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Critique de Lucilou


J'ai toujours été fascinée par les histoires de famille, les questions de filiations et de généalogie, la transmission et par ce que cela peut imprimer en chacun de nous.
J'ai grandi en tribu et entourée, outre mes parents et ma petite soeur, de mes oncles et tantes, de mes cousins et de mes cousines. Chez nous, les tablées sont nombreuses et bruyantes (et les repas interminables quoique plantureux). Nous avons nos anecdotes, mille fois racontées, nos rituels, nos légendes familiales, nos chansons et nos parties de cartes. J'adore ça et je ne suis jamais plus heureuse que lorsque quelqu'un ressort les vieux albums ou les boîtes plus anciennes encore (en fer blanc) pleins de photos qui courent des années 1910 aux années 1980 -plus tard, c'est moins exotique-, d'autant plus que je fais partie des plus jeunes... Alors, ils ont tous des souvenirs que je n'aurai jamais...
J'aime me faire retracer notre généalogie par l'un de mes oncles que corrige une tante soucieuse d'exactitude.

Je ne sais pas d'où me vient ce besoin de savoir de quoi sont faites mes racines, ce besoin viscéral de savoir, d'archiver, de transmettre. Peut-être que ça me rassure, peut-être que je cherche des réponses alors même que je n'ai pas de questions… Peut-être parce que j'ai peur du temps qui passe et de la mort qui finira par me prendre les miens un jour.

Quoiqu'il en soit, tout cela me fascine. Ainsi quand un auteur dont j'aime les écrits se lance dans cette quête des origines et qu'il en tire un livre, je suis immédiatement attrapée.

Pour moi, Marie-Aude Murail était et est avant tout une auteur jeunesse dont les romans ont bercé mes années collège -je dois toutefois confesser qu'aux siens, je préférais ceux de Moka dont j'ai appris plus tard qu'elle était la soeur-. Je savais qu'elle avait publié des textes plus adultes mais je ne m'y suis jamais arrêtée jusqu'à ce que je découvre "En nous beaucoup d'hommes respirent" au relay de la gare de Lyon.

Dans cet ouvrage, Marie-Aude Murail entreprend la rédaction de son roman familial, de la rencontre de ses grands-parents en 1914 à la naissance de ses propres enfants, aidée par les trésors découverts dans la maison parentale: photographies, correspondance, journaux intimes, menus de mariage, documents administratifs.
L'auteur restitue l'histoire et la vie des siens, intercalant dans son récit ses propres réflexions, ses questionnements, ses sentiments, ses conclusions aussi, comme le fit en son temps Nathalie Sarraute avec "Enfance" (que j'ai détesté d'ailleurs!).
Plusieurs choses rendent passionnant ce travail d'archivage et de mémoire familiale: le récit en lui-même qui a achevé de me convaincre si j'en doutais encore que chaque famille, chaque individu même a une histoire à raconter avec son lot de romanesque et qui m'a passionné, de 1914 aux dernières années. A cela s'ajoute la sensibilité, pourtant mêlée de détachement avec laquelle Marie-Aude Murail fait part de ses découvertes et évoque notamment les questions de la mort et du deuil. Cela m'a touchée infiniment. Enfin, loin de se contenter de raconter, l'auteur se sert aussi de son histoire familiale pour réactiver sa mémoire et faire sa propre analyse, à la lumière de son passé et de ce qu'elle était. C'est d'autant plus captivant que c'est écrit avec une plume lucide qui manie l'humour et l'introspection avec brio.

"En nous beaucoup d'hommes respirent" est un livre définitivement touchant, poignant même, intelligent et extrêmement inspirant qui rend hommage à ceux qui font de nous de ce que nous sommes et qu'on porte en nous même après leur grand départ, à ce qu'on leur doit et à tout ce qu'on ne doit qu'à nous-même.

Beau et brillant.






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