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Critique de 5Arabella


Créée en décembre 1662, L'école des femmes est une étape importante dans l'oeuvre de Molière. le triomphe inattendu des Précieuses ridicules, petite pièce en un acte qui l'avait lancé, suivi de succès de pièces intermédiaires en trois actes (Sganarelle ou le cocu imaginaire et surtout L'école des maris) ont permis à Molière de devenir un auteur à la mode. Avec le personnage de Sganarelle qui ne portait pas de masque en scène, il a créé un jeu comique nouveau, basé sur les grimaces et les jeux du visage. Par ailleurs ses pièces ont commencé à aborder des questions qui faisaient débat dans la société mondaine galante, comme la place de la femme, l'éducation qui pouvait ou non lui être donnée, la notion de fidélité dans le couple et plus généralement les rapports de couple, alors que le mariage était dans la quasi totalité des cas arrangé et lié à des considération purement matérielles. le comique vient d'un personnage ridicule, qui refuse les codes sociaux de la société galante, et qui s'en trouve puni, joué par un Molière survolté. Dans L'école des femmes, il s'agit d'agréger tous ces éléments novateurs dans une grande comédie en cinq actes, et en vers, une sorte de consécration pour un auteur, permettant en cas de succès de changer de dimension, de pouvoir être reconnu comme un véritable auteur.

Molière va s'inspirer pour l'intrigue de sa pièce, de deux sources principales. Une nouvelle espagnole traduite par Scarron sous le titre de la précaution inutile, qui raconte l'histoire d'un homme, qui suite à l'infidélité de celle qu'il aime, fait élever une fille de manière à ce qu'elle soit la plus sotte et la plus crédule possible, en pensant qu'ensuite il pourra la modeler à sa guise, et qu'elle sera donc fidèle. Mais lorsqu'il part en voyage sa jeune femme rencontre un jeune homme, et comme elle n'a aucune intelligence, le jeune homme n'a aucun mal à la séduire, tellement elle est crédule. La deuxième nouvelle est extraite d'un recueil d'un Italien, Straparole. Un jeune prince portugais vit une histoire d'amour avec la femme d'un médecin. Ne sachant pas qu'il est le mari, il raconte son intrigue à ce dernier. A chaque fois, la femme arrive à imaginer un stratagème pour retrouver le jeune homme et pour le faire échapper lorsque le mari arrive, et le jeune homme raconte à chaque fois ce qui s'est passé à celui qu'il pense son ami et non pas l'époux jaloux. Molière va combiner en une seule ces intrigues et les actualiser avec les questions en débat dans la société de son temps.

Arnolphe a fait élever Agnès en essayant de la rendre aussi ignorante que possible, pour éviter qu'elle ne le trompe lorsqu'ils seront mariés. Mais pendant son absence, elle a rencontré un jeune homme, Horace. Ce dernier connaît Arnolphe sous un autre nom, et lui raconte son histoire amoureuse. Arnolphe fait avouer à Agnès ce qui est arrivé, étant ignorante elle ne voit aucun mal à lui dire ce qui s'est passé. Arnolphe lui interdit de revoir Horace, et la surveille. Mais l'amour a éveillé Agnès, qui imagine des stratagèmes pour communiquer avec Horace, voire pour s'enfuir avec lui. Malheureusement, Horace prend toujours Arnolphe pour confident et lui raconte toutes les ruses d'Agnès, ce qui permet au vieux soupirant de déjouer les projets des jeunes gens, d'autant plus que le père d'Horace veut le marier à une jeune fille qu'il ne connaît pas. le retour inopiné du père d'Agnès, disparu depuis des années termine l'affaire : c'est elle la jeune fille inconnue que le père d'Horace veut faire épouser à son fils. Arnolphe se trouve berné au final.

La question de l'éducation des filles, des rapports dans le mariage, sont au centre de la pièce. Arnolphe, en vieux bourgeois traditionnel, qui s'oppose à l'instruction chez les femmes est au final tourné en ridicule. C'est toutefois un personnage différent de Sganarelle, il s'agit d'un homme plutôt respectable, pour lequel les autres ont de la considération. C'est sa lubie de vouloir modeler une jeune fille, d'en faire une chose docile, pour éviter d'être trompé qui le rend ridicule. Il n'est toutefois pas que comique, on le voit se transformer tout le long de la pièce, un sentiment amoureux pour Agnès sincère semble apparaître. C'est au final Horace qui semble le plus pâle des trois : il fait confiance à Arnolphe, ne se pose pas de questions, alors que les ruses d'Agnès sont déjouées, il laisse toute l'initiative à la jeune fille.

La pièce fonctionne admirablement bien du début à la fin, alors qu'elle est fabriquée à partir de matériaux composites, voire par moments incohérents : dans les deux sources de Molière il y avait une jeune fille tout à fait stupide d'une part et d'autre part une femme rusée. L'idée de Molière est d'imaginer que l'amour transforme Agnès, elle devient autre, se révèle à elle-même. Cela semble naturel, mais dans le théâtre classique, avec ses personnages stéréotypés, dont le principe est justement d'être toujours les mêmes (on appelait cela la « bienséance ») c'est assez révolutionnaire.

La pièce a eu un succès phénoménal, d'après le registre de la Grange, c'est la pièce de Molière qui a connue les recettes les plus élevées. Malgré, et peut-être à cause d'une tentative de cabale de la part des frères Corneille : Molière se moque de Thomas, Arnolphe a pris un nouveau nom, celui d'une terre qu'il a achetée, très proche de celui que le jeune frère de Pierre Corneille emprunte à une de ses propriétés. La cabale n'a pas marché, mais la pièce a continué à être discutée, critiquée, elle a donné lieu à des pièces pastiches. Molière a répliqué par La critique de l'école des femmes, puis par l'Impromptu de Versailles. Ce type de réponses était typique de la vie théâtrale de l'époque, et au final, faisait de la publicité pour la pièce. Une sorte de consécration en somme. Au point que La critique de l'école des femmes et L'impromptu de Versailles sont joués avec trois petites pièces qui s'attaquent à Molière et à l'Ecole des Femmes devant le Roi et la cour.
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