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Critique de CultureLivresque


Lorenzaccio est un drame historique du XIXe siècle. Alfred de Musset est probablement le dramaturge qui ira le plus loin dans l'illustration du théâtre romantique en brisant toutes les règles classiques : unité de temps, de lieu et d'action.


L'histoire se déroule en Italie, au XVIe siècle, le personnage principal est Lorenzo. Lorenzo est un Médicis, il aurait pu régner, mais Alexandre de Médicis a été préféré à lui, venant d'une branche cadette de la famille. le duc Alexandre est un tyran, il règne sur Florence et pervertit son peuple. La politique l'intéresse fort peu, du moment qu'il reçoit les impôts, il préfère se dévergonder auprès de toutes les femmes du royaume. Mais les républicains ne veulent pas se satisfaire de ce duc et veulent reprendre le pouvoir, pour cela, ils comptent sur le clan Strozzi, la famille républicaine la plus respectée de la ville. Mais toute action est désamorcée et lorsque Lorenzo leur donne la chance de se révolter, après avoir tué le duc, personne ne bouge le petit doigt, et Côme de Médicis, un garçonnet, est fait duc à la place d'Alexandre.

Vous avez sûrement déjà entendu cette expression. Et bien l'idée De Musset, lorsqu'il voulait créer un théâtre à lire dans le fauteuil - et non plus à aller voir au théâtre - est le symbole du théâtre romantique par excellence. Il est à l'origine, avec ses contemporains, de nos habitudes théâtrales : nous lisons plus que nous regardons les pièces.

En effet, il voulait changer les règles, comme Victor Hugo ou Alexandre Dumas, et ne plus respecter la règle des trois unités (unité de lieu : un seul lieu par pièce ; unité de temps : l'action de la pièce doit se dérouler en moins de 24 ou 48h ; unité d'action : il ne doit y avoir qu'une action principale). Musset est celui qui va le plus loin. Il multiplie les lieux et les personnages (plus de 30 personnages !). Il n'hésite pas à faire se dérouler deux scènes, dans un même laps de temps, dans deux lieux complètement différents. L'unité d'action n'est pas non plus respectée, l'histoire se déroule sur trois fils conducteurs imbriqués les uns dans les autres.

Il mélange également les registres. Il emploie le comique au début de la pièce, avec l'enlèvement de la petite qui finira dans la couche du Duc et le déguisement du duc, habillé en nonne. La fin également est comique, puisque le conflit entre la famille Strozzi et Salviati continue entre les enfants des familles. Mais il y a également du pathétique, c'est Philippe qui l'incarne, lui qui souffre tant de ses pertes. le dramatique est reflété par les actions de Lorenzo, etc.


Alfred de Musset a donné à son personnage principal, Lorenzo, de nombreuses caractéristiques des sentiments de son siècle, parmi lesquels il y a le désenchantement politique. La jeunesse, qui voulait changer leur société et qui a décidé d'accéder au pouvoir est vite désillusionnée. Elle n'a aucun pouvoir et toute action est un coup d'épée dans l'eau. C'est également le cas pour Lorenzo, il veut agir et libérer le peuple ainsi que lui-même de la tyrannie d'Alexandre de Médicis, mais il sait que son action sera vaine, que cela n'engendrera aucune réaction. Toute action politique devient inutile. Il n'a plus d'idéal, il est désabusé et ne croit plus en l'homme ni en l'histoire, jusqu'à avoir des tendances suicidaires puisqu'il veut se promener dans les rues de Florence au regard de tous, alors que sa tête est mise à prix.
Lorenzo semble être un Brutus avorté. A la lecture de la pièce, nous sentons la présence comme modèle de Brutus. Lui qui a tué César, en se faisant passer pour fou. Il est le modèle de celui qui abolit toute tyrannie. Et si notre cher Lorenzo se sentait affilié à cette figure historique, il sent bien que sa mission a échoué et qu'il n'est plus question de défendre le peuple mais d'orgueil. Il est question d'orgueil puisqu'il sait que tuer Alexandre de Médicis n'éveillera pas de révolte de la population, ni des républicains. Il est persuadé qu'il s'agira d'une action qui restera vaine ; pourtant, il maintient sa décision : il tuera le duc coûte que coûte. Pour accéder à l'histoire et la marquer, pour être un Brutus moderne, il aurait fallu que son geste déclenche un éveil. Mais la venue de Côme au trône marque le début d'un recommencement. Et Lorenzo finira dans la lagune, ne laissant aucune trace de son existence dans la Grande Histoire.


Finalement, il s'agit d'une pièce de l'inaction et de l'inefficacité, représentée par le clan des républicains ; avec, comme dans tout drame romantique, un personnage dans l'ombre qui tire les ficelles. Ce personnage, c'est le cardinal Cibo, dont il faut se méfier comme de la peste…

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