Citations sur L'Utopie (164)
Chacun se complaît à ses propres idées, c'est la nature qui en a ainsi décidé. Le corbeau trouve ses petits charmants et la vue du jeune singe enchante ses parents.
Livre premier.
L'un est si austère qu'il n'admet aucune plaisanterie ; un autre a si peu d'esprit qu'il ne supporte aucun badinage. Il en est de si fermés à toute ironie qu'un persiflage les fait fuir, comme un homme mordu par un chien enragé quand il voit de l'eau.
En effet, votre Platon estime que les Etats n'ont chance d'être heureux que si les philosophes sont rois, ou si les rois se mettent à philosopher. Combien s'éloigne ce bonheur si les philosophes ne daignent même pas donner aux rois leurs avis?
Si quelqu’un est atteint d’une maladie incurable, ils cherchent à lui rendre la vie tolérable en l’assistant, en l’encourageant, en recourant à tous les médicaments capables d’adoucir ses souffrances. Mais lorsqu’à un mal sans espoir s’ajoutent des tortures perpétuelles, les prêtres et les magistrats viennent trouver le patient et lui exposent qu’il ne peut plus s’acquitter d’aucune des tâches de la vie, qu’il est à charge à lui-même et aux autres, qu’il survit à sa propre mort, qu’il n’est pas sage de nourrir plus longtemps le mal qui le dévore, qu’il ne doit pas reculer devant la mort […]. Ceux que ce discours persuade se laissent mourir de faim, ou bien sont endormis et se trouvent délivrés sans même avoir senti qu’il meurent. On ne supprime aucun malade sans son assentiment et on ne ralentit pas les soins à l’égard de celui qui le refuse.
Lorsque je me livre à ces pensées, je rends pleine justice à Platon, et je ne m’étonne plus qu’il ait dédaigné de faire des lois pour les peuples qui repoussent la communauté des biens. Ce grand génie avait aisément prévu que le seul moyen d’organiser le bonheur public, c’était l’application du principe de l’égalité. Or, l’égalité est, je crois, impossible, dans un État où la possession est solitaire et absolue; car ’chacun s’y autorise de divers titres et droits pour attirer à soi autant qu’il peut, et la richesse nationale,
quelque grande qu’elle soit, finit par tomber en la possession d’un petit nombre d’individus qui ne laissent aux autres qu’indigence et misère.
Alors, une discussion s’élève, la multiplicité et le conflit des opinions embrouillent une chose très claire en elle-même, la vérité est mise en question
Ainsi, ce qui devait faire la richesse de votre île en fera la misère, par l’avarice d’une poignée de misérables.
« Mais l’orgueil, passion féroce, reine et mère de toute plaie sociale, oppose une résistance invincible à cette conversion des peuples. L’orgueil ne mesure pas le bonheur sur le bien-être personnel, mais sur l’étendue des peines d’autrui. L’orgueil ne voudrait pas même devenir Dieu, s’il ne lui restait plus de malheureux à insulter et à traiter en esclaves, si le luxe de son bonheur ne devait plus être relevé par les angoisses de la misère, si l’étalage de ses richesses ne devait plus torturer l’indigence et allumer son désespoir. L’orgueil est un serpent d’enfer, qui s’est glissé dans le cœur des hommes, qui les aveugle par son venin, et qui les fait reculer loin du sentier d’une vie meilleure. Ce reptile s’attache de trop près à leurs chairs pour qu’on puisse facilement l’en arracher.
Chez l'homme en particulier, il existe une autre forme d'avarice, l'orgueil qui le porte à surpasser ses égaux en opulence et à les éblouir par l'étalage d'un riche superflu.
Les lois sont promulguées, disent les Utopiens, à seule fin que chacun soit averti de ses droits et de ses devoirs. Or, les subtilités de vos commentaires sont accessibles à peu de monde, et n’éclairent qu’une poignée de savants ; tandis qu’une loi nettement formulée, dont le sens n’est pas équivoque et se présente naturellement à l’esprit, est à la portée de tous.