Ô Syrie
Qui es dans une mer en perdition
Sur une barque en papier
Prête-moi une fenêtre, toi l'étranger
Prête-moi ce moment
Je t'en supplie
Prête-moi le moment du coucher du soleil
....
Qui donne sur la Syrie....
Une fenêtre est l'invention des civilisations
La fenêtre...un poème
La fenêtre...une géographie démocratique
La fenêtre...un texte contre la géographie de la tyrannie
La fenêtre...un procès juste.
Nos vêtements
Les papillons les portent
....
Elle
Extrait 1
À l’aube, son pied ne foule pas l’aube
Elle n’ouvre pas ses fenêtres sur celles des voisines
Elle ne prépare pas son café sur un feu doux
Elle n’apparaît à nul instant en chemise de nuit
transparente derrière les rideaux transparents
Elle n’époussette pas le balcon
Elle n’aère pas ses couvertures sur les cordes à linge
Elle ne regarde pas les fenêtres des voisines
s’ouvrir et se fermer sur la vie de famille
Elle n’allume ni la radio ni la télé pour écouter
l’horoscope, les nouvelles et le bulletin météo
Elle ne secoue pas dans le salon le plant de basilic
Elle ne se réveille pas pour couvrir les enfants
Elle ne se retourne pas dans son lit
Elle ne touche pas son dos nu, large et chaud
Ses doigts ne soupirent pas de plaisir
Elle n’ouvre pas son armoire qui sommeille dans le secret
des robes, ni les miroirs qui se dénudent dans la soie des miroirs
Elle ne monte pas l’escalier quatre à quatre comme
quelqu’un que le bonheur attend derrière la porte
…
Je ne suis pas étrangère à moi-même
L'exil c'est l'exil
Et moi...c'est moi.
Lorsque nous revenons au lieu
Nous devenons un lieu
Alors nous violente la mémoire
Qui a tant attendu seule
Notre retour.
Le monde ne connaîtra pas nos récits
Les enfants sont morts
...
A qui raconter les histoires ?
Seuls les cercueils savent
Le chemin de la maison-cimetière
Ce crépuscule jaune
J’ai posé le plus beau marbre au seuil de la maison
Un marbre vieilli et jaune
J’ai posé un nouveau verrou en bas de la porte
Un verrou de cuivre jaune
J’ai fermé la maison sur tout ce qu’elle renferme
Dans ce crépuscule jaune
Sous l’œil du soleil couchant
J’ai fermé la porte sur la poussière jaune rassemblée
pour me faire ses adieux
Et je me suis retirée de ma vie
Lorsque je vois de loin
Le salon, les miroirs
Les rideaux
Mes robes dans les armoires
Les assiettes dans la cuisine
Le réfrigérateur
La table en bois jaune
Les belles chaises cannées
Qui reflètent la lumière du soleil
Et la répartissent sur le carrelage
En un tapis de lumière
Sous les pieds de la table
Le téléviseur noir
Et muet
Je ne veux pas de fin à ce poème
Que j’écris maintenant
Je veux rester suspendue au-dessus de ce vide
Le vide qui évacue les pensées de mon esprit
Et le métamorphose en cœur
Un seul arrêt cardiaque
N’en finirait pas
Avec tout cet amour.