Cécile [veuve avant 30 ans] ne se remaria jamais. Quand, sur le tard, on lui suggéra d'y songer, elle eut cette réponse : « Epouser un vieux ? Mon mari est jeune. »
Moussia [grand-mère] m'a questionnée : « Est-ce que tu pries pour moi, ma Nénette ? » J'ai dit oui et elle m'a fait choisir un biscuit. Ma petite soeur s'est empressée de dire qu'elle priait aussi.
Je me revois dans la rue avec maman quelque temps plus tard, et maman me disant : « Il faut que tu pries le bon Jésus pour qu'il rappelle Moussia au Ciel. Elle souffre trop. » Je ne savais plus ce que je devais faire, prier pour qu'elle meure ou prier pour qu'elle vive. C'était une grosse responsabilité.
(p. 128-129)
Quand maman n'avait plus d'eau de fleur d'oranger, elle m'apportait un verre d'eau sucrée et, disait-elle, je ne m'apercevais de rien.
(Il ne faut pas prendre les enfants pour des idiots, ils sont juste indulgents.)
(p. 144)
« Trouve-toi une passion et tu es sauvée », me disait maman quand j'étais adolescente.
(p. 93)
"Le bonheur, c'est d'être heureux. Ce n'est pas de faire croire aux autres qu'on l'est." Jules Renard
Dans l'environnement qui était le mien, écrire ne relevait pas d'une décision. La question n'est pas : pourquoi avez-vous voulu écrire ? Mais : pourquoi avez-vous voulu être publiée ? Car c'est vraiment là qu'il faut vouloir, et parfois vouloir avec opiniâtreté.
(p. 271)
[Elle] a des parents communistes qui lui interdisent de lire 'Arsène Lupin' parce que c'est un voleur. Chez elle, on pousse si loin la passion égalitaire que, le matin, ses deux soeurs plongent le doigt dans leur bol de chocolat, pour vérifier qu'il arrive au même niveau.
(p. 286)
D'où vient mon goût pour les histoires qui finissent bien ? Même dans la vraie vie, même dans les histoires 'based on a true story', j'attends obstinément l'heureux dénouement. Une lampe allumée. Je ne peux pas laisser mon lecteur dans le noir. « Pour l'enfant, dit Michel Tournier, une histoire qui se termine mal est une histoire qui ne se termine pas du tout. Il demande la suite aussi longtemps que tout n'est pas rentré dans l'ordre. Et l'ordre universel, c'est le bonheur. »
(p. 189-190)
Dans le bas d'une vitrine, sculptée par mon grand-père, que maman m'a donnée quand j'étais jeune mariée, j'ai entassé des lettres personnelles et des journaux intimes. Je les aurais volontiers jetés, mais mon mari les a préservés de déménagement en déménagement.
Je suis d'une nature jeteuse depuis que j'ai lu sous la plume de je ne sais quel crétin misogyne, peut-être Montherlant, que les femmes gardent les lettres qu'on leur a envoyées comme la preuve qu'on les a aimées. Et parce qu'un autre crétin misogyne, ou bien le même, a remarqué que le point d'exclamation était la ponctuation préférée des jeunes filles qui tiennent un journal intime, je n'ai jamais souhaité relire les miens.
(p. 119)
Mes parents ont eu quatre enfants artistes, trois écrivains et un compositeur de musique, quatre enfants qui ont suivi le chemin de Raoul. Il arrive que des êtres morts dans la fleur de l'âge donnent beaucoup de fruit. J'aime à penser, j'aime à dire que Raoul est de ceux-ci.