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Critique de colimasson


Ben ouais, ça a l'air tellement facile… plus besoin d'avoir l'air de le mériter, depuis quelques années, la décadence médiatico-politique battant son plein, il semble que n'importe qui peut devenir riche. Un passage vite fait au Loft Story pour montrer ses seins, et on gagne assez de sous pour pouvoir se les refaire toute une vie à raison d'une fois par an.


Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, deux sociologues « spécialistes des riches », se cachent dans les rayons de la Fnoc pour choper le prolétaire. Ils attrapent Philippe Brocolis, pauvre touriste égaré dans cette zone de non-droit culturel après une dure journée de boulot. Les voilà partis pour une conversation sociologique appliquée de toutes les notions intrigantes constituant la stratosphère du monde des fortunés. Qu'est-ce qu'un riche ? Qu'a-t-il de plus que les autres ? Est-il plus intelligent que Jésus-Christ ? Ou incarne-t-il le Diable ? En réalité, nous sommes loin de concepts aussi spirituels. du réalisme avant toute chose. En un chapitre, le riche semble avoir épuisé toutes ses possibilités d'émerveillement. Philippe Brocolis et sa famille retournent à leurs préoccupations comme si de rien n'était, un ticket à gratter dans la poche. Ticket gagnant ! C'est autre chose d'étudier la richesse une fois devenu riche à son tour…


Véritablement édifiante, cette bande dessinée amuse et divulgue au passage quelques informations qui ébahiront certainement toute personne n'appartenant pas à la lignée Wendel, par exemple. Progressivement, Pinçon & Pinçon nous font prendre conscience que le privilège de naissance existe encore et que la bonne vieille société médiévale de nos cours d'histoire pourrait aisément être transposée au monde contemporain. Si les riches semblent avoir toutefois appris une chose des derniers évènements historiques en leur défaveur, c'est la suivante : quand on est riche, il faut se taire et se planquer. Lorsque les prolos se la jouent individualistes et se lancent dans des compétitions forcenées dans l'espoir d'escalader un tantinet l'échelle sociale, les membres des grandes et riches dynasties –qui se reconnaissent par leur figuration dans le bottin mondain- se serrent les coudes, se filant des millions ou les postes les plus lucratifs. Allez, lève-toi pour bosser le jour de la Pentecôte, qu'on te dit !


Le prolétaire frousse les babines et grogne…pourtant, les Pinçons ne frappent pas sur le riche pour le plaisir de se défouler. En prenant concrètement appui sur la pensée de Bourdieu, ils montrent que les classes sociales non-privilégiées dépendent d'une hexis de classe de laquelle il leur serait difficile (et peut-être même inconfortable) de sortir. C'est pourquoi les gagnants au Loto suivent des cours pour placer leur argent, plus sûrement pour apprendre à bien le dépenser, que ce soit à Monaco ou aux enchères artistiques. Philippe Brocolis et sa famille, devenus riches, commencent à comprendre que le rêve glisse doucement vers le cauchemar…


Marion Montaigne excelle lorsqu'elle nous parle de sciences ou de cinéma, et se montre toujours aussi passionnante lorsqu'elle aborde les sciences sociales. Nous sommes loin du ton désespéré des moralisateurs ou du sérieux lénifiant des intellectuels. La bibliographie se trouve toutefois en fin d'ouvrage pour qui aimerait s'imbiber de la version formelle du sujet. On reconnaîtra les prolétaires au fait qu'ils se procureront l'ouvrage à la bibliothèque ou qu'ils le piqueront sur un étal mal surveillé. Les bourgeois iront à la Fnoc pour s'en accaparer et le ranger plus tard sur leurs étagères en signe ostentatoire de richesse. Et si vous êtes un héritier Wendel, il y a fort à parier que vous connaissez déjà tout le contenu de cet ouvrage…
Lien : http://colimasson.over-blog...
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