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Critique de Acerola13


Avec l'adaptation au cinéma de son roman Notre-Dame du Nil et la sortie de Kibogo est monté au ciel, Scholastique Mukasonga commençait à me faire de l'oeil...et j'ai fini par craquer vers la fin du confinement, pour soutenir une librairie pas très loin de chez moi.

J'ai été assez surprise au début de Notre-Dame du Nil, que j'ai trouvé très décousu : on tombe souvent dans le registre du conte, puis l'on passe à une description de lieux qu'on situe difficilement dans le temps, puis s'ensuivent des dialogues et des points de vue divers de personnages que l'on a pas encore eu le temps de bien identifier...On comprend que l'action se situe au lycée Notre-Dame du Nil, dans les années 60-70 dans un Rwanda miné par les oppositions : celle de la haute société, de "l'élite féminine" instruite plus par effet de mode que par considération pour les femmes, et des autres illettrés, celle des croyances ancestrales et de la religion catholique, et celle évidemment entre Tutsis et Hutus...

Une fois cette introduction passée, s'ensuit une sorte de défilé d'actes qui met en scène les jeunes élèves du lycée : parade des voitures de luxe qui déposent les terminales devant le bâtiment lors de la rentrée, visites secrète à un vieux caféier obnubilé par les origines soit-disant éthiopiennes des Tutsis auxquels il voue un culte, découverte des gorilles rwandais qui seraient dérangés par leurs compatriotes, aux dires d'une "femme blanche", frasques amoureuses de la jeune Frida, avenir radieux de suivante de Godeline, chambardement pour préparer la visite de la reine De Belgique et plan machiavélique pour "détutsiser" la statue de la Vierge au nez par trop tutsi...

Un gros fouillis qui rassemble les rêves et les espérances de jeunes filles qui ne mesurent guère les conséquences de leurs actes, et qui, si elles semblent demeurer en huis-clos à l'intérieur de l'enceinte du lycée, n'échappent pourtant pas aux dangers qui les guettent : grossesse inavouable, regards concupiscents de l'aumônier qui profite du vivier de jeunes filles ou haine entre ethnies décomplexée.

Mon avis final est mitigé, le rythme est lent, l'écriture naïve et sans fil conducteur...et pourtant, l'auteur excelle en distillation de remarques et anecdotes qui révèlent la mise au ban des Tutsis dès les années 60, le lourd héritage colonial belge, l'impuissance et la profonde hypocrisie des soeurs bigotes et des professeurs étrangers qui ferment les yeux sur les menaces qui grondent, ou encore l'obsession toute européenne de classifier les ethnies en fonction de leur physique, de leurs origines, de leurs croyances.

Les derniers chapitres m'ont complètement bouleversée par leur violence prévisible mais à laquelle on ne voulait pas croire, et qui montrent comment des jeunes filles éduquées et élevées au sein d'une communauté religieuse prônant l'amour du prochain et le pardon peuvent se transformer, sous couvert de zèle politique, en instigatrices d'un pogrom envers leurs camarades tutsies.

Et j'ai été tellement choquée de cette fin que j'ai couru dès le lendemain acheter la femme aux pieds nus et Inyenzi ou les Cafards, pour tenter de comprendre, d'en savoir plus sur ce génocide impardonnable et pourtant si prévisible, presque attendu.
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