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Critique de Cleophyre_Tristan


Père de Courteline, Jules Moinaux fut lui-même un humoriste, mais un humoriste bon enfant, amoureux des mots, bien plus sociable que son rejeton. Cependant, son style témoigne d'une vieille France tout à fait révolue, qui riait aisément des choses simples. Il est difficile aujourd'hui de retrouver cette hilarité, mais Moinaux est un peu comme Raymond Devos : sa rhétorique tient une grande place dans son humour, et on peut encore l'apprécier comme telle.
"Les Tribunaux Comiques" fut un grand succès populaire à sa sortie. Il s'agissait primitivement d'une rubrique que Moinaux tenait pour plusieurs journaux à la fois dans les années 1870. L'auteur y rapportait un compte-rendu des procès auxquels il assistait quotidiennement. Ce volume est un recueil des meilleures de ses rubriques.
N'ayant d'autre but que de divertir, Jules Moinaux ne rapporte que des faits divers assez risibles : bagarres d'ivrognes, déboires conjugaux, petits larcins ou petites escroqueries, conflits de voisinages... Moinaux s'attarde moins sur les faits que sur les personnages, pour la plupart issus du sous-prolétariat, esprits simples, farfelus ou peu instruits, qui justifient ou renient leurs actes avec un certain infantilisme, avec un vocabulaire inapproprié ou au contraire avec une aisance un peu trop décontractée. Toutes ces procédures sont présentées de manière fort ludiques, comme des saynètes de théâtre.
Il est vrai que rien ici n'est dramatique, le sang ne coule jamais, on évolue dans le fait divers de bas-étage et le crépage de chignons. Chaque rubrique commence par un discours moral quelque peu ironique sur un thème bien précis, que la plaidoirie est censée illustrer, et se termine sur le verdict rendu par la Cour. Cette forme unique a le défaut de rendre l'ensemble du recueil un peu répétitif, même si Jules Moinaux excelle dans cet exercice.
Au final, on comprend fort bien à quel point ces histoires, fort nouvelles en leur temps, ont pu être désopilantes dans une France qui commençait enfin à se remettre de la débâcle de 1870, et reprenait goût à la vie. Il y a en effet dans ces "Tribunaux Comiques" un humanisme bon enfant et une poésie du quotidien que l'on retrouvait encore au XXème siècle, chez des auteurs comme Raymond Queneau ou Jacques Prévert.
Si ce défilé de "canailles sympathiques" accuse quelque peu son âge, il témoigne aussi d'une époque, d'une France populaire qu'on ne célébrait guère encore en littérature et qui a aujourd'hui totalement disparu. À défaut d'en rire encore à gorge déployée, on se laissera volontiers embarquer dans ces brèves de comptoir judiciaires avec une authentique nostalgie et une sincère émotion.
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