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Critique de 5Arabella


Ce promeneur est sans doute l'auteur lui-même, qui se balade, explore, les paysages urbains, à Madrid, Paris, New-York... Mais il semble régulièrement croiser le chemin, suivre, entrapercevoir, une silhouette qui se dérobe, qui disparaît lorsqu'il pense l'avoir retrouvée, d'un homme qui comme lui parcourt la ville, récupère des prospectus, catalogues, affiches etc ; essaie de classifier, de garder trace de la vie telle qu'elle est, telle qu'elle se transforme, telle qu'elle va disparaître sans doute en un cycle de plus en plus rapide de transformations. Une sorte de double, de négatif, de l'écrivain lui-même peut-être.

Mais il y a aussi tous les promeneurs illustres qui les ont précédés. de grands artistes, comme De Quincey, Wilde, Baudelaire, Joyce, Benjamin, Poe...Poe qui écrivit une nouvelle intitulée L'homme des foules, dans laquelle le narrateur, observant les passants se trouve attiré par un homme qu'il va suivre, et avec qui il n'arrivera pas à établir le contact, un peu comme Antonio Muñoz Molina n'arrive pas vraiment à communiquer avec l'homme qui apparaît régulièrement, et dans divers lieux, qu'il parcourt. Les artistes évoqués par l'auteur sont des génies acculés, méconnus par leurs contemporains, démolis par des drogues, par la misères, par le rejet de leurs oeuvres ou de leurs personnes. Et qui eux aussi arpentent les rues, tentent de saisir avec leurs yeux aiguisés l'esprit de leur temps, les ambiances, les décors, les passants. Comme Benjamin qui aura rassemblé un gigantesque matériel en vue d'un ouvrage monumental, le livre des passages, qui ne sera jamais véritablement écrit, qui va se résumer à de la documentation, des morceaux, des projets... Une sorte de splendide ruine de ce qui aurait pu être un magnifique monument. Mais le destin tragique de Benjamin, qui l'a transformé en exilé misérable, tentant de survivre tant bien que mal grâce à quelques travaux alimentaires, ne lui permettra pas de donner corps à son projet jusqu'à la fin prématurée de sa vie.

Ce sont ces passages, dans lesquels Antonio Muñoz Molina évoquent ses illustres prédécesseurs, qui m'ont le plus passionné. Il réussit à créer des personnages, à communiquer sa passion pour leurs oeuvres, à nous donner la sensation de partager leurs destinées, même si pour ce faire il procède parfois à des schématisations des vies véritables de certains d'entre eux. Mais peu importe, il fait flamboyer le destin des divins miséreux créant des merveilles dont d'autres tireront des profits après leurs morts. Certains de ces passages m'ont rappelé les volumes du Manifeste incertain de Frédéric Pajak, en particulier ceux qui évoquent Walter Benjamin. D'autant plus qu'Antonio Muñoz Molinain insère dans son livre, des images, photos ou reproductions de tableaux, moins nombreux certes que les dessins dont Pajak illustre ses livres. Il y aussi de très beaux paragraphes consacrés à l'auteur lui-même, à la femme qu'il aime, à son déménagement etc. J'ai en revanche trouvé un peu trop long parfois et par moments répétitifs, les passages décrivant le monde contemporains, les publicités, décors, atteintes à la planète etc. Globalement, je pense que ce beau livre aurait encore gagné à être un petit peu plus ramassé.

Mais peu importe. J'ai aimé déambuler avec Antonio Muñoz Molina dans les villes qu'il traverse, l'entendre me parler de tous ces artistes, et évoquer ce qu'il aime et ce qui le dérange, de manière libre, sans hâte, à son rythme. Un voyage à recommencer dans d'autres livres de l'auteur.
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