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Critique de afriqueah



Juillet 1969, souvenez-vous, atterrissage sur la Mer de la Tranquillité de la Lune.
Dans un petit village andalou, Magina, près de Jaen, là où seul un riche possède la télévision, l'écran s'emplit de neige précédant les images du « voyage » et le Caudillo , vieux et malade, conclut. le possesseur de la télé , vieux et riche, acclame « Viva Franco ! » et tous se taisent, de peur qu'à travers l'écran on ne repère les opposants.
La différence entre pauvres et riches est une affaire d'odeurs : dans la maison de l'adolescent qui parle, il sent le feu de bois et le purin, auprès du puits, au jasmin et géraniums. Dans la maison de sa tante, il sent le savon, le parfum, et le pain frais quand il se love près d'elle. Dans la maison de son oncle, qui a réussi et est soudeur, ça sent la brillantine et le mazout.
Dans la maison du riche agonisant, qui auparavant sentait l'abondance de la richesse, se sont substituées l'odeur de sueur, d'urine et de mort, de patates pourries et d'animal blessé.
Chez lui, il n'y a pas l'eau courante, des carrés de papier journal sont attachés par une ficelle, près des WC, et l'eau du puits tient compte de chasse d'eau.

Et les américains vont sur la Lune. Rien ne dit qu'ils y arriveront, ni qu'ils reviendront, leur solitude dans les grands espaces inconnus résonne dans l'esprit de l'adolescent, comme pour comparer et assimiler son désarroi.
« Que sais-tu, dans une seconde tu n'auras plus le temps de comprendre que tu étais sur le point de ne plus exister ? »

Rien ne vient aider ce jeune, il n'a aucun repère, son père, cultivateur, ne sait pas manier un stylo, et l'enfant ne s'identifie ni à lui ni aux conversations circulaires de sa grand mère et de sa mère, qui reprisent et lui cousent des caleçons humiliants dans de vieux draps.
Humilié, il l'est encore plus quand il part en collège, perdu, dans un milieu de riches qui se moquent de sa pauvreté : ses camarades de classe s'arment d'un compas dans le fond de la classe, les curés lui prédisent l'enfer éternel s'il commet le péché principal, se caresser, ce qu'il fait chaque jour, travaillé par une adolescence solitaire, tenaillé entre le plaisir impératif et la culpabilité. Il a déjà compris qu'ils mentent, ces curés, que cette croisade morale inflexible ne correspond pas à la vraie vie, que Darwin a raison, alors il s'échappe en pensée, dans un monde d'après, où la gitane dont il a aperçu les seins serait avec lui dans une grotte. Il s'échappe dans les livres, Jules Verne, bien entendu, Et aussi dans ce voyage sur la Lune auquel il participe, se demandant pourquoi Armstrong et pas lui, tutoyant ses camarades imaginaires, puis utilisant à la fin du livre un nous qu'il n'emploie pas avec sa famille, ni avec ses camarades de collège.

Le passage à l'âge adulte s'opère insensiblement, comme un vent léger et imperceptible. Car, bien entendu, il n'y a pas de vent sur la Lune, le vent c'est ce qui a fait qu'il a changé, sans savoir ni pourquoi ni où il va se diriger. Ce vent qui fait qu'il se reconnaît plus, comme s'il s'était perdu en chemin sans pouvoir se définir, et que l'avenir lui fait peur.
Antonio Muñoz Molina , pour cette histoire, utilise de longues phrases à la Proust, remplies de détails destinés à illustrer la pauvreté dans un village andalou, pendant l'été 1969, là où frigidaires, téléphones et téléviseurs ne sont possession que de privilégiés, au moment où , parallèlement, le petit pas pour l'homme se double « d'un grand pas pour l'humanité. »
Lu en VO, c'est plus pratique pour moi.
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