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Critique de CaroleDetain




J'admire et j'apprécie immodérément la finesse, la subtilité, l'art de Alice Munro.
J'écris des romans d'autofiction. Je vous livre ici le récit de mon enthousiasme à la lecture de PRUE, l'une des nouvelles des Lunes de Jupiter

(…)
23 HEURES 50
Seul dans le salon, Thibault navigue, télécommande en mains, d'émissions politiques en analyses financières, de spectacles humoristiques en bribes de films ou téléfilms, d'enquêtes sur les méthodes policières en reconstitutions de faits divers. Maude, allongée, dans la chambre faiblement éclairée, lit quelques pages d'Alice Munro. Immense plaisir. L'écrivain, une nouvelliste canadienne, anglophone, tisse de subtiles phrases dont les intrigues, presque inexistantes, s'inspirent de la banale vie quotidienne. Maude achève la lecture de Prue, l'histoire d'une femme qui n'a pas cinquante ans, facile à vivre, enjouée, aimée par ses grands enfants, mariée très jeune, divorcée depuis longtemps. Son expérience matrimoniale fut, dit-elle, une catastrophe sismique. Elle est appréciée par ses amis, ne se plaint jamais et pourtant elle passe sa vie à commenter son existence qu'elle présente, étrangement, comme une succession de douces et supportables déceptions, d'illusions peu à peu dissipées, de rêves perdus, de virages surprenants. Ses enfants adoptent à son égard une attitude protectrice. Un jour, de retour de voyage, ils lui offrirent une jolie boîte emplie de caramels. Elle fumait à l'époque et ils auraient voulu, par ce présent, l'inciter à abandonner la cigarette. Ils lui écrivent et elle oublie de répondre telle une enfant étourdie. L'histoire déroule son récit sans rebondissements particuliers. Elle a, dans son passé, vécu une année entière avec un neurologue qui rejoignit ensuite sa femme. Il vit maintenant seul, définitivement séparé de son épouse qui a quitté le Canada pour l'Australie. Un soir il annonce un soir à Prue qu'il l'épouserait bien, plus tard, quand il ne sera plus amoureux. Prue comprend qu'il vit une histoire compliquée avec une autre femme. Elle l'entend, à la porte, ce même soir, qui lance son sac à mains au visage de l'homme. La femme veut entrer chez lui qui refuse l'intrusion. Il dîne en compagnie de Prue et n'accepte pas ce caprice intempestif. Avant l'interruption de la femme en colère, il bavardait avec Prue, de recettes gastronomiques. Il est devenu cordon bleu depuis qu'il vit seul et aime parler cuisine comme tous ceux qui apprécient de préparer des mets raffinés. Prue passe la nuit chez lui et, le lendemain, de retour dans son appartement, elle dépose dans la jolie boîte offerte par ses enfants, un bouton de manchette en ambre qu'elle s'est approprié chez son ami avant de quitter sa maison. D'autres objets y sont conservés, sans valeur, qu'elle a pris chez lui, ou ailleurs, objets qu'en réalité, elle ne contemple jamais. Telle est la chute de la nouvelle. Maude est fascinée. Les événements furent anodins. Mais c'est la vie, très exactement, qui est dépeinte ici au fil des lignes.
Maude interprète, comme elle le souhaite. Elle profite de la liberté de lecture prodiguée, généreusement, sans compter, par cet auteur immensément subtil. Elle suppose que Prue dérobe, sans raison apparente, d'anodins objets, afin d'intervenir, à sa façon, sur le monde qui l'entoure, afin d'imposer sa propre empreinte (même si celle-ci paraît insensée) au sein d'une existence apparemment floue et informe. Maude se trompe peut-être. Il lui importe peu. La joie nait du plaisir de la lecture.
Elle rend grâce à France-Culture qui lui fit découvrir cet auteur en mai dernier. Un groupe de journalistes débattaient autour d'une table, un samedi après-midi, dans un studio de Radio-France, unanimement éblouis par les publications de cette femme née en 1931 en Ontario. Ils commentaient sa récente autobiographie, écrite sous forme de nouvelles. Maude a maintenant lu l'ensemble de son oeuvre traduite en français.
Une fois la lecture de la nouvelle terminée, dans la nuit de la chambre, Maude repense à Romain, à son attente de la fête de Noël. (…)
Extrait du roman D'une fenêtre, le ciel (edilivre)
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