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Citations sur Cœur tambour (30)

Certains dirigeants hutu considéraient les jeunes filles tutsi comme des prises de guerre à la disposition des vainqueurs de la « révolution sociale ». Ils allaient faire leur marché dans les familles tutsi qu’on soumettait à toutes sortes de menaces si elles ne leur livraient pas les filles convoitées. C’était encore curieusement une source de prestige pour un notable hutu que d’épouser une Tutsi : on pouvait l’exhiber comme un trophée
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À partir de la troisième, toutes les élèves se déclaraient amoureuses d’un de leurs professeurs européens. Les tactiques de séduction étaient naïves mais les proies faciles. Il s’agissait, dans la plupart des cas, de jeunes coopérants français qui, à ce qu’on disait, étaient venus faire leur service militaire en Afrique. On ne comprenait pas bien ce qu’il y avait de militaire à enseigner le français ou les maths mais ces jeunes gens, un peu étonnés de leur succès, n’entendaient aucunement résister aux avances non équivoques dont ils étaient les cibles. La compétition était rude entre les filles les plus hardies, et que l’une d’elles l’emporte sur toutes ses rivales suscitait à la fois l’admiration et la rancune tenace des déçues. Dissimulée sous des démonstrations intempestives d’amitié, la violence de la jalousie allait parfois jusqu’à des tentatives d’envoûtement auxquelles on me demandait discrètement de procéder.
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Papa me paraissait très grand, peut-être pas le plus grand de notre colline, mais une fille respectueuse ne se risque pas à comparer la taille de son père à celle des autres hommes. Un père est toujours le plus grand. Il paraissait maigre mais il était vigoureux. C’était un marcheur infatigable. Il avait les jambes bien droites, sans le vilain renflement du mollet que les Rwandais jugent disgracieux. Il avait parcouru en tous sens le Rwanda, son bâton de berger posé en travers de ses épaules.
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Les premières règles d’une adolescente sont toujours un moment périlleux, non seulement pour elle-même, mais pour toute sa famille. Le sang menstruel fait en effet l’objet de toutes les convoitises de ceux qui cherchent à vous nuire : vos ennemis de toujours, vos voisins jaloux, les pervers qui font le mal pour le mal, les empoisonneurs de profession, les sorciers – et surtout les sorcières – tenteront de s’emparer de la moindre trace pour confectionner leurs philtres maléfiques qui rendront stérile à jamais celle qui est devenue femme, et ses sœurs présentes et à venir répandront la peste sur votre troupeau, feront peu à peu dépérir vos fils, amoncelleront sur vous et les vôtres tous les malheurs que vous n’auriez pu imaginer.
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Une fille a toujours quelque chose à faire : balayer la cour, écosser les haricots, chercher du petit bois pour le foyer, tisser des nattes et des paniers, aider sa mère à cultiver, la remplacer auprès du dernier-né… Maman brandissait la plus terrible des menaces : « Prisca, ma fille, tu ne trouveras jamais à te marier, qui voudra de toi si l’on sait, et on le sait déjà, que tu n’es pas capable de tenir ton enclos. Mais qu’est-ce que nous allons faire de toi ? »
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Une petite fille solitaire et rêveuse, cela n’existe pas au Rwanda. Je me demande même si les mots « solitaire et rêveuse », surtout pour qualifier une petite fille, existent bien en kinyarwanda. C’est dans la bibliothèque du lycée ou dans celle du centre culturel français et plus encore dans les romans que je me procurais auprès des revendeurs de livres du marché que j’ai découvert à quelle catégorie de petites filles inconnues au Rwanda j’appartenais : celle des petites filles solitaires et rêveuses.
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Ce qui nous causait tant d’appréhension à traverser le marais, ce n’étaient pas les hippopotames qui ne sortent du lac qu’au crépuscule à cause de leur peau plus fragile que celle des Blancs, ce n’étaient pas non plus les crocodiles qui ne s’y aventurent jamais, ce n’était pas bien sûr la petite antilope peureuse qui y a trouvé refuge, non, c’était Nyabingui, une très vieille femme qui avait sa hutte, plus misérable que celle des Batwa, au début du sentier, à l’orée du marais, cachée derrière un rideau de papyrus. Elle était vêtue, comme les Rwandaises d’autrefois, d’une tunique faite d’étoffe d’écorce de ficus que la boue du marais avait teinte en gris et que zébraient des rayures noires. Elle marchait toute voûtée mais, quand par malheur nous la croisions – ce qu’il fallait à tout prix éviter – et qu’elle levait pour nous regarder son visage décharné, nous ne pouvions supporter l’éclat de son regard qui, si nous le soutenions, risquait, nous semblait-il, de nous pétrifier comme l’éblouissement mortel de la foudre, ou pire encore de nous transformer en lézard.
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Les mères de famille ont tant d’autres choses à faire, et, surtout, il serait déshonorant pour elles d’aller elles-mêmes chercher de l’eau : à quoi serviraient les enfants, je veux dire les filles, si elles n’allaient pas chercher de l’eau ?
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Chez nous, avant son mariage, une jeune fille ne doit pas dormir seule. Avec elle, il y a toujours une petite sœur, une nièce et, s’il le faut, on ira demander une de ses filles à la voisine comme compagne de nuit. Il suffit qu’elle aime à bavarder, à plaisanter, à raconter et à écouter des histoires jusqu’à ce que toutes les deux tombent de sommeil.
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Ce n’est pas moi qui ai décidé d’être rwandais ou ougandais, ça s’est passé il y a longtemps, je ne sais où en Europe, des blancs à gros ventre et à moustache avec leur gros cigares, à la fin d’un grand repas, des diplomates ont dit au maitre d’hôtel qui était un Noir :’’Firmin, apporte le dessert, il y a un bon gâteau qui s’appelle Afrique, on s’est mis à table pour se le partager, chacun en aura sa part, une grosse pour les Anglais, une autre pour les Français, et les Allemands et les Portugais auront la leur, on ne les oublie pas, et laissez-en pour Léopold qui en veut aussi’’. Alors ils ont envoyé en Afrique des commissaires, des officiers, des topographes, des géomètres, des arpenteurs avec leurs askaris et les tirailleurs et les King’s African Rifles, et beaucoup de Noir pour porter sur la tête le matériel des et les poteaux frontières. ET ils ont planté les poteaux où ils ont voulu : à gauche, c’est pour les Allemands, à droite c’est pour les Anglais, et mon grand-père a dit : ‘’Mes vaches, en face sur la colline, c’est chez les Allemands, ici, dans mon enclos, je suis chez les Anglais’’
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