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Critique de enjie77


« Un beau jour, tu ne veux plus rien conserver pour toi-même, tu n'attends plus de la vie ni bien-être, ni apaisement, ni satisfaction, mais tu aspires à exister pleinement quitte à en mourir …..Alors ce jour là, tu éprouves le désir de connaître une passion dévorante. »

J'éprouve toujours la sensation de pénétrer à pas feutrés dans un roman de Sandor Marai. Lecture tout en contraste de deux confessions ; J'ai quitté Imma Monso qui est une auteure d'aujourd'hui, une battante et me voilà dans cette ambiance slave envoûtante, mélancolique, nostalgique avec en mains, ce roman exigeant, qui demande une lecture attentive.

Sandor Marai me convie, de son écriture élégante, à un plongeon dans l'âme humaine. Me voilà installée dans un salon de thé à Budapest, le café « Gerbeaud » sans aucun doute. L'auteur invite son lecteur à prendre place au milieu de son récit et à recevoir les confidences des trois intervenants : Ilonka, première épouse de Peter, Peter, et Judit, domestique chez les parents de ce dernier qui deviendra sa seconde épouse.

Sur un sujet somme toute banal, Sandor Marai nous offre l'histoire de la décomposition d'un mariage mais aussi de la décomposition d'un pays envahi, torturé, meurtri. C'est ce qui en fait aussi un témoignage de grande valeur : une étude de cette société hongroise de l'entre deux-guerres, celle d'Horthy mais aussi celle de l'après guerre sous le joug des communistes. Il parvient à embrassé plusieurs thèmes, celui de la Hongrie comme celui de l'intime, ou celui de l'écrivain désenchanté, amer, le grand ami Lazar de Peter.

Ce qui m'a le plus troublée, ce sont les confidences de Peter. A bien l'écouter, j'ai perçu dans l'écriture plutôt les méditations de l'auteur, je devenais dépositaire d'une part de son intimité. C'est amer, morose, mélancolique. Héritier lui-même de la grande bourgeoisie, je l'ai senti portant comme un fardeau les convenances de cette classe sociale pendant l'entre deux-guerres, avec ses codes, les usages en vigueur régissant les rapports aux autres classes sociales. Et en même temps, à travers les réflexions et le désenchantement de l'ami Lazar, la fin d'une certaine culture, d'un mode de vie. Peter évoque son questionnement sur le sens de la vie, sur la solitude, sur les femmes. Il décrit les sentiments humains avec subtilité, profondeur. A travers la question essentielle de Peter : peut-on se mentir à soi-même longtemps sans risque, nager à contre courant de ses propres aspirations, préserver les apparences, l'auteur ne se pose-t-il pas une question existentielle comme il pose la question de l'amour entre deux personnes issues d'un milieu différent.

Dans cette atmosphère d'une époque révolue propice aux confidences mezza voce, IIanka et Judit se sont épanchées. Elles ont parlé de leur vie sous le prisme individuelle de chacune mais j'ai reçu leur histoire avec plus de distance. IIanka, honnête, amoureuse, cultivée mais trahie et Judit, qui va intriguer auprès de Peter dès qu'elle comprend qu'elle suscite l'émoi chez celui-ci, réglant ainsi ses comptes avec une classe sociale qu'elle déteste, ce sera sa lutte des classes.

J'ai retenu la confession, le questionnement de Peter, et l'Histoire de la Hongrie qui est un déchirement pour l'auteur, j'ai ressenti sa détresse, c'est poignant et je me réjouis de ne pas avoir vécu sous de tels cieux. le récit démarre pendant l'entre deux guerres pour se prolonger jusqu'en 1979. Si j'ai bien compris, il y a deux romans en un seul, l'un paru en 1941 et l'autre qui sera terminé à San Diégo en 1979.

« Moi, je l'ai écoutée sans piper, jusqu'à l'aube. Ce qu'elle m'a raconté, on aurait dit un polar…. Elle m'a parlé de la vie chez les riches. »


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