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Critique de Soune


«Décrivez la vie d'une famille californienne en 300 mots» : tel est le sujet du concours d'écriture auquel Clara, participe avec succès. La lauréate gagne un séjour linguistique en Californie pendant les vacances de Noël.
Pourquoi Clara a-t-elle participé ? Tout simplement parce qu'elle est sensible au sujet. Orpheline depuis l'âge de deux ans et demi, sa grand-mère a pris le relais de son éducation avant de décéder, elle aussi, quelques années plus tard. Triste ? Ce livre ne l'est en aucun cas.

Clara-Camille Caramel, notre héroïne, est obsédée par l'idée de retrouver une famille depuis le décès de sa grand-mère.
Alors lorsqu'elle apprend qu'elle a gagné un voyage aux Etats-Unis, Clara-Camille est ravie de cette opportunité de vivre dans une famille réelle. Sa correspondance échangée avec un certain Jeremiah la fait rêver. Elle fait jouer son imagination. Pour elle, vivre dans une famille américaine c'est :

«
1) Se faire adopter par une « famille
2) Des repas où l'on discute de tout.
3) Dormir dans un dortoir entre frères et soeurs qui se chamaillent, se font des blagues et s'aiment pour l'éternité.
4) Faire des randonnées avec des copains de mon « frère ».
5) Faire du shopping avec une des soeurs ou la mère.
6) Regarder les séries télé débiles, cercle familial réuni, en mangeant des chips et autres saletés délicieuses.
7) Aller au cinéma en bande et acheter une tonne de pop-corn.
8) Tomber amoureuse du garçon qui m'a écrit. »

Mais voilà…. Jérémiah se révèle être un homme âgé qui vit seul et construit des cabanes dans les arbres. Déçue, Clara-Camille compte repartir. Cependant, elle se ravise en se souvenant des propos que lui assénait sa grand-mère:
« Allons ! On n'est pas des dégonflées (…) On est fortes ».

Cette orpheline est obsédée par le désir d'avoir une famille. Souffrant de ce manque, elle se met en quête d'en avoir une Outre-atlantique. Selon elle, les « orphelins n'ont pas d'histoires. Nous grandissons dans une serre aux saisons artificielles. Nous ne sommes pas arrosés par des bisous au lit la nuit, ni par des contes de fées avant de nous coucher. Nous ne sommes pas nourris par des conflits avec nos parents, pas de rivalité entre frères et soeurs, pas de souvenirs de fêtes, pas de petit déjeune en famille ». Elle se sent privée de l'essentiel, c'est-à-dire « une mère ! Une pompon girl personnelle, là pour m'encourager et me soutenir. Une personne qui m'aurait toujours connue, même avant ma naissance, qui aurait toujours été là. Une continuité ».

Or, elle est perdue en arrivant aux Etats-Unis. Censée être hébergée par une famille américaine, seul un homme âgé l'accueille. Peut-être que ce dernier s'imagine être à lui tout seul une famille ? Elle se pose la question. Clara Camille doute de cette explication. Pour trouver la réponse, elle va devoir remettre en cause beaucoup d'idées sur la question.
Non loin de la maison, elle remarque un paon. « Serait-ce là enfin ma famille ? » se demande-t-elle. Puis, elle découvre les cabanes que construit son hôte et se prend à imaginer ces arbres comme faisant partie du lien filial qui lui manque tant:

« Je n'ai jamais embrassé un arbre et j'ai honte de le faire mais je me hisse sur une estrade et je mets mes bras autour d'un arbre. Et je suis contente».

Petit à Petit, elle se surprend à donner une toute autre définition à la notion de « famille ». Notre Clara a grandi. Son horizon s'est élargi. La famille telle qu'elle la connaissait ou telle qu'elle l'imaginait requiert différentes formes.

Clara-Camille est maintenant capable de définir le bonheur car il vient de franchir sa porte. le bonheur, dit-elle, « ce sont des moments où tout est parfait, et auxquels on ne changerait rien ». le bonheur, par exemple, c'est de voir Jérémiah sortir son violoncelle pour en jouer, c'est être capable de ressentir des liens d'affection pour quelqu'un et de lui dire « je t'aime », c'est échanger, c'est être ensemble, c'est créer des maisons, symbole du foyer familial… le bonheur, c'est une famille qui nous aide à surmonter les petits aléas de la vie en transmettant à la future génération les outils pour :
« toujours garder ton équilibre »
« une clef pour comprendre »
« une scie pour couper l'inutile »
« des tenailles pour arracher la vérité »
« un pinceau pour vernir ton monde »
« un mètre pour mesurer l'important »
« une lampe de poche pour éclairer ton chemin »
« une équerre pour vérifier que tu es droit et carré »
« un marteau…pour marteler la liberté »


J'ai lu ce livre d'une traite tant la rencontre de Clara-Camille avec Jeremiah, qui s'annonçait au départ comme une catastrophe, a finalement avivé mon intérêt. Je me suis laissée bercée par l'humour et les émotions que laisse transparaître l'auteur, ingrédients que j'avais également adoré trouver dans son autre Lettres d'amour de 0 à 10. Malgré les situations parfois difficiles que peut connaître tout orphelin, voici un livre où les réflexions justes et existentielles se font naturellement, si tant est qu'on se laisse emporter par l'histoire saugrenue. L'histoire racontée ici n'est en aucun semblable à la réalité effectivement. Avez-vous déjà vu une école, pension unique pour orphelins aussi parfaite que celle de Clara, où le luxe règne et où les meubles ressemblent à des pièces de musée ?

L'histoire relève davantage selon moi d'une fable visant à réapprendre ce qu'est l'essentiel à ses lecteurs. Cette histoire n'est pas sans rappeler le Baron perché d'Italo Calvino, roman pour adultes. Tout deux mettent en avant le chemin parcouru pour se rapprocher le plus possible de la liberté.

Côme, héros du Baron perché, décide de loger dans les arbres, après avoir fui l'autorité. Lui est en quête de liberté. Clara-Camille, quant à elle, trouve refuge quelques temps dans une cabane installée dans un arbre après avoir fui un chagrin qu'elle a du mal à supporter et trouver un remède à sa souffrance. Les arbres peuvent peut être y remédier, devenant pour elle les « frères et les soeurs » tant attendus… Tous deux vivent leurs peines dans les arbres avant de connaître le bonheur. L'arbre joue ici le rôle symbolique de médiateur permettant de retrouver sa propre identité. L'arbre supplante la mère perdue, la Mère Nature, en accueillant et en calmant les personnages des deux romans mentionnés ci-dessus. L'arbre est du reste souvent représenté dans les contes comme étant le lieu nécessaire pour qui veut se retrouver et grandir. Il faut souvent suivre son chemin dans sa propre forêt intérieure, en acceptant de connaître les temps de solitude et apprendre à vivre dans notre forêt inquiétante, pour découvrir nos propres pouvoirs. Loin du superflu, on atteint alors plus facilement notre potentiel.

Ainsi, Clara-Camille refuse au départ de vivre la solitude qu'elle découvre pour la première fois au côté de Jérémiah. Mais lisez donc le livre…. Vous verrez que cette solitude vécue au départ comme une souffrance se révèle au final comme nécessaire.
Les contes fourmillent d'exemples semblables où les arbres jouent un rôle nécessaire pour celui qui est en quête d'identité. Les contes, mais aussi les religions…

Je conseille à tous la lecture du Baron Perché que j'ai lu début 2013 mais qu'il m'a été impossible de chroniquer tant les émotions affluaient. Je remercie à ce titre la personne qui me l'a si gentiment offert pour mon anniversaire. Merci à toi pour ce merveilleux moment !

Quant au livre de Morgenstern, inutile de dire que ce livre se lit avec grand plaisir. Il y est question, d'amour, de joie, d'amitié, de famille… L'écriture y est douce et délicieuse. Ce fut un vrai coup de coeur pour ma part.
Lien : http://aupetitbonheurlapage...
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