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Citations sur Dans la maison qui recule (14)

Entends-tu au-dessus de ta tête, provenant des combles, sous les toits,
ce bruit minuscule, métallique et intermittent,
comme de quelqu'un qui remonterait sans se lasser le même ressort de la même montre ?
Ce sont des larves qui le produisent – les Latins disaient aussi Lémures –,
aveugles et invisibles,
dans l'épaisseur des poutres de chêne du Château,
qui un jour nous tomberont sur la tête d'un coup,
au milieu d'un flot de poussière brune,
et nous enseveliront.

Ces larves ne sont que la forme obscure d'insectes magnifiques
qui volent à la fin de l'été, au crépuscule,
toutes antennes déployées,
et que les anciens appelaient "boucs volants", et nous capricornes.

Mais les gens d'ici, amateurs d'exactes métaphores,
ont donné à ces larves un nom plus chargé de poésie et d'effroi :
HORLOGES DE LA MORT,
parce que ces spectres affamés qui grignotent sans trêve représentent,
pour ceux qui savent entendre ce qui passe et se passe
au revers des superficielles écailles de la vie,
l'omniprésente destruction qui s'avance.

Note bien cela, ma chérie,
l'un d'entre nous mourra bientôt.
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Dans la cheminée, le feu brûle à nouveau, haut et clair.
On n'entend plus le vent.
On n'entend plus la neige.
L'atmosphère est comme fourrée de fumets et de vins.
On parle chacun pour soi, sans vraiment savoir ce qu'on dit,
sans écouter les réponses.
Il en résulte une rumeur de fond, très dense, mais douce,
sur laquelle s'enlève parfois le trille isolé d'un rire.
Une rumeur qui endort comme un philtre.

Au revers de tout cela, patient et calme,
le cancer maille son réseau.
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Immensément calme, la nuit, à mi-course, leste le Château
et l'assure sur son ancre.
Dans la cheminée, la souche d'un châtaignier,
ravinée en tous sens par d'antiques pluies,
se consume.
Quelque chose dans l'air, d'obsédant et de concret,
s'installe et pèse.
Il est toujours exagéré de parler de bonheur.
Mieux vaut peut-être dire que la peine, provisoirement, est déconfite.
La nuisance, décomposée.
Pas pour longtemps.
Toujours, sous la surface des choses, polie, trop polie pour être honnête
(le scribat porte à la philosophie),
et tandis que tout semble s'être immobilisé pour le répit,
pour le repos,
les puissances indésirables veillent et les cellules invisibles du cancer s'assemblent,
à petit bruit se nourrissant de chair paisible,
discrètes d'abord, comme la guerre,
qui a tant besoin, pour se préparer à l'aise,
des longues accalmies de la paix.
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Aujourd'hui que j'ai abandonné cette communauté mesquine où chacun,
tout en oeuvrant pour soi,
veut laisser croire qu'il se préoccupe des autres,
où, le pouvoir réel étant nul, et la considération sociale –
qui ne s'attache qu'à l'argent gagné ou volé –
guère plus haute que celle accordée aux éboueurs,
les luttes sont d'autant plus sordides pour en grappiller quelques miettes misérables,
je ne vous cache pas, mes chers amis,
qu'il m'arrive de me sentir conjointement libéré et orphelin.
Le fumier tient chaud,
toutes les vaches civilisées vous le diront.
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Eussiez-vous le droit de parcourir nos galeries et nos chambres,
nos salles communes, nos cours et nos serres – ce qu'au Saint ne plaise ! –,
vous y trouveriez mille occasions de déplorer nos goûts baroques,
et l'appétit de changement qui nous dévore,
mais jamais la beauté sotte,
dont la Femme Hélique dit que c'est une invention de mâle sot.

Le Saint va plus loin :
antinomiques, affirme-t-il, sont et ont de tout temps été
les beautés telles qu'elles doivent être entendues,
et l'état prolongé de gourderie.

C'est condamner les neuf dixièmes des belles professionnelles,
nous le savons tous,
mais avec un minimum d'entraînement de ce type,
il devient très difficile de regarder plus de quelques secondes une prétendue belle
qui est une vraie sotte.

Dans l'Amour plus que nulle part ailleurs, l'andouille est un plat rédhibitoire.
Il n'y a pas d'intelligence du lit, il y a l'intelligence tout court.
Crains l'idiote comme le feu, et toi jeune fille
fuis en tout lieu l'idiot, si tu ne veux pas manquer le plaisir,
qui est la seule fête de la vie.
De même qu'un garçon-boucher sous drogue fera des rêves de garçon-boucher
(c'est une citation, le scribat mène aux livres),
de même l'éphèbe niais, la belle crétine – méfie-toi, ils sont légion –
feront de ta couche un cimetière des orgasmes,
un champ d'exploits mornes, au mieux une garenne triste.

Courtipliane, qui s'est imposée à nous un certain matin,
ayant balancé son mari flasque, le résume d'un mot :
"Je baise mieux quand je pense", dit-elle.
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Au gui l'an neuf !
Tous les ans neufs !
Le Château n'a pas de calendrier.
Je tiens un journal de bord, pour le compte et sous l'autorité du Saint,
mais il est sans date, vous l'aurez remarqué.
Rien ne change définitivement ici, nous y veillons, bien que souvent tout évolue.
Les événements n'ont pas d'avenir.
Au sens strict, ils se déroulent, comme un film phénakistiscope,
qui tourne en rond.
Aussi ne vieillissons-nous guère, ou peut-être pas du tout,
sauf ceux qui n'ont pas parmi nous leur place.

Seul Rubbe dit que c'est un leurre, car il croit au temps,
mais Rubbe affirme en souriant tout et son contraire.
Quant au Saint, naturellement, il ne connaît qu'un sens unique,
celui de l'éternité.
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La première histoire te concerne personnellement, elle est impressionnante :
en cet instant même, depuis des millions d'années, pour des millions d'années encore,
notre vieille terre,
et nous les microbes qui sommes dessus,
et le système solaire, ce mouchoir de poche,
et la Galaxie tout entière, avec ses milliards de systèmes, d'étoiles et de planètes,
et les millions de milliards de microbes qui se traînent à leur surface,
dans leur merde, sois-en sûre, tout comme ici, et dans l'infamie,
SE PRÉCIPITENT A CORPS PERDU,
à leur corps défendant peut-être, s'ils savaient,
dans l'ignorance en fait, comme autant de moutons,
VERS L'AMAS DE LA VIERGE,
et cette information, à elle seule, si elle est méditée et comprise,
si elle est éprouvée, comme il se doit, par chacune des fibres de ton être,
a plus d'importance que toutes les nouvelles lamentables qui nous parviennent,
que nous avons pris la sotte habitude d'appeler "la réalité".
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Un petit jour glauque comme une glaire tarde à s'égoutter
par les chas trop étroits des croisées.
Déjà la nuit a cédé, protectrice,
mais la lumière ne sourd jusqu'ici qu'incertaine, pourrie de neige.
Saturne, invisible pourtant, court les espaces sans lune.
Rubbe le sait de toute éternité,
qui a remisé ses documents, ses instruments.
Sommeil, matin, heure perdue.

Dans la grand-salle, le feu est à nouveau presque éteint.
Sa structure étincelante de palais des mirages a lentement faibli
aux points où se rejoignent les piliers noirs des chenets
et les nervures délicates des brandons entrelacés,
longtemps rouge sombre,
maintenant affaissées comme une nef détruite, et couleur cendre.
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Les deux hommes repartent aussitôt, laissant derrière eux la chaleur et la lumière.
C'est comme si la nuit se hâtait avec eux.
Tout semble aller vite, maintenant : l'ivresse, la parole,
mais celle-ci se brise à tout instant,
sur des questions que personne n'entend,
sur des réponses élaborées,
mais qui ne répondent à rien et roulent comme les perles d'un collier défait.
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Unis, malgré leur tendance à la confusion mentale
– d'ailleurs rela-tive, car sont-ils plus sûrs de leur pensée quand ils sont sobres ? –,
par l'évidente fraternité des délires collectifs,
les buveurs entrecroisent désormais leurs répliques,
en ce moment glacé de la nuit qui roule lentement vers le jour.
Le scribe s'efface,
le sténographe transcrit comme il le peut les propos qui de l'un à l'autre fusent et se tissent,
réalisant dans l'air épais un pont aérien de mots,
faits des fibrilles, des broutilles, des coquilles du langage,
et qui flotte comme une passerelle de lianes et se balance [...]
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