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Critique de Lucilou


Il y a les histoires qu'on attend, qu'on adore souvent mais qui nous déçoivent parfois et celles qui nous surprennent, qui nous cueillent comme ça, l'air de rien, à la manière de "3000 façons de dire Je t'aime" qui s'est invité dans ma bibliothèque par hasard et qui m'a tellement touchée que je sais qu'il ne la quittera plus vraiment.
Ce n'était peut-être pas le hasard d'ailleurs. C'était peut-être un signe, un cadeau, le destin... Ou les trois à la fois.
Allez savoir. Il n'empêche que ce roman jeunesse s'est imposé à moi, qu'il a devancé tous les autres livres qui attendent patiemment et depuis longtemps parfois que je daigne les ouvrir et m'y noyer.

Oui, ce roman, c'est Marie-Aude Murail et c'est vrai que je l'aime beaucoup.
Mais ce n'est pas ça qui m'a poussée.
Non, c'est autre chose.
Le résumé d'abord qui parle de théâtre et de collégiens, de rêves et d'amitié, de textes qui aident à grandir, qui font du bien. Qui rendent vivants et qui rendent heureux. de peur, d'amour et de scène. de la beauté des alexandrins qu'on fait résonner.

L'idée de lire l'histoire de ces trois gamins ressortant bouleversés, transformés d'une représentation de "Dom Juan" à laquelle les avait traîné une professeur de français obsédée par les fins tragiques (en même temps, c'est mieux quand ça finit mal, non?) au point de vouloir faire du théâtre leur métier, au point de changer leurs vies aussi m'a étreinte jusqu'à me faire mal au ventre.
Parce que c'est vrai.
C'est vrai que le théâtre va bien aux collégiens. Qu'il peut les aider à devenir eux-mêmes ou à sortir de leurs coquilles. Qu'il peut changer l'image que les adultes se sont forgés d'eux. Qu'il peut les sauver ou au moins les rendre heureux. Même si c'est juste un peu. Même si ce n'est que le temps d'une année scolaire.
C'est vrai que parfois une réplique, un personnage peuvent les chambouler, les bouleverser: tout est plus intense à quatorze ans.
C'est vrai que parfois le théâtre les révèle et que la lumière qu'on jette sur eux les embellit, qu'ils sont capables d'être incroyablement drôles. Emouvants. Les deux à la fois de temps en temps.

Alors oui, l'histoire de Chloé, Bastien et Neville, j'avais très envie de la découvrir pour ce qu'elle me semblait promettre et pour retrouver un peu de la lumière et de l'émotion de ces élèves qui un jour m'ont offert Vérone ou la cour de Louis XIII. Et je peux vous dire, vous jurer même, qu'ils étaient beaux, qu'ils étaient bons à vous en serrer la gorge, à vous faire mourir de rire. Qu'ils le seront. de vrais comédiens, un pour tous et tous pour un.
Pour retrouver aussi l'ombre fugitive d'une collégienne qui eut un jour la bonne idée de pousser la porte du club théâtre de son collège à elle, le trac et la peur au ventre.
Cette histoire, enfin, je la voulais aussi pour tout ce qu'elle pourrait me raconter et que je ne soupçonnais pas.

Six ans ont passé depuis "Dom Juan". Bastien, Neville et Chloé se sont perdus de vue après cette année de cinquième dont ils ignorent encore combien elle changera leurs vies à tous trois.
Ils se retrouvent toutefois au conservatoire d'art dramatique de leur ville où le professeur Jeanson, aussi exigeant que réputé, les accepte tous les trois et les prend sous son aile. Rien, pourtant, ne les destine à brûler les planches, si ce n'est leur désir fou de jouer et d'être sur scène, le rideau rouge et le public à leur portée.
En effet, Chloé est d'une timidité maladive et ne supporte pas de jouer la moindre scène d'amour, pas plus qu'elle ne consent à se laisser aller sur scène, à se servir de son corps autant que de sa voix. Jusqu'à Aricie.
Bastien, lui, refuse d'apprendre le moindre texte par coeur. Clown au grand coeur, mais clown un peu triste qui se prend pour un imposteur. Jusqu'à Arlequin.
Quant à Neville, le beau ténébreux, il ne sait que faire de ses émotions si bien qu'elles l'étouffent et le font taire. Jusqu'à Hippolyte et Lorenzaccio.

Les trois jeunes gens ne le savent pas encore mais le théâtre va changer leurs vies à jamais, les révéler à eux-mêmes et les faire grandir, leur donner la confiance qu'ils n'ont jamais eu et les lier pour toujours au coeur d'une histoire d'amour délicate et singulière, entière et émouvante.

Et en creux de cet hymne à l'amour fou et à la tolérance, chef d'oeuvre d'émotions et de sensibilité, les textes classiques résonnent et cadencent le texte. Reflétant les doutes et les sentiments des personnages, ils n'ont jamais été si ardents, si modernes. "3000 façons de dire Je t'aime" est aussi une émouvante, une merveilleuse déclaration d'amour au théâtre, au texte et à la scène qui donne envie de s'y perdre encore cent fois comme si c'était la première.
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