Si l’amour tient tout entier dans les souvenirs, et si les souvenirs s’ancrent dans des lieux, alors l’amour s’enracine dans ces paysages.
Comme le disait Dostoïevski, « il faut aimer la vie plutôt que le sens de la vie « . Il nous faut aimer la vie par- dessus tout, et de cet amour naîtra peut-être un sens. Mais « si cet amour de la vie disparaît, rien ne peut nous consoler « .
Tuer par compassion est un acte immense. Lorsque je m’efforce d’en peser les conséquences, la démesure même de l’acte bouleverse l’équilibre fragile des avantages et des inconvénients, disperse tout argument, envoie toute autre considération valser au sol. Rien ne le justifie plus grand que la justice, c’est un acte de miséricorde, un acte d’amour. C’est une transgression impardonnable, comme l’aigle aux yeux persans, au bec à Siri qui déchire le foie immortel de Prométhée. C’est le plus grand des dons que l’on puisse faire, un témoignage d’amour prodigieux titanesque.
où les gens gagnent leur vie sans ramasser le gros lot où l’on est richissime quand on a de quoi vivre
Mais par un de ces revers ironiques qui raillent l'entreprise humaine, plus les hommes s'efforcent de contrôler la nature - en asséchant les zones humides, en brûlant les forêts, en rasant les montagnes, en bâtissant sur les prairies -, plus le climat se fait incontrôlable. A présent, si les hommes veulent des espaces sauvages, ils n'ont qu'à lever les yeux vers le ciel.
Ce lac est un chaos sonore, un orchestre de fous décidé à faire ses vocalises. Toute la nuit se passera en huées et jacasseries, soupirs et couinements. Un grèbe à cou noir surgit brusquement près du canoë. Il nous contemple d’un œil rougeoyant. Une aigrette de plumes dorées jaillit, étincelante, de part et d’autre de son front. Soudain, l’oiseau baisse la tête et lève un peu les ailes, menaçant. Veut-il prendre d’assaut le canoë ? Il nous observe à nouveau, baisse le bec, fait une galipette dans l’eau et s’enfuit. Une douzaine de harles battent l’eau de leurs ailes avant de s’envoler dans la nuit. Le ciel perd ses dernières lueurs jaunes. Enfin, le marais s’apaise.
Comme le disait Dostoïevski : « Il nous faut aimer la vie, plutôt que le sens de la vie. »
L’exultation ressentie devant l’orage n’est peut-être qu’une façon de rendre grâce d’être encore vivant, saint et sauf, d’avoir encore un chez-soi.
La frontière qui sépare la création de la destruction est ténue, et je ne devrais pas être surprise de découvrir la joie si proche de la crainte.
La tristesse est un lieu sacré.