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Critique de le_Bison


Haruki Murakami est un formidable conteur. Il distille une ambiance comme d'autres distilleraient un bon rye à 50°. du coup, qu'est-ce que je vais bien pouvoir te conter sur ces contes à la sauce Murakami. Pour être honnête avec toi, j'aime bien l'honnêteté, est-ce que ça vaut le coup d'ailleurs que j'essaie de mettre des phrases, sans âme, d'un homme, moi en l'occurrence, regardant une femme endormie sous des saules aveugles. Les yeux clos, elle garde son sourire, un sourire qui me rend aveugle de son éclat. Et à partir de cette image je pourrais te raconter tout ou n'importe quoi. Une histoire d'amour, une histoire de tristesse, une histoire de bières et de jazz. de toute façon dans ce genre d'histoire, il suffit d'une lune, couleur bleue et tout se lie.

Donc par où commencer. Par le début me semble logique. Alors je sors la bouteille du frigo, la caresse de mes mains, pour sentir sa fraîcheur. En quelques secondes, elle devient humide, perle de sueur le long de son corps de verre. Envie de lécher la moindre goutte, mais je réserve ma patience pour d'autre embruns. Je la décapsule ainsi et la verse aussitôt dans un verre à pied aux formes harmonieusement arrondies. Et là, je respire, cette sensation de fraîcheur, cette fragrance légèrement herbacée. Les yeux clos, je m'imagine dans une autre vie, pleine d'espoir, de beauté et d'odeur de jasmin ou de spaghettis, ici ou dans la baie de Hanalei. Je choisis un disque au hasard en me parlant à moi-même comme si je lisais un poème.

Haruki Murakami dicte légèrement mon choix. Il me parle ainsi du 10 to 4 at the 5 Spot, chez Riverside, du quintette de Pepper Adams avec un certain Donald Byrd à la trompette. Ma main se dirige ainsi vers la lettre B - oui, je sais, je suis du genre à classer mes disques par ordre alphabétique, le bêta, le pauvre type, c'est comme pour les romans sur les étagères de ma bibliothèque. B comme Byrd, donc. A new perspective, band & voices, chez Blue Note, 1963. Hank Mobley au saxophone ténor, Herbie Hancock au piano. Un album qui dès les premières notes m'émeut. Ces voix venues d'ailleurs qui bousculent le peu d'âme qui reste en moi. Mais bref passons, tu vas encore me dire qu'on s'en fout de ta vie, du choix de tes bières ou de tes disques, que ce que tu veux savoir c'est ce que raconte cet étrange bouquin qui te sert maintenant de sous-bock au titre étrange mais pour le moins poétique : « saules aveugles, femme endormie ». Alors j'y viens, il faut savoir prendre son temps pour déguster une bière, ouvrir les cuisses d'une femme ou fermer un bouquin de Murakami.

Et comme je le disais au début de ma chronique, l'auteur est un formidable conteur. En une trentaine de pages, longueur moyenne de chacune de ses histoires, il m'embarque dans une ambiance, tout aussi étrange comme le laisse supposer son titre. Parfois, cela flirte avec l'imaginaire. Comme souvent avec Haruki, il laisse libre cours à son imagination, souvent débordante, qui flirte avec la banalité comme avec les kamis ou les fantômes. Avec ou sans chute, si ce n'est la chute de reins de cette femme qui m'obsède depuis la nuit des temps, depuis que la lune illumine mes nuits de sa lueur bleue et que la brise emporte ces notes de trompette, bref, passons là encore sur ce détail insignifiant pour certains, mais aussi avec du jazz, des références omniprésentes. En fait, j'ai envie de dire : on aime ou on aime pas, cela dépend de sa perception, de son ouverture d'esprit, de l'acceptation d'un monde étrange qui peut dépasser parfois la vision bassement matérielle de ce verre de bière presque vide où des traces de mousse blanche glissent encore le long de sa paroi. Et de la musique intérieure qui circule dans ton corps, sous des saules aveugles.

https://www.youtube.com/watch?v=4NPchdtfP0Q
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