AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Manger Bambi (63)

Des greffes, en plastique carmin. Ou des griffes. Plantées au bout des doigts d'un joli petit rongeur à gueule d'enfant plâtrée. Et maintenant qu'il manque celle de l'index droit, elle soupire. Devant elle, le homard intact et la blonde qui lui dit qu'on a envie de lui mettre des sparadraps partout sur les doigts et les mains. Mais l'autre reprend : "Un rien les fait jarter. De toute façon, pour toi, c'est la carte de l'étudiante en galère qui est gagnante, la femme fatale t'oublies, ça prendra jamais, t'as trop pas le profil. Écoute, mon frère, ces mecs-là ils veulent pas d'embrouilles. C'est pour ça qu'ils sortent le biff, pour pas être emmerdés. Ils raquent pour avoir ce qu'ils veulent, quand ils veulent et aussi longtemps qu'ils veulent. Et c'est des putains de divas. Si t'as l'air trop chtarbée ou trop mystique, ils se gênent pas, ils se barrent."
Commenter  J’apprécie          3912
Elle prend en main le Sig Sauer. Marche dans le living, pareille qu'un animal errant et traqué, et c'est comme ça qu'on meurt, elle pense. Comme si on en mourait. Comme si on mourait de mourir. Comme si on pouvait mourir de rage, n'importe quoi. Elle veut se cogner la tête une nouvelle fois, mais ça ne va pas fort, pas fort avec sa tête qui vacille, ses mains qui tremblent, la mollesse l'a gagnée de partout et elle est maintenant incapable de se taper, ni de jeter quoi que ce soit contre les murs, ni elle-même ni rien. Elle sort dans le jardin, erre dans le froid, comme si quelque chose allait apparaître, comme si elle allait rencontrer qui que ce soit, ici maintenant. Le froid est partout sauf dans sa tête, chaude à la peau, et qui cogne, cogne toute seule, pleine du battement de son coeur. Ça fait boum boum boum boum avec une douleur perçante. Devant elle, le mur très haut du jardin, un mur d'immeuble à dix étages, qui avale le peu de lumière du matin. De la brique crue, moisie, rouge et noire et verte. Et l'arbre, qui a poussé tout en hauteur, un acacia. Elle lève les yeux, les branches remuent, hypnotiques. Dans son ventre, tout s'est rétracté, rétréci, serré. Les pépiements d'oiseaux la transpercent pire que des aiguilles. Plusieurs pigeons dans l'arbre, qui s'en foutent de la faire souffrir.
Commenter  J’apprécie          3511
Il est photographe, à ses heures perdues. Bambi hoche la tête d'un air complice. La discussion s'engage comme ça, autour de la photographie et de la peau de Bambi qui prend si bien la lumière. Or Bambi le sait parfaitement, le plâtras dont elle est enduite ne laisse pas passer la lumière, ni même la peau ; son visage cache son visage et là où elle est, il fait noir, il n'y a rien à voir. L'homme, de type méridional, fait le mystérieux quant à ses origines, dit qu'il a beaucoup voyagé pour les affaires. Bambi boit ses paroles, en goûte l'odeur aigre sans reculer. Elle a dans ses regards quelque chose de pressant, comme une urgence. Comme si elle avait besoin d'argent, par exemple. Sauf qu'elle s'en fout de l'argent. Elle a juste besoin de tuer l'angoisse, besoin de se retrouver, de reprendre le dessus. Là elle étouffe, là elle ne se reconnaît plus. Si elle met minable ce mec, tout ira mieux. Quelques verres plus tard, il veut lui montrer son studio photo. Bambi n'hésite pas, elle n'attendait que ça. De son portefeuille, il sort plus de pièces que de billets et donne le compte juste, la voiture n'est pas loin...
Commenter  J’apprécie          359
La carapace résiste à la pince, aux doigts, aux ongles, émet des craquements. La ravissante casse en deux sa moitié de homard et mord dedans :
- Sérieux, on va juste se ruiner les dents là. Quelle arnaque.
- Ton idée. Y avait aussi des burgers et des pâtes.
- T'as trop raison. Encore un truc de bourge. C'est stylé de raquer pour pas dîner. C'est trop la classe de rien bouffer. En vrai, on aurait dû prendre un burger. Le homard je sais pas faire.
- Mais attends attends ! Le boloss ! Il peut nous faire les explications.
- Il peut pas. Le bâillon.
Elles se tournent toutes les deux vers le lit.

Sur le lit, il y a un homme, le visage déformé par un bâillon-boule. Il est allongé sur le dos, les mains attachées au cadre par des menottes roses, ses jambes aux pieds du lit avec du gros scotch de bricolage. Il a le pantalon aux chevilles et le sexe mort. Contraste indécent avec sa chemise blanche et froissée en mille morceaux, son pantalon de costume noir, en accordéon ; c'était, il y a quelques heures, un financier qui sortait d'une journée de travail très bien payée. C'est maintenant un gros animal terrorisé. Sa peau est bien remplie. Il est replet, rebondi même, presque féminin. Tout de lui déborde : les yeux, le visage, la chair, et rien ne tient debout. Le couvre-lit moins rouge et moins fluide que son visage prêt à exploser. Ses yeux crachent des larmes. Un tremblement irrégulier secoue son corps tout entier.
Commenter  J’apprécie          3013
Elle se regarde dans son Samsung. Son œil au noir apparaît. Son visage change, se charge. Elle semble blessée, effrayée, perdue.
Commenter  J’apprécie          240
Avant de rentrer dans la maison, elle tâte son gun calé dans sa poche intérieure, ouvre la porte, s'engage. Se fige, attentive aux bruits. Rien, que l'habituel bruit blanc de la télé. Ce soir encore, Nounours n'est pas là. Pas dans le salon, ni à dormir ni à attendre. Maman non plus. A l'étage ? En apnée et les pieds en pointe, Bambi monte. Ces connes de marche couinent quoi qu'on fasse. Quand Nounours dormait là-haut, il ronflait et grondait, menaçait jusque dans son sommeil, un volcan de gras en ébullition. Le ronflement qu'elle distingue est celui de maman, beaucoup plus léger, un peu grinçant. Et il n'y a personne avec elle, c'est sûr. Dans la chambre, une odeur aigre, vinasse tournée, haleine malade. Elle s'approche du lit et du petit tas de femme qui, dans sa position tordue, peine à respirer. Bambi la bouge doucement, replie ses jambes, la dispose en chien de fusil. Maman est légère, comme Bambi, mais quand elle dort, ses os maigres semblent coulés dans le plombe et Bambi galère, tant le sommeil la rend rticente. Elle la couvre. Redresse la bouteille renversée à côté du lit. Va chercher un verre d'eau dans la salle de bains et le pose sur la table de nuit, avec deux aspirines à côté.
Commenter  J’apprécie          160
Gueule consumée, peau mal rasée comme barbouillée de cendres, des joues qui pendent. Il sent l’alcool. Paumé dans un endroit pas pour lui, il a vraiment tout du pauvre type. Des fringues façon classique, mais classique cheap. Sans son haleine avinée qui couvre tout, il sentirait l’usure, le râpé, le fond de tiroir et la friperie. Il a l’âge des porcs en crise. Bambi trouve que c’est une pitié, ce vicieux précaire qui, dans un monde idéal, aurait des thunes pour raquer des restos stylés à de jolies loutes trop jeunes comme elle. D’avance, elle sait qu’il n’y aura pas de resto, tout au plus paiera-t-il sa coupe, et ce n’est même pas sûr.
Commenter  J’apprécie          130
- Raconte-moi, alors, ton beau-père.
- Il m'a bousillée ce con.
Leïla se marre :
- Grosse, tu dis toujours ça, que tout le monde te bousille, la tassepé d'hier, le dirlo, le Libanais, les keumés à ta mère.
- Toi tu me bousilles pas, maman non plus. A part ça, la life me bousille, ouais, la vie est une pute et on n'a même pas les thunes pour l'acheter.
L'argument est imparable, Leïla hoche la tête.
Commenter  J’apprécie          130
Il comprend. Il est en face d'une affabulatrice. Comprend que ce n'est même pas la peine. Ces filles-là gagnent toujours. Si elle dépose plainte, c'est fichu pour lui. Tout le monde gobera, en rajoutera, en redemandera, enjolivera au besoin, même la Fichard se fera un plaisir. Toute tentative de se défendre ne pourra qu'aggraver son cas. Et quoi qu'il arrive, ce sera le licenciement pour faute grave ou, au mieux, la retraite anticipée.
Commenter  J’apprécie          120
A part ça, la life me bousille, ouais, la vie est une pute et on a même pas les thunes pour l'acheter.
Commenter  J’apprécie          120






    Lecteurs (384) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

    Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

    seul
    profond
    terrible
    intense

    20 questions
    2874 lecteurs ont répondu
    Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

    {* *}