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Critique de Laurence64


Au bout du bout du monde, là où "la cote fait de la dentelle dans les eaux froides du Pacifique", une ferme s'accroche aux cailloux. Un bout de Patagonie, côté Chili. En ce début du XX° siècle, un garçonnet grandit sous les cieux qui débordent, sur la terre qui profite plus aux serpents qu'aux patates, entre deux parents qui l'ont fait sans y penser vraiment. Parfois un chercheur d'étoiles, un poète un peu fou ou un géologue quêteur trouvent refuge dans l'abri isolé. Ils ne restent jamais.
N'étaient les variations climatiques, les jours sont condamnés à ressembler aux jours. Pourtant, la routine dérape sur la lame d'un couteau. Un jour, un malfrat désireux de se faire oublier s'arrête là et tue une dernière fois. Il tue le père. Il tue la mère. N'a pas le mode d'emploi pour tuer un enfant. Paolo vivra donc. Paolo continuera à grandir aux côtés de l'assassin de ses parents.

Ce roman graphique est tout simplement beau. Dans de grandes vignettes sépia, gris bleuté, ou couleur de terre, l'enfant et le truand se dévisagent. L'un s'humanise. L'autre prend vie. Les lignes narratives soulignent le graphisme élégant, le complètent en douceur. Et les rares dialogues, riches de silence, barrent à peine le crayon noir de Thierry Murat.
C'est beau. Ah! Je vous l'ai déjà dit. Je continue donc.

Plein de retenue, le récit se construit autour de Paolo. Jamais manichéen, il s'inscrit dans l'âpreté des lieux. Pour l'enfant qui a poussé comme une herbe, le jour de sa naissance est le jour où Angel est arrivé. "Je ne me souviens de rien avant ce jour". Une façon de parler dans ce lieu où ne poussent bien que les nuages et les pierres. Sous un monticule de terre reposent deux corps.: Paolo n'oublie pas.
Cette histoire élaborée à grands coups de non-dits ne psychologise pas, ne larmoie jamais. Les émotions percent avec parcimonie. Sur la terre de Patagonie, l'homme n'est jamais tout à fait noir, tout à fait gris. Pas plus Paolo que Angel ou que Luis, celui qui échappa au couteau d'Angel, celui venu là pour s'enraciner. Ici, l'homme est homme.

Thierry Murat a évité moult écueils. J'ai marché avec ravissement tout du long. C'est beau, beau, beau. Je ne me risquerai pas à lire le roman de Anne-Laure Bondoux. D'évidence, il serait trop bavard.
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