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Critique de HundredDreams


Après le destin tragique de Samira dans « le mauvaise herbe », l'émouvante histoire à hauteur d'enfant de « Brindille », le suspense de son roman policier « le code », je retrouve Yves Montmartin avec son dernier livre, « Calixte ».
Je vous remercie Yves pour votre confiance une nouvelle fois renouvelée. Je peux vous avouer que je suis admirative des nombreuses facettes de votre talent d'écrivain et que je suis à chaque fois surprise par votre facilité à vous exprimer dans tous les genres littéraires.

Cette fois-ci, vous avez choisi d'emmener vos lecteurs sur l'île d'Haïti qui se classe parmi les pays les plus dangereux et les plus pauvres au monde et de raconter l'histoire de Calixte Fontaine.

Il m'a fallu quelques pages pour entrer dans l'histoire, pour me sentir à l'aise avec la narration au présent qui mélange fiction et non fiction. Ce choix de votre part de parler au présent est, je trouve, particulièrement astucieux car il permet, à mon sens, de lier le récit à la documentation associée. Il assène aussi une vision très réaliste de la vulnérabilité de la population haïtienne soumise à la dictature de la famille Duvalier entre 1957 et 1986, à la violence des Tontons Macoutes et des gangs.

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Calixte est né dans les années 80 dans la cité Simone de Port-au-Prince, un immense bidonville. Il vit dans un minuscule appartement avec ses parents, Toussaint Fontaine et Manman Olivette, sa petite soeur Daniya et sa grand-mère Ma'Umtiti.

Petit garçon vif et intelligent, Calixte rêve d'enseigner.
Le père Céleste le prend sous son aile, il croit en lui et surtout, il a la confiance de ses parents. Alors que son meilleur ami Gratitude travaille avec sa mère chaque jour au marché, la seule école primaire de la cité Simone, la maison bleue, devient sa seconde maison.

« le père Céleste dit qu'il faut toujours croire en ses rêves ... Dans la cité, on ne rêve pas trop. Tout le monde est préoccupé par le lendemain, et surtout savoir s'il aura assez de gourdes pour acheter de quoi nourrir sa famille. »

Avec Calixte, se dessine un monde sombre et sans avenir, où chacun s'use pour quelques misérables gourdes ; où chacun rêve d'un futur heureux, d'une vie agréable et douce dans laquelle les enfants pourraient jouer innocemment dans la rue et ne mouraient pas de sous-nutrition, par manque de soins médicaux ou faute d'un réseau d'assainissement correct.

« … notre île n'a aucun avenir, trop de misère, trop de corruption, trop de violence, et surtout un manque total de liberté. »

Mais avec Calixte, c'est aussi la beauté de l'enfance et la magie de l'innocence. Calixte s'émerveille de ce monde frémissant de vie, baigné de couleurs, de saveurs et de senteurs ; un monde bruyant, joyeux et chaleureux vibrant au rythme des fêtes et des traditions, des plats traditionnels, des chants et des tambours.

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Au-delà de l'histoire de Calixte, c'est un voyage dans le temps et dans l'Histoire d'Haïti. On découvre aussi la géographie de cette île autrefois magnifique, on pénètre au coeur des bidonvilles, on est invité à entrer à l'intérieur les Kabann de la cité et à partager l'intimité des foyers au rythme mélodieux des mots créoles.
Surnommée autrefois « la perle des Antilles », son beau visage a bien changé depuis sa découverte par Christophe Colomb. Il devait être bon d'y vivre ! Mais aujourd'hui, la déforestation a ravagé la terre, la laissant exsangue et stérile. La dictature et l'escalade de l'insécurité ont opprimé les hommes.

« La terre est comme lui, épuisée. L'érosion emporte peu à peu la mince couche de terre arable, la chair vivante, celle qui nourrit depuis toujours sa famille. »

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La cité Simone est un monde à part où règnent la misère et les privations : chacun y vit comme il peut au milieu de gangs qui ont pris la place d'un état défectueux. C'est la système de la débrouille dans cette sorte de no man's land où règnent la corruption et la répression, les violences urbaines, le trafic d'organes, les passages à tabac et les exécutions.

Pourtant, au coeur de cette misère et de cette violence quotidiennes, on sent poindre une douce lumière. L'émotion est présente dans la générosité, l'entraide et la bonté chez ceux qui n'ont quasiment rien.

« Un monde de vies invisibles, un assemblage hétéroclite d'abris de fortune, une architecture de la survie. Un mélange charnel où la discrimination n'a pas de place. Une précarité ciment d'une solidarité de tous les instants. Un toit qui s'envole et aussitôt des dizaines de bras qui viennent prêter main forte. Une semaine difficile faute de travail et voilà un sac de riz offert qu'on rendra quand on le pourra. »

Calixte vit dans cette ambiance de violence et de dénuement, d'insécurité et de peur, mais il veut s'en sortir et croit qu'un futur est possible. C'est un enfant courageux, gai, particulièrement sensible et attachant.
Un autre personnage m'a beaucoup plu, c'est celui du grand-père Charlemagne. Son esprit accompagne le récit tout du long en s'invitant dans les rêves des siens et les guidant de ses belles réflexions sur la vie.

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J'ai aimé ce voyage particulièrement riche et instructif, ce témoignage sensible d'une culture, d'une histoire, d'une époque.
Ce premier tome m'a littéralement transportée à Haïti dans les années 80. Son jeune héros Calixte est attachant, son récit empreint d'une profonde humanité. Il me tarde maintenant de poursuivre avec l'histoire de Victoire, sa fille.
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