Ce roman retrace avec beaucoup de justesse et d'humanité tous les écueils qui peuvent se mettre sur la route des migrants. À travers le périple de Daniel et Moussa, c'est toute l'inhumanité du système qui est mise au jour. Qu'il s'agisse des passeurs profiteurs, des gouvernements complices qui en profitent pour exploiter une main-d'oeuvre gratuite, des marchands de sommeil ou des délateurs, rien n'est épargné à ceux qui quittent leur pays en quête d'une vie meilleure et de sécurité. Bien sûr, dans la réalité, peu sont confrontés à tout ce que
Julien Moreau évoque. En revanche, certains vivent bien pire, puisqu'ils tombent entre les mains d'esclavagistes modernes, avant même d'avoir quitté le continent africain.
Dans un style épuré, proche du documentaire, l'auteur nous entraîne à la suite de ce père désespéré qui ne cesse de se heurter au mur érigé par l'Occident contre les migrants. Un mur formé de lois, de policiers, de règles, de délais administratifs, de refus de "l'autre", de méfiance, de haine... À tout instant, tout peut basculer et Daniel peut être renvoyé à la case départ, où l'attend une mort certaine.
L'atout majeur du roman est de ré-humaniser ces gens, de leur rendre une individualité trop souvent gommée par le flou du terme générique "les migrants". Il est tellement commode d'oublier que derrière ce mot se cachent des personnes, des êtres connaissant les mêmes rêves, les mêmes désirs, le même besoin de sécurité que tout un chacun. Avec une grande sensibilité et un militantisme à peine voilé,
Julien Moreau nous force à ouvrir grand les yeux sur ce que des dizaines de milliers de réfugiés subissent au quotidien, sur l'iniquité de la fracture Nord/Sud, sur le scandale des punitions et sanctions tombant sur ceux qui les aident.
Malgré tout, une certaine lumière règne entre les pages du roman, faite d'amour paternel, de tendresse, de volonté acharnée d'y arriver. Mais aussi portée par tous ceux qui n'hésitent pas à se mettre en danger pour remplir le devoir d'assistance qui incombe à tout être humain (comment ne pas penser à
Cédric Herrou en lisant ce livre ?).
Je regrette juste que certains passages soient un peu trop rapides, pas assez développés. Une concision sans doute due au métier de journalisme de l'auteur.