyage
Jusqu'à l'endroit où il est né
Dans les métaphores, dans l'imaginaire
Au seuil de l'absence
Il retournera à la poésie.
Nous étions seuls, si seuls face aux tyrans
Nus, nos cœurs nus
Tels des cailloux qu'on jette à la rivière
Pour qu'ils puissent jouer loin de la peur.
A présent, les habitants de la terre jettent leurs cœurs
Sur les berges des rivières
Pendant que leurs corps restent à la maison à attendre.
Que peut faire la poésie
Pour tirer l'humanité hors de son refuge
Pour que jamais ne s'assèche la chanson
Si ce n'est rendre hommage à la vie
Aux ombres de la vie…
Dans la langue.
Extrait de la lettre à Saint-John Perse (p.129-135)
Nature morte II
Les oiseaux se réfugient en toi
Et les enfants de la terre
Les monstres, les fourmis et les fleurs
Les sommets des montagnes se réfugient en toi
Les jardins, les vallées et les rives des fleuves
Les tombes, le soleil et la lune
La nuit, le jour et la pluie
Les fourmis et les fleurs, à nouveau,
L'air presque visible
Et dans ton ombre les tyrans s'effacent
…
Parle-moi, arbre.
(p.57)